jeudi 28 janvier 2021

Hedwig Courths-Mahler — La marchande de rêves la plus lue d'Allemagne — Où il est aussi question du roi de Bavière et de Richard Wagner.

   

Marchande de rêves

    Hedwig Courths-Mahler, alias Ernestine Friederike Elisabeth Mahler, publia aussi sous le pseudonyme d'Hedwig Brand.  Née le 18 février 1867 à Nebra / Unstrut, en Allemagne et décédée le 26 novembre 1950 à Tegernsee , en Bavière, Hedwig Courths-Mahler est née comme enfant illégitime d'un père tombé au combat lors de la guerre de 1866. 
   Elle fut élevée dans des circonstances modestes et sans beaucoup d'affection par sa mère et un  beau-père qui ne voulait pas d'une enfant d'un autre lit et confiée à la garde payante d'une famille d'accueil très modeste, dont elle garda cependant d'excellents souvenirs. Après son divorce avec Brand, sa mère se livra à la prostitution et, à la fin de sa vie, fut emprisonnée pour proxénétisme. 
    Hedwig dut interrompre sa très brève scolarité dès qu'elle fut en mesure de gagner sa vie. Elle était alors âgée de quatorze. Elle exerça divers emplois, tels que servante, garde-malade ou vendeuse, —cependant qu'elle consacrait ses loisirs à la lecture, — avant de se lancer dans la carrière littéraire. 
    C'est alors qu'elle était encore employée comme vendeuse qu'elle commença à écrire des textes sentimentaux qui mettaient en scène ses rêves d'une vie meilleure fort différente de la réalité qu'elle expérimentait au quotidien.Dans le monde rêvé de ses romans, des forces bienveillantes sont à l'oeuvre, qui mènent à la fortune des femmes que la vie a injustement blessées. Un héritage inattendu ou le mariage viennent opportunément améliorer leur existence. Le mariage permet en outre parfois d'aplanir les obstacles qui divisent les classes sociales. 
    Hedwig Courths-Mahler fut une autrice très productive : on lui doit plus de 200 romans, qu'elle publia à raison d'une moyenne de six romans par an, Ces récits furent accueillis par un public populaire enthousiaste, tout en subissant les foudres d'une critique littéraire méprisante. Ses romans sentimentaux très fleur bleue et se terminant généralement par une fin heureuse ont satisfait un large public, qui cherchait à s'abreuver de récits sans ambiguïté dans lesquels les bons se voient toujours récompensés par la sécurité financière et la promesse du bonheur conjugal et les mauvais finissent par recevoir le châtiment qu'ils méritent. 
   Plusieurs de ses romans ont fourni le scénario de pièces de théâtre et ont été portés au cinéma. Hedwig Courths-Mahler connut un immense succès. On parle de plus de 80 millions d'exemplaires, dont 50 millions entre la fin de la seconde guerre mondiale et la mort de l'autrice en novembre 1950. Le succès dépassa les frontières des pays de langue allemande, on en connaît des traductions dans une douzaine de langues. Le phénomème Courths-Mahler a marqué tout le vingtième siècle. 
   Si les critiques littéraires de son oeuvre sont en partie justifiées, il faut cependant reconnaître que la lecture de ses livres apporta beaucoup de plaisir à des millions de lecteurs, qui y ont trouvé la réalisation de leurs rêves et de leurs fantasmes.

La réception française de l'oeuvre 

    C'est à l'éditeur Flammarion que l'on doit la traduction d'une série de romans à partir des 1930. Nous en avons relevé 17, tous traduits par des femmes. Leurs titres sont évocateurs du type de littérature à laquelle ils appartiennent :

Au secours de Denise
Avec toi jusqu’à la mort
Cœurs éprouvés
Fleur blanche
La fiancée d’un jour
La princesse des îles
La tendre alliée
Le cœur d’une mère
Le grand amour de Serge Landry
Les cœurs ne mentent pas
Le talisman de la rani
Loin des yeux, près du coeur
Mon cœur, réveille-toi !
Tempête sentimentale
Toi que j’aime
Tourments d’amour
Troublant mystère

    Nous avons également relevé trois publications sous la forme de feuilletons dans la presse française (deux romans dans l'Écho du Nord, un dans l'Écho d'Alger), qui dans l'ensemble, à de très rares exceptions près, est plutôt élogieuse pour l'écrivaine, En voici quelques extraits :

1928 — Le romancier allemand le plus lu. De tous les écrivains allemands vivants, l’auteur le plus répandu n’est pas précisément celui que citent les gazettes littéraires ou les manuels. Or, Frau Courths-Malher est de tous les pays de langue allemande le romancier le plus lu, puisqu'elle ne compte pas moins de vingt millions de lecteurs des deux sexes. Sa production tient du prodige : elle donne à son éditeur quatre romans par an et les foules avides de romanesque et de récits sentimentaux se jettent sur les livres de Courths-Mahler avec enthousiasme. Elle a débuté à l’âge de dix-huit ans. En cherchant un peu, on trouverait, en France; quelques auteurs du même genre, peu cités par les revues littéraires, ignorés des critiques, mais qui ont su conquérir les faveurs d’un vaste public.

1934 — Mme Courths-Mahler [...] est une des romancières les plus célèbres de l'Allemagne. Elle s'est spécialisée dans le romanesque idyllique, puéril, charmant, familial, qui assura jadis à certains ouvrages de Georges Ohnet el d'Hector Malot un succès qui dure encore.

1949— Deux auteurs allemands qui, en général, ont enchanté leurs lecteurs malgré les barrières nationales : Karl May — aimé par [...] la jeunesse romantique partout — et Hedwige de Courths-Mahler, productrice en masse des histoires d’amour sentimentales entre comtes, barons, officiers et femmes bourgeoises, gouvernantes, etc.

La presse française a surnommé Hedwig Courths-Mahler le Delly allemand.

    Deux exemples de critiques de presse 

Cœurs éprouvés, par Courths-Mahler, traduit de l'allemand par Alice Cuénond (Ernest Flammarion, éditeur). — 1935 — L'intrigue la plus simple, l'histoire la plus banale ou la plus fatiguée peut prendre sous une plume habile une nouvelle jeunesse, le talent de l'auteur lorsqu'il est réel sait renouveler un sujet, redonner une vie à des personnages morts, insuffler une ardeur à des héros sur lesquels maints écrivains se sont déjà penchés. Courths-Mahler nous le montre ici en nous contant une aventure qui dans un sec résumé apparaît banale et quelconque : Eva Moreno se trouve dans une ville de Suisse, sans argent, sans famille, avec la seule richesse de sa jeunesse — elle a vingt ans — et de son talent de violoniste. La rencontre heureuse de Michel Oldet sera pour elle cependant l'aube d'une vie nouvelle et malgré bien des traverses, bien des chagrins, de dramatiques péripéties, elle parviendra au bonheur tant attendu, tant espéré. Mais l'auteur sait mettre dans son roman une sensibilité si délicate, une émotion d'une qualité telle que le lecteur vibre profondément et est séduit dès les premières pages. Remercions Mme Alice Cuénond, dont l'excellente traduction nous permet de connaître cette belle œuvre.

Troublant mystère — 1936 — Je n'ai, lu aucun autre roman de Mme Courths-Mahler. Celui-ci, par son texte autant que par son titre, est dans la tradition de l'aimable et honnête feuilleton.
Le souvenir d'Octave Feuillet, et la douceur douceâtre des livres de Mme Delly planent au-dessus de celte histoire gentillette comme un papier fleuri pour «compliment » de jour de l'an.
Il y a une jeune fille qui a été élevée par une dame riche dont elle croit être la fille. Dès les premières pages du bouquin, elle reçoit la révélation :
— Mon enfant, je ne suis pas ta mère !
Ça commence bien...
Et ça continue.
La jeune fille a donné son cœur à un homme qui ne se doute pas de la chose et qu'elle retrouve comme par hasard. Et qui tombe amoureux d‘elle. C'est bien son tour !
Autour de cela, il' y a des questions d'héritage, un château et une chaumière. Tout le matériel ordinaire.
Le livre compte 249 pages. Dès la page 129, le lecteur moyen sait il quoi s'en tenir sur le « troublant mystère ». C'est dire que le problème n'est pas très subtilement posé : Simenon fait mieux.
Le roman a été traduit de l'allemand par Nicole Renaud. Cette traduction était-elle nécessaire ?
N'a-t-on rien de mieux à faire connaître au public français ?
Pendant ce temps, le Roman de Quat’sous, de Bertold Brecht ne trouve pas d'éditeur en France...
(Un vol. Flammarion. 12 francs.)

Et le roi Louis II de Bavière dans tout cela  ?

    En 1911, Hedwig Courths-Mahler publiait un roman dont le protagoniste, mort 25 ans plus tôt n'était autre que le roi Louis II de Bavière. Cette oeuvre publiée pour honorer la mémoire du roi  à l'occasion du 25ème anniversaire de son décès tragique, n'avait pas été traduite en français jusqu'à présent. 
    J'ai le grand plaisir de vous annoncer sa parution prochaine, dans le courant du mois de février ou début mars, dans la traduction de Luc-Henri Roger sous le titre Le roi Louis II de Bavière et sa protégée (titre original :König Ludwig und sein Schützling).
    La pupille du roi n'est autre qu'une enfant d'un couple de forestiers avec qui le roi se lie d'amitié au point de lui assurer la meilleure des formations scolaires. La petite fille, Walpurga Malwinger, est douée pour la musique et le chant et le roi favorise sa formation musicale. L'enfant grandit, devient une ravissante jeune fille, un jour le hasard veut que Richard Wagner l'entende chanter... 
    Un livre qui devrait ravir les amis de Louis II et de Richard Wagner. 

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