dimanche 30 juillet 2023

Deux poèmes du 'Chef des odeurs suaves' de Robert de Montesquiou mettent en scène les filles-fleurs de Parsifal

© Bayreuther Festspiele / Enrico Nawrath

Pour Camille Schnoor, Evelin Novak, Margaret Plummer, Julia Grüter, Betsy Horne, Marie Henriette Reinhold, incomparables magiciennes et filles-fleurs de Klingsor dans la nouvelle production de Parsifal au Festival de Bayreuth 2023.

Les Floramyes de Robert de Montesquiou

Robert de Montesquiou, poète dandy insolent et amateur d'art, publia Le chef des odeurs suaves, Floréal extrait en  1893 chez Richard, un recueil qui fut réimprimé orné d'un dessin par Breughel. Dans son journal à la date du 4 janvier 1893, Edmond de Goncourt évoque Le Chef des odeurs suaves, sur lequel travaillait encore Montesquiou : "Et Montesquiou m'entretient de son prochain volume de vers, qui sera tout entier consacré aux fleurs". 

Suivant l'édition de ses Chauves-souris, il s'agit du deuxième recueil de poèmes de Montesquiou. Le titre du recueil fait référence à un personnage de Salammbô (1862), roman historique sur Carthage de Gustave Flaubert  Dans son livre, Montesquiou célèbre les fleurs et les parfums, à la fois endeuillés et élégants.

La préciosité du style et l'extrapolation phonétique, caractéristiques du style poétique de Montesquiou, irrita les critiques, qui l'avaient massacré dès ses premières productions poétiques, en s'appuyant sur le fait que nombre de ses poèmes frisaient la frivolité.

Dans cette première phase de l'œuvre poétique de Montesquiou, les poèmes, " naturellement compliqués" selon ses propres termes, ne diffèrent pas beaucoup dans leur forme, bien que certains d'entre eux présentent quelques innovations métriques.

La première partie du livre intitulée " Floramyes " est constituée de sept poèmes. " Floramyes " est un terme qui fut autrefois employé pour désigner les filles-fleurs du Parsifal de Richard Wagner.  Deux de ces poèmes, " Simples " et " Filles-fleurs " mettent en scène le deuxième acte du Parsifal qui se déroule dans le jardin enchanté de Klingsor le magicien.

V SIMPLES

Décor de Parsifal, deuxième acte, féerie
De fleurs, où le cactus énorme se marie
Aux roses pourpre, aux œillets vifs, aux rouges lis,
Aux jasmins qui, de les frôler, sont moins pâlis.

Les filles-fleurs apparaissent, parmi ce rêve,
Végétales beautés, femmes qu'il faut cueillir, 
Soumises à Klingsor, qui mélange à leur sève 
Les philtres, les parfums, le rire et le soupir.

Mais, lorsque Parsifal a vaincu leur poursuite, 
Le clair décor se fane, et sèche en peu d'instants; 
La flore se flétrit et la femme est en fuite; 
L'automne, d'un seul coup, remplace le printemps.

Les Fleurs animées de Grandville

VI FILLES - FLEURS

Fille-Fleur de Wagner, que vit d'abord Grandville*, 
Que Walter Crâne** imite en un album subtil, 
Votre jupe-pétale, en ce livre, défile, 
Votre jambe s'effile et retombe en pistil.

Fleur-femme, Femme-fleur ; laquelle est, le plus, l'autre? 
Le papillon commence où cesse l'amoureux ; 
Le scarabée heureux dans la rose se vautre ; 
La Floramye attire un chevalier peureux.

Quand le jour est tombé, les fleurs deviennent femmes; 
Les femmes se font fleurs, à l'aurore du jour : 
Belles-de-jour, Belles-de-nuit, pleines de flammes, 
Les unes, de soleil et, les autres, d'amour.

Du curieux Grandville une fleur animée
Paraît un être hybride, humain et végétal ;
Sa taille est une tige, et sa branche palmée
Semble un bras dont la main tient un pleur de cristal.

De Crâne, c'est un bal costumé de fleurettes, 
Une procession de lis féminisés, 
De flores-dames, de fillettes-pâquerettes,
 De chevaliers-muguets, de seigneurs irisés.

Mais tout cela n'est point l'exacte Floramye, 
Ta fille vraie, ô Ver ! ta fleur vraie, ô printemps ! 
Celle que, pour sa gerbe, on veut, et pour sa mie, 
Telle, ô rêve ! qu'éternellement tu l'attends.

Deux peintres seulement ont entrevu la robe 
De féminine fleur de la femme-jardin; 
Du corps qui, sous la plante artiste, se dérobe, 
D'un beau parterre devenu vertugadin.

Botticelli, dans sa vernale Allégorie***, 
A la tunique où le mois de mai s'est tissé ; 
Etoffe qui serait, par le soleil, flétrie, 
Si le soleil s'était, dans la toile, glissé.

Plate-bande seyante, ambulante et vivante 
De jasmins au passé, d'oeillets au plumetis, 
De bouquets peints, de toute une flore savante 
Où, des oiselets seuls, manque le cliquetis.

Et, pour ce point, je veux encor donner la palme 
Au rare Zucchero**** qui peint Elisabeth, 
Dans Hampton Court, Diane à côté d'un cerf calme, 
La reine aux fols parfums de musc et de zibeth.

Peintre qui, sur l'étoffe encore plus fleurie 
Que la tienne, ô Florentine Primavera, 
Fait se percher l'oiseau dont le vol se marie 
Aux roses du tissu que rien ne flétrira.

"The flower-de-luce being one!" par Walter Crane
Notes

* Les Fleurs animées du caricaturiste, illustrateur et lithographe français Jean-Jacques Grandville (de son vrai nom, Jean Ignace Isidore Gérard, 1803-1847) paraissent en 1867. Elles rassemblent cinquante planches lithographiées qui seront très soigneusement mises en couleur par Edouard Maubert, peintre d'histoire naturelle attaché au Jardin des Plantes. L'ouvrage est introduit par un texte d'Alphonse Karr, Taxile Delord et le Comte Foelix consistant en un "micro dictionnaire" de botanique.
** Walter Crane (15 août 1845 à Liverpool - 14 mars 1915) est un artiste majeur anglais. Il fut également théoricien, écrivain, et socialiste convaincu. C'est l'un des principaux acteurs du mouvement artistique des Arts & Crafts. D'abord connu comme illustrateur, puis fervent promoteur des arts décoratifs, il a exercé son art dans de nombreux domaines : l'illustration, la peinture, la céramique, le papier peint, la tapisserie, etc. Montesquiou évoque ici les illustrations de l'ouvrage intitulé Flowers from Shakespeare's Garden: A Posy from the Plays.
*** " vernal ", adjectif pour désigner le printemps, allusion à la célèbre Primavera de Botticelli
**** Ce portrait représente la reine Élisabeth dans une robe de grossesse, ce qui laisse supposer que la "reine vierge" a eu des enfants, en l'occurrence Francis Bacon. Un mystérieux sonnet parlant d'une "plainte juste à l'injuste" se trouve en bas à droite. Le tableau est exposé à Hampton Court, au sud de Londres. Le portrait est en pied, dans un paysage boisé, la reine est vêtue d'une ample robe orientale blanche, richement brodée d'oiseaux et de fleurs, et portant une coiffe persane et un long voile ; un anneau est suspendu à son cou par un fil noir ; elle porte un autre anneau au pouce droit et des perles autour du bras droit, et place un chapelet de fleurs sur la tête d'un cerf ; derrière elle se trouve un arbre portant des fruits et des oiseaux, ainsi que deux inscriptions : Iniusti Justa querela et Mea sic mihi ; une troisième inscription figure à côté de la tête du cerf : Dolor est medicina (e)d[o]lori







samedi 29 juillet 2023

Richard Wagner Museum Bayreuth —Karikatur Wagner als Wesir / Caricature Wagner en vizir — Ernst Benedikt Kietz (1850)

© Richard Wagner Museum Bayreuth

[DE] Ernst Benedikt Kietz (1815-1890) schloss Freundschaft mit Richard Wagner, der ihm 1840 ein Klavierstück in E-dur (WWV 64, sogen. Albumblatt für Ernst Benedikt Kietz, „Lied ohne Worte“) widmete. Er fertigte mehrere Porträts von Wagner an, darunter diese Karikatur von Wagner als Großwesir, die derzeit im Richard-Wagner-Museum in Bayreuth (bis zum 8. Oktober 2023 im Neubau des Hauses Wahnfried) im Rahmen der Ausstellung "Wahnfrieds Erbe - 50 Jahre Richard-Wagner-Stiftung Bayreuth" zu sehen ist.


[FR] Ernst Benedikt Kietz (1815-1890) s'est lié d'amitié avec Richard Wagner, qui lui a dédié en 1840 une pièce pour piano en mi majeur (WWV 64). Il réalisa plusieurs portraits de Wagner, dont cette caricature de Wagner en grand vizir, qui est actuellement présentée au Musée Richard Wagner de Bayreuth (jusqu'au 8 octobre 2023 dans le nouveau bâtiment de la Maison Wahnfried) dans le cadre de l'exposition  „Wahnfrieds Erbe – 50 Jahre Richard-Wagner-Stiftung Bayreuth“.

Pour une présentation en français de l'exposition, cliquez sur : Expo 'L'héritage de Wahnfried' au Musée Richard Wagner de Bayreuth 

Festival de Bayreuth 2023 — La mise en scène environnementaliste de Parsifal

Les chevaliers du Graal, le lac chimique et l'excavatrice

Un homme s'approche et se met à marteler une pierre qui se brise en morceaux. Des carreaux verts et jaunes deviennent des lacs toxiques colorés de couleurs chimiques étranges. Des métaux lourds sont extraits des pierres qui les contenaient. Il est question d'extraction de métaux comme le cobalt ou le lithium, des métaux qui empoisonnent si on en inhale leurs poussières.  Les chevaliers du Graal sont des mineurs à la recherche de cobalt et de lithium. Leur travail les rend malades. Si le cobalt s'extrait des métaux, le lithium, si nécessaire aux batteries, est un métal alcalin blanchâtre qu'on retrouve dispersé aussi bien dans des roches que dans des saumures. Au troisième acte, une énorme excavatrice occupe le côté gauche de la scène. Le Saint Graal de la mise en scène de Jay Scheib n'est pas la coupe qui a recueilli le sang du Christ, mais un losange de cobalt bleu de grand volume que Parsifal finira par détruire en fin d'opéra en le jetant avec force sur le sol, ce qui le pulvérisera. Le libérateur tant attendu par les chevaliers est un environnementaliste qui veut mettre fin à l'extraction des métaux lourds.

Le monolithe

Un grand monolithe métallique attire les regards au premier acte. Il se dresse au milieu d'un plan d'eau. Est-ce un lingam qui s'élève d'un yoni ? La mise en scène met en place des objets dont pourront s'alimenter nos fantasmes. Ainsi de ce grand cercle métallique porteur en son pourtour de néons en rayonnement excentré. Posé sur le sol, il s'élève dans les airs, puis en redescend. Il a valeur symbolique mais quel est le concept dont il est l'image ? Certains y ont vu le château du Graal, d'autres un ostensoir, stylisé d'autres encore la couronne d'épines du Christ. Toutes ces interprétations renvoient au spirituel ou au sacré.

Amfortas et Titurel, un écuyer contemple le Graal

La blessure d'Amfortas, christique par son emplacement au flanc et à la fois antéchristique par son origine pécheresse, est également un élément clé de la mise en scène. Jay Scheib utilise des agrandissements vidéos géants filmés en live par trois au quatre cameramen plus ou moins cachés, soit qu'on ne les voit pas soit qu'ils sont habillés de mêmes tenues que celles portées par les chanteurs. Les vidéos sont diffusées sur un écran gigantesque qui occupe tout le fond de scène : la blessure sanguinolente est projetée en d'immenses images, ainsi que les soins qu'on tente d'y apporter. La blessure est un thème récurrent : on verra également les blessures du cygne tué par Parsifal, mais aussi le vêtement rougi de Parsifal porteur d'une grande tache au niveau du flanc. Les vidéos nous permettent aussi d'observer les visages ou la gestuelle des acteurs. Ainsi du long filmage de la main de Kundry qui exprime son désarroi, son combat intérieur.

Le monde de Klingsor et des filles-fleurs

Le deuxième acte nous entraîne dans un autre monde, celui de Klingsor et des filles-fleurs, un monde violemment peinturluré. Les filles-fleurs sont effrayantes de par leur sensualité lascive qui va jusqu'au vampirisme. Ces jeunes femmes ont de longs cheveux ondulés et sont vêtues de satins roses ou vêtements aux motifs rouges, Certaines ont les seins nus décorés de fleurs peintes. Ici aussi le jeu des vidéos nous offre des plans rapprochés agrandis. Le tableau d'ensemble est du plus bel effet. Klingsor en costume rose a un côté androgyne avec ses souliers à hauts talons. Il se couvrira la tête d'un couvre-chef métallique brillant et miroitant à cornes sataniques. La composition du personnage l'assimile à un travesti. Il s'autocaresse avec sensualité et flatte la lance de Longin comme s'il s'agissait d'un objet phallique.

Le sexe est partout. Et même, ce que le livret de Wagner ne nous semble pas suggérer, dans le personnage éminemment moral de Gurnemanz qui, lors de la première scène se voit approcher par un écuyer, ici joué par une femme qui a la même chevelure bicolore que Kundry. Leurs corps se mêlent jusqu'au baiser, puis Gurnemanz se dégage. Il a préservé sa pureté mais s'est montré faillible, ce qui humanise son personnage. Kundry justement dont la bipolarité est exprimée par cette chevelure  blanche d'un côté, noire de l'autre. Et qu'on verra arborer ensuite une chevelure entièrement noire, puis, au moment du lavement des pieds et de la sagesse, des cheveux blanchis. Le contact physique avec Parsifal existera jusqu'à la fin, mais on sera passé de la lascivité à la tendresse et à l'amour compassionnel.

Le propos de la mise en scène qui actualise le message de délivrance et de salvation de Parsifal en le mettant en phase avec nos problématiques contemporaines a le mérite d'être cohérent. Sans doute faut-il prendre le temps de le comprendre, et pour ce faire le programme et un rebalayage de la vidéo du spectacle sont bien utiles.

Crédit photographique © Bayreuther Festspiele / Enrico Nawrath

Grabsingen am Grabe von Richard Wagner — L'hommage du choeur au Maître en ouverture des Bayreuther Festspiele

 Le "Grabsingen", le chant auprès de la tombe.

Wahnfried, 25 juillet 10 heures du matin. De luxuriantes couronnes de fleurs ont été déposées face à la tombe de Richard et Cosima Wagner. C'est en suivant une vieille tradition que, le matin de la première, le chœur du festival s'est réuni autour de la tombe pour ouvrir la saison 2023 des Bayreuther Festspiele en rendant hommage au Maître, une tradition que les années Covid avaient interrompue. Les choristes sont descendus de la Colline verte pour se rendre à Wahnfried et y donner un petit concert de moins de 20 minutes, un événement court, émouvant et solennel. Le chef du choeur, Eberhard Friedrich a dirigé les 134 choristes pour l'Ave Maria de Bruckner et le premier chœur des Meistersinger. 

Eberhard Friedrich dirige l'hommage du choeur










Crédit photographique © Luc-Henri Roger

vendredi 28 juillet 2023

Parsifal 2023 à Bayreuth ou le triomphe de la musique et du chant

Capture d'écran de la diffusion vidéo de BR Klassik

Le Festival de Bayreuth a confié cette année la direction de sa nouvelle production de Parsifal à Pablo Heras-Casado qui s'est taillé une enviable réputation internationale. C'est la première fois que le chef espagnol dirige une production bayreuthoise et pour un coup d'essai c'est un coup de maître. Le triomphe est total, on a rarement eu l'occasion d'écouter un Parsifal exprimé avec une telle perfection sonore, un sens aussi nuancé du pathos, une adéquation aussi prononcée entre le livret et le déploiement musical. Pablo Heras-Casado maîtrise l'acoustique du Festspielhaus comme s'il était dans son élément naturel et qu'il n'avait jamais connu rien d'autre. Il rend avec une sensibilité émotionnelle exquise toutes les nuances, tous les détails, toutes les couleurs de la partition. L'auditoire est aux anges. " On n'a plus entendu cela depuis plus de vingt ans ", entend-t-on aux entractes. Mieux encore, "Cela tient du miracle. C'est mon meilleur Parsifal !" confie un vétéran. Il parlait de la musique.

La captation vidéo de BR-Klassik a pu filmer la fosse d'orchestre et, rare privilège, nous montre le chef à l'oeuvre, dirigeant sans baguette au moment du prélude du premier acte. Il porte un polo noir avec l'insigne brodé de l'Orchestre des Bayreuther Festspiele. Le regard est doux et brillant, les yeux se ferment parfois et marquent une intériorité émue, le mouvement des bras et des mains marquent le tempo, le doigté est extrêmement précis. C'est émouvant et de toute beauté. Détail amusant, on peut voir un vieux téléphone obsolète à droite de l'image.

Pablo Heras-Casado a livré son secret dans plusieurs interviews , notamment dans Hojotoho!, le magazine du festival de Bayreuth ou dans une interview recueillie par Maximilian Meier pour BR-Klassik, dont nous avons fidèlement tenté de recueillir la substantifique moelle.

Pablo Heras-Casado et Parsifal 
*

Pablo Heras-Casado considère Wagner, dont chaque opéra constitue une révolution en soi, comme le plus grand génie de son époque. Il fut fasciné par la musique et la poésie de Wagner dès l'époque de sa formation. À l'âge de 21 ans, il décrocha une bourse qui lui permit de passer trois semaines à Bayreuth dans le cadre du Festival des jeunes artistes (Festival jünger Künstler). Il put alors assister au Ring dirigé par Adam Fischer. Son désir ardent de pouvoir un jour diriger lui-même les œuvres de Wagner date de cette époque.

Ce souhait devint réalité lorsqu'il eut l'occasion de diriger son premier opéra wagnérien, Der fliegende Holländer, puis, plus récemment son fameux Ring de Madrid dont la préparation lui prit quatre ans. Le Ring, confie-t-il, est une montagne géante, un Everest, la plus grande œuvre qu'un homme ait jamais réalisée. Cette année, à Bayreuth, il se dit enthousiasmé par l'esprit d'ouverture et la tension vers la perfection qui animent tous les artistes et les équipes techniques qui participent à la création de Parsifal. Il a fait l'expérience des particularités de la fosse d'orchestre et de l'acoustique si particulière de la Maison du Festival lorsque commencèrent les répétitions avec accompagnement de piano. Selon lui, l'effet acoustique extraordinaire de la fosse couverte de Bayreuth fait que la musique semble venir d'un emplacement situé à la fois à l'arrière et sous les chanteurs, ce qui produit une union parfaite entre le chant et le texte, une parfaite universalité de la texture et des sonorités, qui tient du miracle.

Pablo Heras-Casado considère le texte du libretto comme essentiel car il souligne ce qu'exprime la musique. Il se focalise constamment sur ce qui relie la langue, la rhétorique, la signification des mots et l'expression des notes. Les couleurs du texte, le traitement des phrases et leur articulation doivent se refléter exactement dans la musique. Chaque lettre, chaque consonne, chaque phrase doivent être travaillées. La poésie et le drame contenus dans le texte génèrent chez Wagner la structure de la musique. Cela exige un long travail de préparation qui mène à une compréhension intime du texte. Dans le cas particulier de Parsifal, le chef s'est attaché à comprendre la signification profonde de chaque mot de manière à pouvoir la rendre au plus près dans l'expression musicale. Chaque mot, chaque moment, chaque rôle engendrent un monde sonore et un moment émotionnel très complexes. Et cela ne laisse pas de place à l'ornementation. De là l'importance des leitmotivs, qui sont des gestes rhétoriques créateurs. La musique a une haute valeur sémantique.

On vient à Bayreuth pour la musique, et celle de Parsifal exerce une fascination totale. Le défi que le chef s'est lancé est de parvenir à générer un flux de manière à ce que la musique soit intimement reliée à l'histoire, de manière aussi à atteindre la dimension spirituelle, céleste et mystique de l'œuvre et de rejoindre l'objectif que Wagner s'est donné en faisant construire la Maison du Festival. Heres-Casado pense que, quand bien même Parsifal est relié au spirituel et a des connotations religieuses, Wagner n'a pas voulu créer une liturgie, mais quelque chose de plus grand et de plus ouvert. Si l'œuvre a des aspects sombres et ténébreux, elle est aussi et surtout lumineuse et transparente, avec une infinité de nuances, une harmonie et des varions chromatiques dynamiques, miraculeuses même. C'est tout cela qui donne le pathos authentique de Parsifal.

Le chef souligne encore que le travail de la mise en scène et l'apport de la réalité augmentée est totalement indépendant de la direction musicale et du chant et que la production laisse champ libre au déploiement de la musique, au travail de l'orchestre et des chanteurs, ce que plusieurs chanteurs confirmeront au cours d'autres interviews.

Andreas Shager (Parsifal) et Elīna Garanča (Kundry)

Un plateau de rêve


L'extraordinaire interprétation de l'orchestre vient soutenir et faire écrin aux chanteuses et chanteurs, un plateau exceptionnel réuni pour la grand messe bayreuthoise. Le hasard malencontreux des désistements, bête noire des directeurs d'opéras, a cette fois bien fait les choses : en mai on apprenait que la chanteuse russe Ekaterina Semenchuk pressentie pour Kundry renonçait à son engagement bayreuthois pour des raisons privées. Elīna Garanča et Ekaterina Gubanova, qui avaient toutes deux déjà brillé à Vienne dans le rôle acceptaient de la remplacer. Début juillet, Bayreuth a été contraint de remplacer Joseph Calleja dans le rôle de Parsifal. La star maltaise souffrirait de maux de gorge persistants. C'est le fameux ténor wagnérien Andreas Schager qui l'a remplacé. Wotan merci, l'incontournable Georg Zeppenfeld est resté fidèle au poste dans le rôle clé de Gurnemanz.

La basse allemande, qui est le Gurnemanz de référence, le meilleur sans doute de ce siècle, s'est encore surpassé s'il est possible. Il interprète quatre rôles à Bayreuth cet été, et de ces quatre rôles, c'est celui de Gurnemanz qu'il préfère car il estime que sa voix est faite pour lui et que d'autre part les positions prises par Gurnemanz face aux événements sont toujours clairement reconnaissables. Le rôle est extrêmement bien défini, ce qui permet au chanteur de l'enrichir des couleurs qui lui conviennent et de suivre sa fantaisie créative. Georg Zeppenfeld a une projection et une perfection d'articulation rares, un phrasé parfait, chaque mot est compréhensible et reçoit la couleur et les nuances d'une intonation appropriée. Parvenir à tenir le public en haleine lors du long monologue du premier acte relève du prodige. L'incomparable beauté du timbre de cette voix parfaitement placée fait le reste. À remarquer que Georg Zeppenfeld confirme ce que Pablo Heras-Casado avançait à propos de la réalité augmentée : cet aspect de la mise en scène est totalement indépendant du travail des chanteurs, il n'en a rien perçu au cours des répétitions, Jay Scheib ne communiquant aux chanteurs que les aspects qui les concernent, le monde virtuel de la réalité augmentée n'en faisant pas partie. Elīna Garanča faisait ses débuts bayreuthois avec le rôle de Kundry qu'elle interprète de sa troublante beauté avec une intensité confondante. Elle compose admirablement l'ambivalence de son rôle, de la volupté à la repentance, des déchirements haineux de l'esclavage à la sainteté. La mezzo-soprano lettone a pleinement relevé le défi vocal de ce rôle si exigeant, qui passe rapidement des plus petits pianos, des notes les plus délicates à une énorme éruption volcanique, et qui dans les dernières pages requiert une endurance de marathonienne. Elle en a l'entraînement depuis sa prise de rôle à Vienne en 2021. On peut d'ores et déjà affirmer que sa prise de rôle sur la colline verte entrera au palmarès des annales bayreuthoises ! Andreas Schager qu'on attendait cet été en Erik a accepté le remplacement de dernière minute et reprend le rôle de Parsifal en lieu et place de Joseph Calleja, comme il l'avait déjà fait en 2016 en remplacement de Klaus Florian Vogt. Comme il interprète également les deux Siegfried, il sera cet été le chanteur avec le temps cumulé le plus long au Festspielhaus. Schager vit son été bayreuthois accompagné de sa famille dans une ferme pas trop éloignée de Bayreuth, ce qui lui permettra de se ressourcer dans la nature. Il approche le rôle plus lyrique de Parsifal en se fiant à son émotion, à laquelle il laisse libre court, la voix semble suivre naturellement le cours de l'émotion. Le jeu scénique qui doit montrer un personnage évoluant de la naïveté brutale de l'adolescence à la maturité et à la sagesse adulte est aussi remarquable que le chant, et parfois athlétique comme en témoigne un roulé-boulé d'entrée de jeu. Andreas Schager confirme sa place de primus inter pares au panthéon des ténors wagnériens de ce temps. Le baryton-basse australien Derek Welton donne un fabuleux Amfortas, bouleversant dans l'expression de la souffrance physique et morale. La justesse de sa prononciation allemande et son excellente diction le rendent parfaitement compréhensible. Précisons qu'il est diplômé de l'Université de Melbourne en linguistique et langue allemande. Le baryton hawaïen Jordan Shanahan réussit une fort bonne composition, quelque peu bouffonne de Klingsor, la basse Tobias Kehrer se vieillit de quelques dizaines d'années pour donner de la noblesse au personnage de Titurel. Les filles-fleurs et les magiciennes, les chevaliers et les écuyers, le choeur entrainé par Eberhard Friedrich se sont montrés à la hauteur de ce plateau exceptionnel ont toutes et tous reçu des applaudissements nourris.

e.a. Gurnemanz et Kundry

Distribution

Direction musicale Pablo Heras-Casado
Mise en scène Jay Scheib
Décors Mimi Lien
Costumes Meentje Nielsen
Lumières Rainer Casper
Vidéo Joshua Higgason
Dramaturgie Marlene Schleicher
Direction du chœur Eberhard Friedrich

Amfortas Derek Welton
Titurel Tobias Kehrer
Gurnemanz Georg Zeppenfeld
Parsifal Andreas Schager
Klingsor Jordan Shanahan
Kundry Elīna Garanča (25.7. | 30.7. | 12.8.) / Ekaterina Gubanova (15.8. | 19.8. | 23.8. | 27.8.)
1er chevalier du Graal Siyabonga Maqungo
2ème chevalier du Graal Jens-Erik Aasbø
1er écuyer Betsy Horne
2e écuyer Margaret Plummer
3e écuyer Jorge Rodríguez-Norton
4e écuyer Garrie Davislim
Magicienne de Klingsor Evelin Novak
Magicienne de Klingsor Camille Schnoor
Fille fleur Margaret Plummer
Fille fleur Julia Grüter
Fille fleur Betsy Horne
Fille fleur Klingsor Marie Henriette Reinhold

(À noter que le programme de Bayreuth distingue les "magiciennes de Klingsor " des "filles enchantées de Klingsor", communément appelées filles fleurs)

jeudi 27 juillet 2023

Ottmar Hörl — Richard Wagner II (2023) — Skulpturen und Installation / Des sculptures et une installation

 





Richard Wagner II (2023)

Richard Wagner I (2013)

Photos © Luc-Henri Roger

[FR]  À l'occasion du festival Richard Wagner 2023, le professeur Ottmar Hörl, artiste conceptuel allemand, a développé un nouveau projet de sculptures pour Bayreuth à l'initiative de Bernd Saupe, premier président de l'association "Markgräfin Wilhelmine Gesellschaft e. V.". Sur la pelouse de la colline du festival de Bayreuth, les personnages dorés de Richard Wagner ouvrent les bras avec bienveillance, les tendent vers le public pour une accolade, souhaitent la bienvenue à tous et conquièrent le cœur des gens. L'objectif est d'attirer l'attention sur le fait que la ville de Wagner, qui célèbre chaque année le compositeur de renommée mondiale avec des manifestations spéciales, vaut toujours la peine d'être visitée. La vision de Richard Wagner d'accueillir à Bayreuth tous les passionnés d'opéra est transformée, par le biais des arts visuels, en un langage visuel contemporain qui touche les gens de toutes les générations dans le monde entier.

[DE] Anlässlich der Richard-Wagner-Festspiele 2023 hat der deutsche Konzeptkünstler Prof. Ottmar Hörl auf Initiative von Bernd Saupe, 1. Vorsitzender des Vereins „Markgräfin Wilhelmine Gesellschaft e. V.“ ein neues Skulpturenprojekt für Bayreuth entwickelt. Freundlich breiten die seriellen goldenen Richard-Wagner-Figuren auf dem Rasen des Festspielhügels in Bayreuth die Arme aus, strecken sie dem Publikum zur Umarmung entgegen, heißen alle Menschen herzlich willkommen und erobern die Herzen der Menschen. Anliegen ist es, darauf aufmerksam zu machen, dass die Wagnerstadt, die den weltberühmten Komponisten jährlich mit besonderen Veranstaltungen zelebriert, immer wieder einen Besuch wert ist. Richard Wagners Vision, alle Opernbegeisterten in Bayreuth zu empfangen, wird mit den Mitteln der bildenden Kunst in eine zeitgenössische Bildsprache transformiert, die Menschen aller Generationen weltweit erreicht.

Foto: Elisabeth von Pölnitz-Eisfeld

Source du texte et de la dernière photo: facebook des Bayreuther Festspiele

Ottmar Hörl — Richard Wagner II — Skulpturen und Installation / Des sculptures et une installation





Richard Wagner II (2023)

Richard Wagner I (2013)

Photos © Luc-Henri Roger

[FR]  À l'occasion du festival Richard Wagner 2023, le professeur Ottmar Hörl, artiste conceptuel allemand, a développé un nouveau projet de sculptures pour Bayreuth à l'initiative de Bernd Saupe, premier président de l'association "Markgräfin Wilhelmine Gesellschaft e. V.". Sur la pelouse de la colline du festival de Bayreuth, les personnages dorés de Richard Wagner ouvrent les bras avec bienveillance, les tendent vers le public pour une accolade, souhaitent la bienvenue à tous et conquièrent le cœur des gens. L'objectif est d'attirer l'attention sur le fait que la ville de Wagner, qui célèbre chaque année le compositeur de renommée mondiale avec des manifestations spéciales, vaut toujours la peine d'être visitée. La vision de Richard Wagner d'accueillir à Bayreuth tous les passionnés d'opéra est transformée, par le biais des arts visuels, en un langage visuel contemporain qui touche les gens de toutes les générations dans le monde entier.

[DE] Anlässlich der Richard-Wagner-Festspiele 2023 hat der deutsche Konzeptkünstler Prof. Ottmar Hörl auf Initiative von Bernd Saupe, 1. Vorsitzender des Vereins „Markgräfin Wilhelmine Gesellschaft e. V.“ ein neues Skulpturenprojekt für Bayreuth entwickelt. Freundlich breiten die seriellen goldenen Richard-Wagner-Figuren auf dem Rasen des Festspielhügels in Bayreuth die Arme aus, strecken sie dem Publikum zur Umarmung entgegen, heißen alle Menschen herzlich willkommen und erobern die Herzen der Menschen. Anliegen ist es, darauf aufmerksam zu machen, dass die Wagnerstadt, die den weltberühmten Komponisten jährlich mit besonderen Veranstaltungen zelebriert, immer wieder einen Besuch wert ist. Richard Wagners Vision, alle Opernbegeisterten in Bayreuth zu empfangen, wird mit den Mitteln der bildenden Kunst in eine zeitgenössische Bildsprache transformiert, die Menschen aller Generationen weltweit erreicht.

Foto: Elisabeth von Pölnitz-Eisfeld

Source du texte et de la dernière photo: facebook des Bayreuther Festspiele


Richard Wagner par l'affiche — Un parcours visuel. Une expo à la bibliothèque municipale de Bayreuth.

Richard Wagner -un parcours visuel à travers son œuvre universelle. Une sélection de la collection d'affiches du Dr Klaus Billand.

Richard Wagner a créé une musique qui, pour l'essentiel, a posé les jalons du développement de la musique du 20e siècle. La musique est invisible, bien que Wagner fasse dire à Tristan, dans son délire du troisième acte de "Tristan et Isolde" : “Wie, hör' ich das Licht?”  (" Quoi, j'entends la lumière" ?) Cela signifie que dans un véritable chef-d'œuvre comme celui de Richard Wagner, les frontières entre la perception acoustique et visuelle sont abolies - on entend sa musique et on voit devant soi ce que cette musique nous communique.

La bibliothèque municipale de Bayreuth présente jusqu'au 26 août une sélection de la collection d'affiches du Dr. Klaus Billand, qu'il a rassemblée au cours des 28 dernières années. L'opus magnum de Wagner, la tétralogie "L'Anneau du Nibelung", constitue toutefois la majeure partie de la collection.

Plus d'informations sur : www.klaus-billand.com

Source : traduction partielle d'un texte du site de la région de Bayreuth

https://stadtbibliothek.bayreuth.de/














Le Parsifal à lunettes de Bayreuth — Le metteur en scène Jay Scheib et la réalité augmentée (AR)

À propos du metteur en scène Jay Scheib

Photo de Jay Scheib © Helen Duras

Jay Scheib est né en 1969 à Shenandoah, Iowa. Après des études de littérature comparée, de beaux-arts, de vidéo et de performance, il a étudié la mise en scène à la School of the Arts de l'université Columbia à New York. Avec la troupe Jay Scheib & Co. basée à New York, il a commencé à développer un théâtre contemporain dont l'esthétique scénique est basée sur des performances live riches en improvisations. Scheib et son groupe mettent en scène aussi bien des classiques — entre autres Médée, Fidelio, Elektra d'après Euripide, Il ritorno d'Ulisse in patria de Montiverdi, qui fut joué sous le titre Odyssee au Staatstheater Darmstadt en Allemagne, No hay caminos, hay que caminar de Luigi Nono, Platonov, or the Disinherited d'après Tchekhov — que des pièces originales et nouvellement créées comme Simuated Cities / Simulated Systems ou le spectacle The Silence.

Jay Scheib est internationalement connu pour ses œuvres défiant les codes du genre. D'une physicalité audacieuse, ses productions intègrent des technologies nouvelles utilisées dans des spectacles en direct. Les productions récentes de Jay Scheib comprennent l'actuel Parsifal des Bayreuther Festspiele, et l'opéra de Tod Machover inspiré de Philip K Dick, Valis, dont la première a eu lieu au Massachusetts Institute of Technology à l'occasion de l'ouverture du nouveau musée du MIT (Institut de technologie du Massachusetts). À Bayreuth, il avait déjà mis scène Sei Siegfried, dans le cadre de Der Ring des Nibelungen - Diskurs Ring 20.21, pour laquelle il avait utilisé la technique de la réalité virtuelle (Virtual Reality ou VR).

Citons encore, pour ce qui concerne ses mises en scène d'opéras, un nouvel opéra basé sur le film d'Ingmar Bergman Persona, créé au National Sawdust à New York, suivi de représentations au Isabella Stuart Gardner Museum à Boston et en 2017 avec le LA Opera au RedCat. Le récent mixage des Surrogate Cities de Heiner Goebbels et du Götterdämmerung de Richard Wagner a été présenté à l'opéra de Wuppertal en Allemagne. Parmi les autres œuvres récentes, on compte aussi l'opéra en première mondiale du compositeur israélien Na'ama Zisser, Mamzer/Bastard, au Royal Opera House de Londres/Hackney Empire. La mise en scène par Scheib de l'opéra Powder her Face de Thomas Adès a fait partie de la dernière saison du New York City Opera à la Brooklyn Academy of Music (BAM). Powder her Face a ensuite été présenté au Festival d'Opéra de Québec au Canada. Il mit également en scène Fidelio de Beethoven au Saarländisches Staatstheater.

Nommé meilleur metteur en scène de théâtre new-yorkais par Time Out New York en 2009, et désigné par l'American Theater Magazine comme l'un des 25 artistes de théâtre qui façonneront les 25 prochaines années du théâtre américain, Scheib est lauréat du MIT Edgerton Award, du Richard Sherwood Award, d'une bourse de la National Endowment for the Arts/TCG, d'un OBIE Award pour la meilleure mise en scène. Il est professeur de musique et d'art théâtral au Massachusetts Institute of Technology, où il enseigne les disciplines suivantes dans le cadre du programme d'art théâtral : Motion Theater, Live Cinema Performance, Directing, Performance Media, et Performance Scenography.

Une  fille-fleur en réalité augmentée © Joshua Higgason

Augmented Reality — La réalité augmentée et ce qu'en dit Jay Scheib

La police criminelle l'utilise parfois pour reconstituer et analyser les lieux et la scène d'un crime, et y déplacer des objets virtuels. Elle a des applications dans de plus en plus de domaines : les jeux vidéo, l'éducation par le jeu, les chasses au trésor virtuelles, le cinéma, la télévision (post-production, studios virtuels, retransmissions sportives…), le tourisme, les industries (conception, design, maintenance, assemblage, pilotage, robotique et télérobotique, implantation, étude d'impact, etc.) ou le champ médical. Aujourd'hui l'opéra.

La mise en scène de l'Américain Jay Scheib recourt à la technique de la réalité augmentée (Augmented Reality ou AR). Voici ce qu'on en apprend sur le site des Bayreuther Festspiele :

" "AR" est l'abréviation de "Augmented Reality" et signifie "réalité augmentée". L'AR fait partie des technologies immersives et permet ainsi de s'immerger dans de nouveaux mondes virtuels. La réalité augmentée consiste à superposer des images numériques à notre environnement et à élargir l'espace scénique réel. On suit la mise en scène sur la scène, tandis qu'en même temps, tout l'espace devant et à côté de la scène est élargi et joué numériquement. Les lunettes transparentes permettent de voir la scène même lorsqu'aucune image numérique n'est visible. La position dans l'espace est déterminée au moyen de caméras, de sorte que les images virtuelles peuvent être affichées avec précision, par exemple sur le portail de la scène. Cela permet d'explorer toute la salle en bougeant la tête. "

Couples AR  © Joshua Higgason

Dans une interview réalisée par la dramaturge Marlene Schleicher et publiée dans le programme, —trilingue s'il-vous-plaît !, en anglais, allemand et français, — de la nouvelle production de Parsifal, le metteur en scène nous explique son utilisation de la réalité augmentée : la réalité augmentée complète le monde analogique par des composants numériques grâce à des lunettes perméables qui nous font voir un monde élargi et augmenté. Les lunettes AR permettent notamment d'agrandir la scène, d'en dépasser les bords. Son objectif de festival scénique sacré consiste à ouvrir des portes aux mondes particuliers et extraordinaires que Wagner a inventés. Jay Scheib dit s'être surtout penché sur le monde intérieur des personnages, sur la vie onirique et le vécu de Parsifal et Kundry. Il tente de " créer une sorte de cosmos étrange qui correspond aux situations sur scène" dans des animations en trois dimensions. Des objets ou des personnages qui sont sur scène peuvent être amenés dans la salle parmi les spectateurs sous forme d'objets ou de personnages numérisés : une pierre virtuelle volante peut être agrandie et venir virtuellement exploser dans la salle, une flèche virtuelle peut se diriger directement vers le public, un frêne virtuel issu de la mythologie nordique peut être suspendu au-dessus du public, un arbre virtuel peut produire des métaux, une lance ou une épée par exemple, un avatar, un fantôme de fille-fleur vient dans la salle, tout près des visages des spectateurs... Le but recherché n'est pas de produire une compréhension rationnelle mais de faire vivre une expérience théâtrale.

Pour Jay Scheib, " Bayreuth est l'incarnation d'une tradition dans laquelle les mêmes oeuvres sont constamment réinventées. " Il s'inscrit ainsi dans la ligne du Werkstatt Bayreuth, l'atelier bayreuthois qui conçoit le festival comme un laboratoire qui, au départ de la tradition, permet d'essayer de nouvelles choses dans un environnement inspirant et stimulant.

Et quand une fille-fleur s'approche en flottant du spectateur lunetté AR, " on a la possibilité de se sentir un peu comme Parsifal : faible comme lui. "

Photos des hommes avec lunettes AR © Bayreuther Festspiele

Réalité augmentée, mode d'emploi. Données techniques des lunettes AR.
(Textes du site des Bayreuther Festspiele traduits de l'allemand)

La mise en scène de Jay Scheib recourt à la technique de la réalité augmentée. Les phénomènes visuels engendrés ne sont accessibles qu'aux porteurs de lunettes spéciales mises à disposition en nombre limité. 33o lunettes de réalité augmentée sont proposées à la location, moyennant supplément de prix, pour la durée de chaque représentation de Parsifal, elles sont ainsi disponibles pour un bon sixième des spectateurs, la capacité de la salle étant de 1974 places. Précisons qu'elles ne sont pas compatibles avec le port de lunettes de vue, comme l'annonce le site du festival, qui en apporte la justification : " La surface de projection transparente est intégrée dans les lunettes AR, de sorte que l'image numérique est projetée très près de l'œil, tout en permettant de suivre l'action scénique réelle à distance. Les lunettes AR ne peuvent donc pas être portées avec des lunettes personnelles existantes, l'utilisation de lentilles de contact est par contre recommandée. Sans correction, l'utilisation des lunettes AR n'est malheureusement pas possible en cas de forte myopie avec des valeurs supérieures à -8 dioptrie, ainsi qu'en cas de forte hypermétropie, de forte courbure de la cornée et de forte erreur d'angle ou de strabisme. Les myopies comprises entre -1,0 dioptrie et -8,0 dioptrie (par paliers de 0,5 dioptrie) peuvent être compensées par des lentilles de correction que nous plaçons dans les lunettes AR."

Il faut aussi prévoir du temps pour l'ajustement individuel des lunettes : " L'adaptation des lunettes AR peut être effectuée les jours de représentation de Parsifal de 10h à 14h dans le foyer L'adaptation dure environ 5 minutes. Lors de l'adaptation, des branches nasales et, le cas échéant, des lentilles de correction sont mises en place et contrôlées. " Il s'agit d'être sur place à temps, car l'adaptation doit être terminée avant 14 heures.

À bon voyeur, salut!

Sources compilées des textes : Site internet et programme des Bayreuther Festspiele et le site internet du metteur en scène.


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