Hector Berlioz tient dans ses bras ses Troyens,
une caricature de Cham parue dans Le Charivari du 25 novembre 1863
Le musicologue et critique musical, Adolphe Jullien (1845-1932), contemporain de Berlioz et de Wagner, ne s'est jamais rangé dans les rangs de ces critiques qui se firent partisans de l'un ou de l'autre, mais a toujours voulu défendre les deux compositeurs, même si ses affinités le rapprochaient davantage de Berlioz. Dans son livre de 1882, Hector Berlioz: la vie et le combat, les œuvres, publié à Paris chez Charavay à Paris, il consacre un chapitre aux "deux génies ennemis"..
CHAPITRE VI — BERLIOZ ET RICHARD WAGNER — LES TROYENS ET TANNHÄUSER À L'OPÉRA
LA CORRESPONDANCE DE BERLIOZ. — LE PÈRE ET l'AMI. — UN BERLIOZ
ADOUCI. — UNE LETTRE SUR MOZART. — SON JUGEMENT SUR HÉROLD. —
UN MARIAGE A GRENOBLE EN 1879. — DEUX GÉNIES ENNEMIS. — L'ÉPOPÉE
DES TROYENS ET l'INTRUSION DE TANNHAUSER. — DÉBORDEMENT DE BILE
CHEZ BERLIOZ. — SA VENGEANCE IMAGINAIRE ET SON CRUEL CHATIMENT.
Berlioz avait réglé et préparé lui-même la
publication de ses Mémoires puisqu'après les
avoir fait imprimer de son vivant et en avoir
donné ou plutôt prêté trois ou quatre exemplaires
à des amis sûrs, il avait ordonné que l'édition
entière fût déposée en lieu secret pour être mise
en vente seulement une année après sa mort. Il
ne dit donc rien dans ses Mémoires qu'il n'ait
voulu dire, et il l'explique à sa façon. Sa Correspondance inédite qu'on vient de publier forme,
a-t-on dit, le commentaire intime de ses Mémoires, elle les éclaire, explique et complète. M'est avis
que Berlioz se serait bien passé qu'on fit ainsi la lumière sur ses plus secrètes pensées, sur les
moindres faits de sa vie et qu'on mit au grand
jour ce qu'il s'était efforcé de cacher ou tout
au moins de laisser dans un demi-jour discret ;
mais il est bon que ce livre ait paru (1).
Avec les gens du caractère et du tempérament
de Berlioz, moins les choses ont d'apprêt, plus
elles ont de saveur, et c'est bien pour cela que
ses lettres familières, avec leurs explosions de
haine et d'amour, sont encore plus fertiles en
révélations piquantes que les Mémoires un peu
trop écrits en vue de ses intérêts posthumes. Il
est seulement regrettable que des gens trop
timorés aient cru devoir taire les noms des petits
grands hommes que Berlioz crible des traits les
plus acérés. Heureusement que cette discrétion ne
trompe personne, et qu'il est on ne peut plus
facile de remplacer tous ces points par des noms
précis : c'est même comme un attrait de plus pour
piquer la curiosité du lecteur.
Berlioz se montre dans ses lettres un père
excellent, un ami parfait. Cet homme, si absolu, si bougon, si rogue avec la plupart des gens qu'il
coudoyait dans la vie, devenait tendre et humble
avec son fils ; il descendait aux supplications les
plus touchantes pour fortifier dans le bien ce
garçon qui était en somme un assez triste sire
et qui lui rendait la vie bien malheureuse. De
même en amitié. Comme tous les gens qui ne se
révèlent qu'à certains cœurs d'élite et qui, par leur
raideur habituelle, se rattrapent de leur douceur
extrême envers quelques-uns, Berlioz avait des
raffinements de tendresse pour ses très-rares amis.
Et celui-là n'avait-il pas observé sur lui-même
combien l'affection la plus vive naît et s'affermit
vite entre esprits jumeaux, celui-là n'avait-il pas
le culte de l'amitié qui écrivait un jour à Léon
Kreutzer: "Permettez-moi de vous dire encore
que ce parallélisme de sentiments et d'idées qui
me semble évidemment exister chez nous deux a
développé et renforcé l'amitié que je ressentais
pour vous, sans que, je puis le jurer, la satisfaction égoïste de l'amour-propre y soit pour rien.
Non, il est naturel d'aimer les cœurs qui battent
dans le rythme du nôtre, les esprits qui volent
vers le point du ciel où nous voudrions pouvoir
voler, autant qu'il l'est, c'est triste à dire, d'éprouver de l'antipathie pour les êtres divergents, rampants, négatifs et très positifs. Pardon de ce jeu
de mots, qui a l'air de rendre mon idée..." Cette correspondance, aussi romanesque que
romantique et qui passe sans transition de la fantaisie la plus folle à la retenue la plus académique,
vient à point aujourd'hui que Berlioz est enfin salué
par tous comme un compositeur de génie ; mais il
ne faudrait pas, pour les besoins de la cause et
pour le rendre agréable à plus de gens, le représenter comme un tendre mouton [...] Berlioz, sans ses haines implacables et ses enthousiasmes fous, ne serait plus Berlioz ; un compositeur vaut uniquement par ce qu'il crée, non par
ce qu'il aime, et d'ailleurs les plus médiocres
musiciens comme les plus grands n'aiment le plus
souvent que leur propre musique, en quoi les
premiers ont complètement tort. Peu importe
donc que Berlioz aimât Cimarosa, Mozart, Hérold
et le reste [...]
Pour Mozart en particulier, s'il ne l'aimait guère,
il le connaissait bien. Mon savant confrère Charles
Bannelier, ayant remarqué une analogie assez curieuse, mais sûrement fortuite, entre une certaine
succession harmonique, dans la partition des
Troyens à Carthage et un passage de l'allégro de
la symphonie en sol mineur de Mozart (p. 18,
mesure 5, de l'édition Breitkopf), passage souvent
controversé, la lui signala, en demandant son avis
sur la correction qu'il pouvait convenir d'apporter
au texte de la symphonie. Et Berlioz répondit par
ce billet: « Le passage en question est marqué,
avec tant de soin (la bécarre cinq fois) dans la
symphonie de Mozart que je n'oserais le corriger.
Tout ce que je puis vous dire, c'est que l'accord
de ré mineur avec quinte juste est là tout à fait
affreux. Il y a une faute très grave dans l'andante,
où se trouvent quatre mesures de trop, produites
par la répétition du même passage. Vérifiez cela ;
etc.. (2) » Le tout scellé d'un gros cachet rouge
avec la tête de Beethoven.
[...]
Berlioz, dans ses Mémoires, garde le silence le
plus complet sur ses rapports et sa brouille avec
Richard Wagner. Sa Correspondance en apprend
davantage, et c'est là encore de l'actualité au
moment où son Roméo et Juliette s'affermit dans
la faveur publique ; car, entre toutes les œuvres
de Berlioz, c'est dans celle-là, je l'observais aux
dernières auditions, que Wagner a rencontré le
plus de pages dont il devait s'inspirer. Certains
passages saillants, comme le début du Convoi
funèbre de Juliette, qui me rappelle le prélude du troisième acte de Tristan et Iseult ; comme le
finale du serment de réconciliation, qui n'est pas
sans analogie avec le chœur des pèlerins, de Tannhäuser prouvent combien Wagner a su profiter
de Berlioz pour le maniement de l'orchestre. Le
tort de Berlioz fut de ne pas profiter autant de
Wagner pour la conception du drame, au lieu de
lui vouer une haine mortelle qui se traduisit par
les rancunes les plus étroites et les procédés les
plus mesquins ; sa correspondance intime fait
peine à lire à cet égard. Combien n'est-il pas
regrettable, en somme, que de ces deux génies
ennemis, un seul soit glorifié en France et qu'on
injurie toujours l'autre.
Il me revient par les journaux belges qu'un fait
artistique assez curieux s'est passé dernièrement
dans une des principales villes de France, à
Grenoble. Un mariage y fut célébré et les deux
fiancés, gens, paraît-il, d'opinions très arrêtées
en musique, demandèrent à l'organiste d'exécuter
exclusivement des morceaux de Wagner (3). Mes confrères de Bruxelles, très dévoués pour la
plupart aux idées wagnériennes, concluent de ce
petit fait que la musique de Wagner a dû faire de
sérieux progrès dans la société française, malgré
le silence obstiné des théâtres, et en cela ils n'ont pas tout à fait tort ; mais un acte isolé, si honorable qu'il soit pour ceux qui l'ont provoqué,
n'implique pas que le temps soit arrivé déjà de
reprendre Tannhäuser et de monter Lohengrin à
Paris. Ce qui a blessé, outré, exaspéré Berlioz de
son vivant, ce fut de voir Tannhäuser primer ses
chers Troyens ; au train dont vont les choses, on
reprendra sûrement les Troyens avant de jouer
Lohengrin et le pauvre grand homme sera consolé,
— s'il en reçoit quelque nouvelle au delà du
tombeau.
La rupture définitive entre Wagner et Berlioz
eut lieu à propos des concerts donnés par le premier au Théâtre-Italien en 1859, mais les premières marques de mécontentement de Berlioz remontent précisément à répoque où, se donnant tout
entier à la composition des Troyens, il commençait à discerner combien il lui serait difficile de le faire jouer à l'Opéra de Paris. Dès 1857, il
est dans toute la fièvre de la composition ; il parle
de sa tragédie antique à M. Bennett, le père de
Théodore Ritter, à M. Auguste Morel, à Hans de
Bulow. À défaut de la musique, il lit son poëme
dans les salons, tantôt chez M. Edouard Bertin,
tantôt chez lui-même, et il en reçoit partout les
plus chaudes félicitations. À une des soirées des
Tuileries, l'impératrice lui en parle longuement
et il se propose de le lire plus tard aux souverains,
si l'empereur trouve jamais une heure de liberté,
mais seulement quand trois actes seront achevés,
de façon qu'on en puisse ordonner l'étude immédiate à l'Opéra.
Ce théâtre était alors régi par l'Etat, sous la
direction d'Alphonse Royer, et il faut voir comment Berlioz en parle dans ses lettres : " L'Opéra
a toujours du monde ; on ne peut pas empêcher
le public d'y aller. Dès lors, une suffisance et
une nonchalance dans l'administration qui dépassent tout ce que vous pouvez vous figurer. Pourvu
qu'on joue régulièrement quatre ou cinq fois par
mois, la Favorite, paroles de M. le directeur, et
Lucie, paroles de M. le directeur, tout va bien. En
ce moment, tout va mieux encore; on monte la
Magicienne, paroles de M. le directeur.., attribuées à M. de Saint-Georges..." Commence l'année 1858. À quatre jours de
distance, en janvier, Berlioz écrit une longue
lettre très-affectueuse et remplie de détails circonstanciés sur les Troyens à M. Hans de Bulow,
avec lequel il était dans les meilleurs termes, et
une autre à son fils, où il lui dit : " ... J'ai reçu,
il y a quelques jours, une longue lettre de M. de
Bulow, l'un des gendres de Liszt, celui qui a
épousé Mlle Cosima. Il m'apprend qu'il a donné
sous sa direction un concert à Berne et qu'il y a
fait exécuter avec grand succès mon ouverture de
Cellini, et le petit morceau de chant : Le jeune
pâtre breton. Ce jeune homme est l'un des plus
fervents disciples de cette école insensée qu'on
appelle en Allemagne l'école de l'avenir. Ils n'en
démordent pas et veulent absolument que je sois
leur chef et leur porte-drapeau. Je ne dis rien, je
n'écris rien, je ne puis que les laisser faire ; les gens de bon sens sauront voir ce qu'il y a de vrai..."
Dans la même lettre à son fils, Berlioz parle
d'une nouvelle lecture du poëme des Troyens
qu'il a faite chez Hittorf, son confrère à l'Institut,
devant une grande réunion de peintres, statuaires
et architectes, devant M. Blanche, secrétaire du
ministre d'Etat, et M. de Mercey, directeur des
beaux-arts. «... J'ai eu un véritable succès,
écrivait-il ; on a trouvé cela grand et beau, on m'a
interrompu par des applaudissements. Enfin, cela
m'a rendu un peu de courage pour terminer mon
immense partition. » Deux ou trois mois plus tard, il se rend à une
réception des Tuileries, non sans arrière-pensée,
à coup sûr : l'empereur le voit, l'aborde, lui
demande des nouvelles de son opéra et l'assure
qu'il lui plairait beaucoup d'en avoir connaissance. Berlioz, tout heureux, se propose de demander audience pour la semaine suivante, à seule
fin de lire son poème au souverain, et il ajoute
tristement, en mandant cette nouvelle à son fils :
« J'ai bien des choses à dire à l'empereur ; Dieu
veuille que je n'oublie pas les plus essentielles !
Les chances paraissent peu favorables pour faire
monter mes Troyens à l'Opéra. Il est question d'y donner, l'an prochain, un grand ouvrage
d'un amateur, le prince Poniatowski !!!»
Le pauvre désabusé ne voyait que trop juste :
autant de lettres, à dater de ce jour, autant de
mauvaises nouvelles du genre de celle-ci... " Ici, rien de nouveau ; à l'heure qu'il est, on
refait encore certaines scènes d'Herculanum...
Les Troyens sont toujours là, attendant que le
théâtre de l'Opéra devienne praticable. Aujourd'hui, nous avons le prince Poniatowski ; après le
prince, nous aurons le duc de Gotha et, en attendant, on traduira la Semiramide de Rossini."
Et c'est pendant qu'il languissait ainsi, pendant
que, las de refus et de rebuts, il se résignait à
entrer en pourparlers avec M. Carvalho pour
faire jouer son opéra tout là-bas, sur les bords de
la Seine, au Châtelet, qu'un ordre impérial ordonnait la mise à l'étude et la représentation immédiate de Tannhäuser à l'Opéra. À cette nouvelle,
Berlioz ne se connaît plus de rage, et chacune de
ses lettres contient quelque bordée d'injures à
l'adresse de Wagner.
" Il se passe en ce moment des choses étranges
dans notre monde de l'art. On ne peut pas sortir à
l'Opéra des études de Tannhäuser de Wagner ; on vient de donner à l'Opéra-Comique un ouvrage
d'Offenbach (encore un Allemand) que protège
M. de Morny. Lis mon feuilleton qui paraîtra
demain sur cette horreur. "
— "... L'opinion publique s'indigne de plus
en plus de me voir laissé en dehors de l'Opéra
quand la protection de l'ambassadeur d'Autriche
y a fait entrer si aisément Wagner. "
— "Wagner fait tourner en chèvres les chanteuses, les chanteurs, l'orchestre et le chœur de
l'Opéra. On ne peut pas sortir de cette musique
de Tannhäuser. La dernière répétition générale
a été, dit-on, atroce et n'a fini qu'à une heure du
matin. Il faut pourtant qu'on en vienne à bout.
Liszt va arriver pour soutenir l'école du cha-
rivari... "
— " ... On est très ému dans notre monde
musical du scandale que va produire la représentation de Tannhäuser : je ne vois que des gens
furieux, le ministre est sorti de la répétition dans
un état de colère!... L'empereur n'est pas content ;
et pourtant il y a quelques enthousiastes de bonne
foi, même parmi les Français, Wagner est évidemment fou, il mourra comme Jullien est mort
l'an dernier, d'un transport au cerveau. Liszt n'est pas venu, il ne sera pas à la première représentation; il semble pressentir une catastrophe.
Il y a, pour cet opéra en trois actes, 160,000 fr.
de dépensés à l'heure qu'il est. Enfin, c'est vendredi
que nous verrons cela. Comme je l'ai dit, je ne
ferai pas d'article là-dessus, je le laisse faire à
d'Ortigue. Je veux protester par mon silence,
quitte à me prononcer plus tard si l'on m'y
pousse. "
La représentation eut lieu effectivement le
mercredi 13 mars 1861, et Berlioz écrivait le
lendemain matin à sa chère amie Mlle Massart : " Ah ! Dieu du ciel, quelle représentation ! Quels
éclats de rire ! Le Parisien s'est montré hier sous
un jour tout nouveau ; il a ri du mauvais style
musical, il a ri des polissonneries d'une orchestration bouffonne, il a ri des naïvetés d'un hautbois ; enfin, il comprend donc qu'il y a un style
en musique. Quant aux horreurs, il les a sifflées
splendidement. "
Et sept jours après, à son fils : « La deuxième
représentation de Tannhauser a été pire que la
première. On ne riait plus autant, on était furieux,
on sifflait à tout rompre, malgré la présence de
l'empereur et de l'impératrice qui étaient dans leur loge. L'empereur s'amuse. En sortant, sur
l'escalier, on traitait tout haut ce malheureux
Wagner de gredin, d'insolent, d'idiot. Si l'on
continue, un de ces jours, la représentation ne
s'achèvera pas et tout sera dit. La presse est
unanime pour l'exterminer. Pour moi, je suis
cruellement vengé !!! »
Il fut surtout puni de sa conduite inqualifiable
envers Wagner, lui qui n'avait pas compris qu'en
aidant à la chute de Tannhäuser il assurait celle
des Troyens à courte échéance, auprès d'un
public qui devait exalter les deux novateurs, sans
discerner, ou les exterminer tous deux. On les
mettait si bien dans le même sac, eux et leurs
opéras, que Cham, dans le Charivari, fit une
caricature représentant Tannhäuser, en bébé,
demandant à voir son petit frère les Troyens. Et
cependant Berlioz poussait si loin la haine et
l'aveuglement en ce qui concernait Wagner qu'il
crut d'abord avoir fait place nette à son profit en
renversant Tannhäuser.
Il se berçait d'illusions encore et toujours ; il
faisait chanter quelques scènes chez M. Bertin
pour tromper son impatience; il écrivait même un
beau soir : « Les Troyens sont décidément admis à l'Opéra. Mais il y a Gounod et Gevaert à passer
avant moi ; en voilà pour deux ans. Gounod a
passé sur le corps de Gevaert, qui devait être joué
le premier. Et ils ne sont prêts ni l'un ni l'autre ;
et moi je pourrais être mis en répétition demain ! »
Combien d'autres que M. Gounod lui passèrent
sur le corps, à lui et à Gevaert ! De guerre lasse,
ces malheureux Troyens abordèrent enfin au
Théâtre-Lyrique, où ils échouèrent au port: la
ruine de cet opéra payait la ruine de l'autre. Et
Berlioz mourut de cette catastrophe.
Wagner, à son tour, était cruellement vengé.
(1) Correspondance inédite de Hector Berlioz (1819- 1868) avec une notice biographique par M. Daniel Bernard (Un vol. in-8, Calmann Lévy, 1879).
(2) N'en déplaise à Berlioz, la faute qu'il indique est bien connue et corrigée depuis longtemps.
(3) « Un fait caractéristique et qui montre combien la musique de Richard Wagner gagne de terrain dans la société française, malgré le silence des théâtres, vient de se passer dans une des grandes villes de France. Le premier lundi de janvier, on célébrait à Grenoble, en l'église Saint-André, le mariage de Mlle Marie Martin, fille de l'adjoint au maire de la ville, avec M. Léopold Gravier, sous-préfet de l'arrondissement de Toulon, et, sur la demande expresse des fiancés, l'organiste Duprey a dû exécuter, sauf un motif favori de Faust, seulement des morceaux de Richard Wagner : le chœur des fiançailles de Lohengrin, la marche religieuse du même opéra, la grande marche de Tannhäuser, enfin la prière de Rienzi. Donc, un seul morceau de Gounod contre quatre de Wagner : on ne dira plus que la province est en retard sur la capitale. Et cela se passait dans le Dauphiné, dans le propre pays de Berlioz ! L'ombre du pauvre grand homme a dû frémir de cet hommage rendu sur ses terres au génie d'un rival détesté.» (Le Guide Musical de Bruxelles ; l'Artiste, de Bruxelles; etc., janvier 1879.)
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