jeudi 25 mai 2023

La pochette du maître à danser

Pochette du 18e siècle (collections du Musée national germanique de Nüremberg),
actuellement exposée à l'exposition Barock ! Bayern, Böhmen à Ratisbonne

La pochette était une sorte de petit violon que les maîtres à danser portaient dans leur poche quand ils allaient donner leurs leçons en ville. Il était parfois muni à l'une de ses extrémités d'un éventail. Le maître à danser avait pour fonction essentielle d'enseigner les pas de danse. Il pouvait commencer par jouer de la musique sur sa pochette et faire aux dames la démonstration de la manière d'utiliser correctement l'éventail. 

Le maître à danser avait de sa profession une conception très spéciale : il était le maître des grâces. Il apprenait aux jeunes filles à sourire en cadence, et aussi ce qu'on appelait le maintien et les manières. Et c'est peut-être pourquoi les femmes des 17e et 18e siècles eurent beaucoup de manières. Il apprenait à ses élèves l'art de danser les menuets ou les gavottes, mais aussi celui des courbettes et des révérences ou du maniement de l'éventail. En ce temps-là on écrivait des traités sur « l'art chorégraphique ». La danse était alors une religion et avait ses mystères. Et le maître qui les enseignait, pirouettant avec sa pochette, était une sorte de croyant, quelque chose comme un pantin sacerdotal.


Illustration d'Albert Robida
pour le texte L'académie de danse de Iaroslav

Voici encore la définition qu'en donnait vers 1870 le  Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse :

POCHETTE
Mus. Petit violon de maître de danse. Jouer de la pochette. 
" Deux jeunes garçons exécutèrent une danse bizarre au son d'une pochette, grattée à toute outrance." (Th. Gaut.) 
Avoir un jeu de pochette : ne tirer qu'un son faible et grêle de son instrument.
—Encycl. Mus. La pochette était un petit violon de poche dont le manche avait les mêmes dimensions que celui du violon ordinaire, mais dont le corps, quoique affectant exactement la même forme, était trois à quatre fois plus petit. Les maîtres de danse qui allaient donner leçon en ville se servaient de ce petit instrument, qu'ils mettaient dans leur poche sans que cela les embarrassât en aucune façon, et à l'aide duquel ils jouaient les airs qui leur servaient à faire danser leurs élèves. Depuis longtemps, la pochette, qui sonnait l'octave du violon et à laquelle était joint un archet plus court de rnoitié que l'archet de ce dernier, n'est plus eu usage. On disait jadis d'un violoniste qui ne tirait de son instrument qu'un son grêle, maigre et criard, qu'il avait un jeu de pochette,  la sonorité de celle-ci étant naturellement, et en raison de ses dimensions, beaucoup plus chétive que celle du violon véritable.


Il existait de nombreuses variétés de pochettes. Ainsi de la canne-pochette représentée sur le dessin ci-contre. Voici comment on s'en servait : on dévissait la poignée, on retirait l'anneau de corne ; puis on tirait le chevalet caché à plat sous la touche, on le plaçait à la hauteur de l'âme, et, après avoir retiré l'archet de l'intérieur même de l'instrument, on revissait la poignée de la canne pour pouvoir épauler l'instrument. Il pouvait fournir des notes suffisantes pour accompagner des chassés-croisés ou les pas d'un menuet.

Extrait d'un feuilleton d'un certain Karl Star paru en 1862 dans le Niederrheinischer Kurier

[...] Il n’y avait rien de commun entre Apollon et mon maître à danser. Je le vois encore, le brave homme, raclant sa pochette avec un imperturbable sérieux. C'était dans une chambre immense qui n'avait pour tous meubles qu’un lit à rideaux de colon rouge et un coffre dans un coin. Nous étions là deux douxaines de polissons levant là jambe en cadence et battant le plancher. L’aigre gémissement du petit violon nous écorchait un peu les oreilles, mais il nous donnait bien du cœur. Le maître y ajoutait le son de sa voix pour nous encourager. " Allons, Messieurs, tenez-vous droits ; effacez la poitrine ! ferme du jarret !" [...]


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