jeudi 4 mai 2023

Le monde des représentations privées du roi Louis II. Une exposition du Deutsches Theatermuseum de Munich.

Le Musée du théâtre de Munich (Deutsches Theater Museum München) présente jusqu'au 30 juillet 2023 son exposition sur le monde des représentations privées du roi Louis II comme une exposition en mode " cabinet ". Small is beautiful. Si l'espace d'exposition est réduit, les documents présentés passionneront les amis du roi Louis II et de Richard Wagner, son compositeur d'élection. Dessins et aquarelles originales de costumes ou de décors, photographies d'acteurs et d'actrices célèbres, des interprètes des opéras, quelques lettres ou quelques bijoux que le roi leur a offerts, quelques maquettes scéniques retiendront l'attention des visiteurs. 

Une visite qui attirera certainement les festivaliers du Festival d'opéra de Munich fin juillet et durant tout le mois de juillet. Et comme le roi était un admirateur passionné de la monarchie française des 17ème et 18ème siècles et du théâtre français, les visiteurs français y verront évoquer la Pompadour dans le Narziss de Brachvogel, la Theodora de Victorien Sardou ou la comédie Léonard le perruquier de Dumanoir, traduite en allemand pour le plaisir du roi. 

Un monarque bavarois qui aime le théâtre

Encore jeune prince héritier, Louis II se passionne déjà pour la scène et assiste régulièrement aux représentations des théâtres de la cour de Munich. Couronné en 1864 alors qu'il n'a que 18 ans, il se sent de plus en plus gêné dans son rôle de spectateur tant il est au centre de l'attention du public. C'est ainsi que l'acteur, metteur en scène et futur intendant Ernst von Possart raconte qu'en février 1872, le roi aurait exprimé sa colère après une représentation d'Iphigénie : " Il m'est impossible de rêver au théâtre, alors que les gens me regardent sans cesse et observent chacune de mes expressions avec leurs jumelles d'opéra. Je veux  moi-même être spectateur, mais ne pas être un objet de spectacle pour la foule !". En conséquence de quoi, Louis II décide de ne plus se montrer à ses sujets au théâtre. Dans un premier temps, il assiste à des répétitions générales sans spectateurs. Mais dès le mois de mai 1872, Louis II exige qu'une représentation complète soit donnée pour lui comme seul spectateur. D'autres représentations exclusives d'acteurs suivent à l'automne 1872 au théâtre royal de la résidence, le théâtre rococo de François Cuvilliés.

Et les désirs du roi prennent de plus en plus d'ampleur : dès 1873 il exige que de nouveaux spectacles soient  mis en scène à son usage exclusif. Le souverain souhaite principalement des pièces de théâtre, auxquelles viennent s'ajouter quelques ballets. Il ordonne ensuite, à partir de 1878, la préparation de 44 opéras complexes et coûteux à réaliser. De 1873 à 1885, 209 de ces représentations privées sont organisées. Outre le roi, seul un cercle restreint assiste aux représentations. Le roi interdit aux participants d'évoquer ces représentations en public. De nombreuses rumeurs et descriptions fantastiques circulent rapidement, ce qui accroît l'intérêt du public pour les représentations dites séparées (Separatvorstellungen).

En 1894, Karl von Perfall, alors directeur du théâtre de la cour de Munich, écrit à propos des exigences extraordinaires du roi et de leur importance pour le théâtre munichois : "Ces représentations, malgré les efforts inouïs et les profondes perturbations qu'elles ont causés dans la marche régulière des affaires, ont été d'un grand profit pour la la scène de la cour de Munich" . L'amour du théâtre de Louis II, ses exigences pointues quant à la perfection, notamment technique, des représentations ne sont pas les moindres raisons de la réputation des spectacles du théâtre de la cour de Munich de ces années-là. De nombreuses mises en scène de ces représentations séparées deviennent de grands succès publics dès qu'elles sont portées au répertoire des théâtres de la cour.

Le rêve d'absolutisme

La vénération de Louis II pour la famille royale française des Bourbons est presque sans limites et le conduit à s'identifier à ces rois français qui sont de sa lointaine parenté, et tout particulièrement au Roi-Soleil, Louis XIV, dont le nom est identique au sien. Ceci explique le nombre élevé de pièces  en rapport avec la France parmi les représentations séparées : on en dénombre 35.
 
C'est surtout dans les premières années des représentations royales exclusives que dominent les drames se déroulant dans le milieu historique des rois absolutistes Louis XIV, Louis XV ou Louis XVI. Les pièces mettent en scène le cérémonial de la cour, les intrigues amoureuses et la société de cour absolutiste. Une intrigue est généralement au centre de l'action. Les faits politiques sont certes nommés avec précision, mais restent en arrière-plan, tandis que les destins individuels, souvent par le biais de protagonistes issus des milieux du théâtre, de l'art et de la littérature, déterminent l'action. Louis II, qui maîtrise la langue française et qui lit beaucoup, propose des sujets déjà connus pour la mise en scène ou cherche des livrets français, qu'il fait traduire ou adapter, comme Esther à Saint-Cyr, l'adaptation d'une pièce de Racine confiée par le roi à Karl von Heigel. Sa connaissance approfondie des textes originaux et ses recherches minutieuses sur les détails historiques, pour lesquels il se constitue une collection de photographies et de dessins, l'amènent à procéder à des ajustements réguliers dans l'élaboration des réalisations scéniques. Louis II n'intervient pas seulement dans le texte, mais aussi dans la mise en scène: la distribution et le décor doivent correspondre exactement à ses idées. Dès les premières années de son règne, le roi exige la création de spectacles historiquement fidèles et devient de plus en plus lui-même metteur en scène de ses représentations séparées. 

L'exposition permet de découvrir que le très wagnérien roi Louis II s'intéressait aussi à l'opéra français, et notamment à la musique de Massenet, ce qui ne manque pas d'étonner, car les biographies en français n'en font à notre connaissance du moins généralement pas mention.

Portrait en costume de Clara Ziegler en Marquise de Pompadour dans le  Narziss d'Albert Emil Brachvogel. Louis II assiste à une représentation publique de cette pièce le 7 février 1872. Sur le Narziss de Brachvogel, lire notre article Narcisse de Brachvogel, une des pièces préférées de Louis II. (Cliquer sur le lien)

Une photo de Mathias Pössenbacher. 
Réf. :Deutsches Theatermuseum München, Inv.-Nr. II 47593 (ID 38570)

Projet de décor d' Angelo II. Quaglio pour le Narziss de Brachvogel. Première scène :le salon du Baron von Holbach. Représentation privée du 9 mai 1885 au théâtre de la Résidence.


Réf. Deutsches Theatermuseum München, Inv.-Nr. IV 2171 (ID 51659)

Maquette de décor pour le deuxième acte de Leonhard der Perückenmacher (Léonard le perruquier de Philippe Dumanoir traduit par A. Fresenius) par Angelo II. Quaglio. Représentations séparées des 17 et 24 avril 1873 au théâtre de la Résidence.

Réf. Deutsches Theatermuseum München, 
Inv.-Nr. V/IX Slg.Q14/67/1-15 (ID 49832)

Projet de décor d'Angelo II. Quaglio pour la Theodora de Victorien Sardou (musique de Jules Massenet), acte I, scène I, le palais de Justinien. Représentations privées des 4, 5 et 10 mai 1885 au Théâtre de la Cour et national de Munich. Sur la Theodora munichoise, lire nos articles Les représentations privées de Louis II: Théodora de Victorien Sardou et Quand Victorien Sardou témoignait d'une visite du roi Louis II à Paris en 1885 (Cliquer sur les liens).

Réf. Deutsches Theatermuseum München, Inv.-Nr. IV 154b (ID 51665)

Hermine Claar-Delia en Theodora aux mêmes dates

Photo Franz Hanfstaengl
Réf. Deutsches Theatermuseum München, Inv.-Nr. II 12193 (ID 29984)

Portrait de Franz Nachbaur dans le rôle d'Alim dans König von Lahore (le Roi de Lahore),  musique de Jules Massenet, livret de Louis Gallet, pour les représentations privées des 8 et 10 mai 1879, au Théâtre royal de la cour et théâtre national de Munich.

Réf. Deutsches Theatermuseum München
Inv.-Nr. II 39265 (ID 35378)


Source : les textes sous rubriques 'Un monarque bavarois' et 'Le rêve d'absolutisme' sont traduits du dossier de presse du musée.

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