vendredi 4 octobre 2024

Le monument funèbre de Donizetti dans la basilique Santa Maria Maggiore de Bergame


La Musique est en deuil. Son Allégorie, une armonia dolente (harmonie souffrante), une ravissante jeune femme munie d'une lyre, la tête penchée, accablée de tristesse et pensive dans la douleur, les cheveux ceints d'une couronne d'étoiles, les pieds nus. Elle pleure un génie mort trop jeune, il n'avait que cinquante ans. Entrevoit-elle entre ses larmes le beau visage de Donizetti, dont Alexander Erdan, un publiciste français qui a connu le compositeur, dit qu'il est très ressemblant. À gauche du visage  en demi-profil de Gaetano, le sculpteur a gravé le titre de quelques-uns de ses opéras les plus célèbres, Lucia, La Favorita, Anna Bolena,... et taillé quelques rouleaux porteurs de notes. À sa droite, on lit le mot melodie. Sous le visage, une paire d'ailes étendues au-dessus des touches ivoirines d'un clavier. C'est que sa musique donne des ailes, c'est que son âme s'est envolée vers un paradis belcantiste. Sous ce présentoir, un bas-relief met en scène sept putti munis de lyres qui personnifieraient les sept notes de la game. Le premier lève les yeux vers le ciel, en extase ou en prière, voit-il le musicien s'élever ? Au centre, deux putti sont en pleurs et accablés, les quatre autres en colère cherchent à briser leurs lyres. Plus bas encore, la dédicace des deux frères de Gaetano, les commanditaires du monument, puis au sol, surmontée d'une couronne de lauriers en fer forgé, le Hic Jacet simple dalle de marbre confirme que les restes de Gaetano Donizetti reposent sous son monument et nous invite au recueillement.
LHR



Histoire du monument (traduite du Wiki italien)

Le monument funéraire de Gaetano Donizetti (1797-1848) est une imposante œuvre de marbre réalisée par le sculpteur italo-suisse Vincenzo Vela (1820-1891) entre 1852 et 1855. Il est situé à l'intérieur de la basilique Santa Maria Maggiore de Bergame et abrite depuis 1875 la dépouille du musicien bergamasque Gaetano Donizetti.

Le monument a été conçu comme un cénotaphe à la mémoire de l'illustre musicien bergamasque, décédé dans la ville en 1848 et enterré alors  à Valtesse, et commandé au célèbre sculpteur Vincenzo Vela, un artiste estimé qui était déjà souvent actif dans la réalisation de monuments funéraires. La commande est passée par les frères du musicien, Giuseppe et Francesco, par l'intermédiaire du comte Andrea Maffei qui, en août 1852, informe Vela que le choix s'est porté sur l'une des deux esquisses que le sculpteur avait présentées à la famille de Donizetti. Après avoir obtenu l'approbation de l'esquisse, Vela se mit au travail et le monument fut solennellement inauguré le 16 juin 1855, sept ans après la mort du grand musicien. À l'origine, le cénotaphe, dont les esquisses et les différents dessins préparatoires sont conservés au musée Vela de Mendrisio (Suisse italienne), était placé dans une position différente de l'actuelle, c'est-à-dire exactement en face du monument funéraire à la mémoire du professeur de Donizetti, le compositeur allemand Simone Mayr. Le monument, d'une hauteur de trois mètres, a été érigé au centre de la ville.

Le monument, d'une hauteur de trois mètres, est fait de marbre blanc et de marbre gris sculpté : au sommet, une mince figure féminine en pleurs, couronnée d'étoiles et penchée sur une lyre, Armonia dolente ; dans la partie centrale, un clavier sculpté et le portrait de Gaetano Donizetti inclus dans une grande médaille ; en bas, sur le devant du sarcophage, une plaque sculptée représentant sept putti musicanti dans une attitude de deuil, représentant les sept notes de musique ; en bas, sur la base, l'inscription dédicatoire.

Le monument, initialement conçu à la mémoire de Donizetti, n'a accueilli la dépouille du musicien qu'en 1875, lorsque, après diverses vicissitudes, les restes du compositeur y ont été transférés, sans la calotte cranienne qui avait été enlevée après sa mort et conservée à la bibliothèque Angelo Mai, puis au musée Donizetti. La calotte n'a été réunie à la dépouille de Donizetti qu'en 1951.

Source des données historiques  : traduction du texte italien sur Wikipedia

Vu de France 

Dans la rubrique " Lettres d'Italie " publiée par Le Temps le 15 juillet 1866, A. Erdan évoque le tombeau de Gaetano Donizetti :

Vous savez que Bergame est le Leipzig de l'Italie. Il va sans dire, pourtant, que l'intérêt artistique et poétique est dans la vieille Cité de la colline. Là, à Sainte-Marie-Majeure, j'ai salué le tombeau de Donizetti, par Vela. C'est une jeune et belle muse de l'harmonie, avec une lyre, pleurant sur son fils. L'artiste a mis en bas-relief, parmi des lauriers et des roses ; le vrai portrait de Donizetti, très ressemblant : j'ai vu ce grand compositeur. Ce sont les deux frères du musicien qui ont élevé ce tombeau à leurs frais. L'inscription en est simple ; la voici : A Gaetano Donizetti trovatore feconda di sacre e profane melodie, i fratelli suoi Giuseppe e Francesco 1855.

La Liberté du 14 avril 1874, La France du 18 avril 1874 et Le Midi du 21 avril 1874 publient le même texte :

Les voyageurs, qui se rendaient à Bergame, se hâtaient de demander, en arrivant, le tombeau de Donizetti, l'auteur de la Lucia. Mais personne ne pouvait satisfaire une curiosité si naturelle. On ignorait où avaient été déposés les restes du grand compositeur. 
On vient enfin de retrouver le tombeau de Donizetti dans un caveau particulier, appartenant à une grande famille, et où l'on soupçonnait qu'il devait être. Le conseil municipal tout entier assistait à l'exhumation. Le corps, qui avait été enveloppé dans une tunique d'un vert sombre aussi fraîche que le premier jour, était encore reconnaissable. On déposera les restes de Donizetti dans un sarcophage de bronze qui sera placé à Sainte-Marie-Majeure.
C'est toujours l'histoire de Cicéron, retrouvant à Syracuse le tombeau d'Archimède, ignoré des habitants eux-mêmes.

La France du 20 avril 1874 apporte une précision à son texte du 18 avril :

En réponse à une note que nous avons publiée récemment au sujet du tombeau de Donizetti, à Bergame, un de nos abonnés nous adresse la rectification suivante, que nous accueillons d'autant plus volontiers qu'elle prouve que le célèbre musicien n'a pas été, comme nous le croyions, oublié par ses concitoyens :
Je ne sais ce qu'il peut y avoir de vrai, dans la découverte du corps de Donizetti ; mais ce que je puis affirmer de visu, c'est que déjà, en 1865, existait à Bergame, contre le premier pilier de la grande nef de Santa Maria Maggiore un beau mausolée consacré à la mémoire de l'auteur de la Lucia...
Le monument, ouvrage du sculpteur Vincenzo Vela, se compose d'un piédestal portant un bas-relief qui représente des Génies brisant leurs lyres, et plus haut un médaillon de l'artiste, au-dessus d'un clavier.
Sur le piédestal est une belle statue de la Musique, pleurant sur la mort de son favori.
On lit sur le soubassement :

A GAETANO DONIZETTI
Trovatore fecondo di sacre e profane melodie
I fratelli GIUSEPPE e FRANCESCO
Con memore affettuoso ponerano MDCCCLV.
Notre correspondant ajoute, et nous sommes de son avis :
Il me semble bien difficile d'admettre que les deux frères de Donizetti aient ignoré où se trouvait son corps et ne l'aient pas déposé dans le tombeau qu'ils lui préparaient.
Veuillez agréer, etc.

Le Ménestrel du 19 avril 1874

Le voyageur en Italie qui s'arrête à Bergame ne manque pas de visiter le tombeau de Donizetti à Santa-Maria-Maggiore, mais ce qu'il ne sait pas généralement, c'est que ce monument, dû au ciseau de Vêla, ne renferme pas les restes du célèbre compositeur. Jusqu'à ce jour les concitoyens mêmes de Donizetti ne savaient pas où se trouvait sa dépouille. Le syndic de Bergame après avoir fait faire des recherches pour la retrouver, vient de la découvrir dans le caveau de la famille Pezzofi. La cendre de l'auteur de Lucia sera recueillie dans une urne de bronze et placée dans le tombeau où son illustre nom était déjà inscrit d'avance.


Le Figaro du 22 avril 1874 croit bon d'ironiser.

Les touristes qui, en parcourant l'Italie, s'arrêtent à Bergame, ne manquent pas de visiter le tombeau de Donizetti a Santa-Maria-Maggiore. 
Pauvres touristes naïfs voyageurs ! Il paraît que ce monument ne renfermait pas du tout les restes du célèbre compositeur. Les Italiens eux-mêmes ignoraient où se trouvait la dépouille de leur compatriote. C'est le syndic de Bergame qui vient, après de nombreuses recherches, de la découvrir dans le caveau de la famille Pozzoli. La cendre de l'auteur de Lucia sera recueillie dans une urne de bronze et placée dans le tombeau où son illustre nom était déjà inscrit d'avance. 
Au moins, maintenant, les touristes ne seront plus volés.

Louis Rivière (1845-1922), En Vénétie O. Pic (La Rochelle), 1896, p. 206

[...] Dans cette église reposent deux musiciens célèbres, tous deux nés à Bergame, Donizetti et son maître Mayr. Sur le devant du tombeau de Donizetti, une frise d'enfants personnifie les sept notes de la musique. C'est une des premières œuvres de VincenzioVela, le célèbre sculpteur [...]

Source des textes : textes recherchés sur Gallica / BNF


Crédit photographique © Luc-Henri Roger

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