jeudi 6 mai 2021

La visite de l'empereur François-Joseph en France au temps de l'exposition de 1867 (Deuxième partie)

 Le Mémorial diplomatique donnait à l'automne 1867, en deux articles, un compte-rendu très complet et détaillé de la visite officielle en France de l'Empereur François-Joseph, de ses frères et de sa suite dans la capitale française. C'est P. Boutet, le secrétaire de rédaction du journal, qui signe ces longs articles. Le premier article est daté du 7 novembre 1867. L'illustration de la visite à Pierrefonds provient du Monde illustré du 9 novembre. 




SÉJOUR DE L'EMPEREUR D'AUTRICHE EN FRANCE

31 octobre. — Le beau temps exceptionnel dont nous jouissons depuis l'arrivée de S. M. Apostolique à Paris continuant toujours, l'Empereur Francois-Joseph, accompagné de l'aide de camp général comte de Bellegarde, du général prince de la Moskowa et du baron de Horstein, grand-maître de la cour de l'archiduc Charles-Louis, s'est rendu de bon matin à l'Exposition universelle.

Sa Majesté a examiné plus particulièrement les sections renfermant les instruments destinés à l'industrie et ceux applicables aux besoins de la guerre, et a parcouru dans toute leur étendue les galeries des tableaux envoyés par chaque nation. Comme à ses visites précédentes, une foule respectueuse se pressait sur le passage de Sa Majesté Apostolique, qu'elle saluait de ses cordiales acclamations.

Le reste de la journée a été consacré à visiter le palais du Luxembourg et l'hôtel de la Monnaie. En l'absence de M.Troplong, président du Sénat, le grand référendaire, M. Barrot, a fait à Sa Majesté les honneurs de l'ancienne résidence de Marie de Médicis, que l'Empereur a visitée dans tous ses détails admirant surtout l'état de parfaite conservation des appartements habités jadis par cette illustre princesse, protectrice éclairée des beaux arts.

L'Empereur François-Joseph, à l'entrée de l'hôtel de la Monnaie, a été reçu par le sénateur Damas, président de la commission des monnaies et des médailles.

Sa Majesté s'est rendue immédiatement par le grand escalier au musée, où sont réunis des échantillons de toutes les monnaies en circulation dans les divers pays et des médailles frappées en France.

Une partie très intéressante de cette belle collection se compose des coins qui ont servi à frapper nos monnaies et nos médailles, et qui remontent à l'origine de l'art monétaire français.

Sa Majesté a désiré voir tous les détails de la fabrication, les monnaies françaises lui paraissant supérieures à toutes les autres. Elle est descendue par la cour d'honneur dans les ateliers. Elle a visité la fonderie de l'argent et celle de l'or, et a voulu voir procéder au coulage des lingots.

Elle a examiné avec une curiosité particulière le laminage, les fours à recuire et les découpoirs.

La visite de Sa Majesté s'est terminée par l'examen de la belle salle du monnayage, où elle a pu voir frapper des pièces d'or, d'argent et de bronze de divers modules. Enfin Elle a voulu se rendre compte de toutes les opérations du contrôle, qui s'effectuent dans la salle de la délivrance,

Après avoir dîné en famille avec ses deux frères au palais de l'Elysée, l'Empereur, dans la soirée, a honoré de sa présence le théâtre de l'Opéra italien où l'on exécutait la délicieuse partition de Ricci, Crispino e la Comare, que l'on a beaucoup applaudie.

Le théâtre était illuminé et pavoisé aux couleurs de la France et de l'Autriche. La loge impériale était tendue à neuf de velours cramoisi avec crépines d'or. M. de Laferrière, premier chambellan, chargé des spectacles de la cour, et M. Bagier, directeur du théâtre impérial de l'Opéra-Italien, ont reçu l'Empereur à sa descente de voiture, et l'ont reconduit à la fin du spectacle.

LL. AA. II. les archiducs Charles-Louis et Louis-Victor assistaient ce soir-là à la représentation du théâtre du Palais-Royal.

1er novembre. — A l'occasion de la fête de la Toussaint, Mgr Lainé, aumônier en chef de l'armée, a, comme le dimanche précédent, dit la messe dans la belle chapelle de l'Elysée. Sa Majesté Apostolique y a assisté, ainsi que les archiducs et leur suite respective, M. le prince et madame la princesse de Metternich, et le duc de Gramont, ambassadeur de France à Vienne, lesquels ont été invités après la messe à déjeuner avec Sa Majesté. A cause de la solennité du jour, les établissements publics étant fermés, l'Empereur d'Autriche a consacré le reste de la matinée à l'expédition des affaires et à des audiences. Avant le dîner, l'Empereur, accompagné uniquement du prince de la Moskowa, s'est rendu en calèche découverte au bois de Boulogne, où un temps délicieux avait attiré un grand nombre de brillants équipages et une foule considérable de promeneurs. Comme toujours, lorsque Sa Majesté se montre en public, Elle a été l'objet des manifestations les plus sympathiques.

L'Empereur François-Joseph, qui, comme nous l'avons fait remarquer, aime beaucoup le spectacle sans avoir le moindre goût pour les trivialités qu'on débite sur certaines scènes. a assisté dans la soirée à la représentation de Don Carlos au Grand Opéra. Sa Majesté s'est montrée on ne peut plus satisfaite du rare ensemble avec lequel les artistes ont exécuté la dernière partition de Verdi. 

novembre. — La terrible catastrophe de Queretaro réveillant dans son cœur les émotions les plus douloureuses, Sa Majesté Apostolique a assisté avec un pieux recueillement à la messe des morts, que Monseigneur Lainé a célébrée à l'occasion du Jour des Trépassés. Leurs Altesses Impériales les archiducs étaient allés à pied de l'Elysée à l'église de la Madeleine, où, à neuf heures, M. le curé Deguerry a dit également la messe en commémoration des morts.

Sa Majesté Apostolique, ayant arrêté son départ au dimanche suivant, est allée, après le déjeuner, faire une dernière visite à l'Exposition, où, par une attention délicate, elle a voulu surtout examiner en détail la section italienne.

L'Empereur, accompagné de M. de Schœffer, premier commissaire, et de plusieurs autres membres de la commission impériale d'Autriche à l'Exposition, a été reçu par M. le comte Chiavarina, commissaire royal, et M. Paul Boselli, secrétaire général de la commission italienne. Sa Majesté, après avoir inspecté attentivement les nombreux objets qui composent l'Exposition des diverses parties de l'Italie, a félicité les commissaires italiens de l'ordre et du bel arrangement dans lequel tous les produits avaient été disposés.

Rentré au palais de l'Elysée, l'Empereur d'Autriche a reçu en audience particulière une députation du comité de la société allemande de bienfaisance, composée de MM. le comte de Seebach, président; Ellishen et Michel, vice-présidents ; le docteur Otterbourg ; Karpeles, secrétaire ; Mausqunkel, trésorier. Dans une adresse que la députation a remise à Sa Majesté, le comité lui a respectueusement exprimé sa vive reconnaissance pour l'intérêt que Sa Majesté et son ambassade à Paris ont toujours porté à la Société. L'Empereur s'est enquis avec un empressement marqué du sort des malheureux dont la société allemande travaille à alléger la misère en leur distribuant des secours réguliers, ou en leur fournissant les moyens de retourner dans leur pays. Sa Majesté a assuré à la députation qu'elle continuera son bienveillant concours à la société.

Magasins Klein sur le boulevard des Capucines

L'Empereur d'Autriche, avant de quitter la capitale de la France, a daigné honorer de sa visite les riches magasins que M. Klein, de Vienne, vient d'ouvrir sur le boulevard des Capucines, et dont le splendide étalage attire tous les regards. Sa Majesté, accompagnée de ses frères, a examiné avec attention les objets d'art que cet habile industriel a su réunir dans son nouvel établissement ; et Elle a à diverses reprises complimenté M. Klein de l'impulsion donnée par lui à l'industrie autrichienne, qu'il a rendue capable de rivaliser avec les établissements les plus réputés de l'Europe.

Au moment où l'Empereur a quitté le magasin de M. Klein, la foule, qui n'avait cessé de stationner sur le boulevard, l'a acclamé avec un enthousiasme dont Sa Majesté a paru vivement touchée.

Ensuite, dans l'après-midi, l'Empereur et les archiducs sont allés visiter les Gobelins, où ils ont été reçus par le ministre de la maison de l'Empereur et des beaux-arts et par les fonctionnaires de cet établissement.

Tous les ouvriers étaient à leur poste ; les Métiers ont marché devant les princes, qui ont admiré la perfection des produits de cette manufacture impériale.

L'Empereur François-Joseph, amateur éclairé de l'art, a écouté avec un intérêt manifeste le récit des détails historiques et les observations qui lui étaient faites en réponse à ses questions sur les moyens employés pour arriver à cet état de perfection.

La journée s'est terminée par un dîner de famille au château de Saint-Cloud.

novembre. — Voulant témoigner l'intérêt qu'en sa qualité de Majesté Apostolique il prend à l'éducation religieuse et morale des ouvriers allemands, l'Empereur d'Autriche a visité l'Eglise allemande établie sous le vocable de Saint-Charles dans la rue Lafayette. A cette église, qui a été construite avec le produit d'offrandes auxquelles la cour d'Autriche a largement contribué, sont attachés des écoles pour les garçons et les filles des ouvriers allemands, une crèche et un hospice, confiés aux soins de communautés religieuses.

L'Empereur est arrivé à l'entrée de l'église à 7 heures et demie du matin, accompagné de ses frères et d'une partie de sa Suite, Il a été reçu par M. le curé et son clergé, ainsi que par les membres du comité allemand, avec les honneurs dus à son rang élevé. Toute la population allemande catholique qui habite Paris était réunie dans la chapelle et au dehors, l'enceinte ne pouvant contenir tous les Allemands accourus pour saluer de leurs acclamations le souverain, protecteur des classes laborieuses.

Conduits devant l'autel, où des fauteuils et des prie-dieu étaient disposés, les augustes visiteurs ont entendu la messe ; et après la célébration du sacrifice divin, Sa Majesté, ayant visité les établissements dépendant de cette fondation pieuse, a félicité le curé et les chefs des communautés religieuses des rapides progrès de l'œuvre à laquelle ils se consacrent, et a promis de leur continuer sa protection qui ne leur fera jamais défaut. Cette promesse n'a pas tardé à recevoir un commencement d'exécution ; car les pauvres Allemands ont reçu par le baron de Hornstein, grand maréchal de la cour de Vienne, d'abondants secours.

L'Empereur François-Joseph est rentre au Palais de l'Elysée, où a eu lieu la réception du prince de Metternich et de tout le personnel de l'ambassade impériale et royale à Paris. Sa Majesté, après avoir annoncé au prince de Metternich qu'en reconnaissance de ses services signalés elle lui avait conféré le grand cordon de l'ordre de Saint-Etienne de Hongrie, a daigné exprimer à M. le comte de Mulinen, conseiller de l'ambassade, sa haute satisfaction pour l'intelligence et le dévouement dont il a fait preuve depuis son entrée au service de l'Autriche (M. le comte de Mulinen est né Français). Sa Majesté lui a en même temps annoncé qu'elle venait de l'élever au rang d'envoyé extraordinaire et de ministre plénipotentiaire.

L'Empereur François-Joseph a daigné légalement informer les comtes Kuefstein et de Deym, premier et second secrétaire de l'ambassade, qu'il leur avait accordé la croix de chevalier de l'ordre de la Couronne de Fer, et au comte Pergen, attaché militaire, le même grade dans l'ordre de François-Joseph.

Vers dix heures et demie, l'Empereur Napoléon, venant de Saint-Cloud, est arrivé à l'Elysée pour déjeuner avec l'Empereur d'Autriche ; et à midi les deux souverains partaient pour le château de Compiègne, où l'Impératrice Eugénie les avait précédés la veille.

Au départ de l'Elysée, le régiment de la gendarmerie d'élite était sous les armes dans la cour d'honneur; sa musique jouait l'hymne national : Dieu conserve l'Empereur François.

Les abords du palais étaient couverts d'une foule compacte, lorsque, vers onze heures et demie, le cortège impérial a quitté le palais. Quatre piqueurs à la livrée impériale précédaient le carrosse attelé à la Daumont, dans lequel étaient assis au fond les deux Empereurs et sur le devant le prince de Metternich et le général Fleury. Dans un second carrosse étaient les deux archiducs, suivis de huit voitures de la cour contenant les personnages de la suite des deux souverains. Grâce à un soleil printanier, la foule se pressait sur les boulevards, qu'ont traversés Leurs Majestés pour se rendre à la gare du chemin de fer du Nord, saluées d'acclamations incessantes; la classe ouvrière en habits de fêle s'était portée en masse au devant du souverain qu'elle avait si sympathiquement accueilli douze jours auparavant à son arrivée, et. dont la popularité s'était encore accrue par le retentissement qu'avait eu le toast porté par Sa Majesté Apostolique au banquet de l'Hôtel de ville.

Arrivées à la gare, Leurs Majestés ont été reçues dans le salon d'honneur par M. le baron James de Rothschild, consul général d'Autriche, président du conseil d'administration de la Compagnie du chemin de fer du Nord ; M. le marquis d'Alou et M. Delebecque, vice-présidents ; MM. les administrateurs de la Compagnie ; M. le préfet de la Seine, M. le préfet de police ; le personnel de l'ambassade autrichienne et un grand nombre de personnes du monde officiel.

La gare du Nord était décorée de tentures et de faisceaux de drapeaux français et autrichiens. Deux estrades avaient été réservées pour les invités.

Les deux souverains et les archiducs sont montés dans le wagon impérial.

Les personnes de la suite de Leurs Majestés ont pris place dans trois wagons-salons et dans six wagons de première classe.

Le train impérial s'est mis en marche à midi et dix minutes, remorqué par deux locomotives.

Le trajet de Paris à  Compiègne s est effectué en une heure un quart.

L'Empereur d'Autriche, l'Empereur Napoléon et les archiducs sont arrivés à Compiègne à deux heures et demie.

Quelques minutes auparavant, l'Impératrice Eugénie, qui était à Compiègne depuis la veille, à cinq heures et demie du soir, s'était rendue à la gare pour recevoir Leurs Majestés, qui ont été reçues par M. le préfet de l'Oise, M. le sous-préfet de l'arrondissement, M. le maire de Compiègne et les adjoints, ainsi que les autorités militaires.

Le cortège impérial, composé de 3 voitures que n'accompagnait aucune escorte, a été salué sur tout le parcours à travers la ville, qui était pavoisée de drapeaux et d'écussons aux armes de France et d'Autriche, par les acclamations les plus sympathiques.

La compagnie d'artillerie de la garde nationale et celle des sapeurs-pompiers étaient venues se mettre sur deux rangs sur la place de l'Hôtel de Ville; la musique municipale a fait entendre l'air national au passage de Leurs Majestés.

Le cortège a pris la direction de Pierrefonds, sans s'arrêter au palais.

L'Impératrice accompagnait les Empereurs dans leur excursion, qui a duré plus de deux heures; ensuite Leurs Majestés ont repris la route de Compiègne.

Pendant que Leurs Majestés et leurs suites se rendaient à Pierrefonds, la vénerie chassait à courre dans la forêt de Compiègne. Un magnifique cerf a été mis bas dans la rivière d'Aisne, à l'extrémité de la forêt de Compiègne. La bête a ensuite été transportée vers les étangs de Saint Pierre, où la vénerie s'est rendue à la rencontre de la cour, qui revenait alors de Pierrefonds.

Leurs Majestés étaient de retour au palais à cinq heures.

Le soir, une magnifique curée aux flambeaux a eu lieu dans la cour d'honneur du palais. Les Empereurs de France et d'Autriche, l'Impératrice, les archiducs et un grand nombre d'invités y ont assisté sur le balcon de la salle des gardes.

novembre.— Une magnifique chasse à tir et à courre a eu lieu cette après-midi dans les réserves de la forêt de Compiègne.

L'Empereur Napoléon, l'Empereur d'Autriche et les archiducs ont chassé dans les tirés du Berne et du Buissonnet ; et les invités, au nombre de 150, composés presque exclusivement du personnel des cours de France et d'Autriche, dans les tirés de Lacroix et de Royallieu.

On estime qu'il a dû être abattu, tant par les Empereurs et les archiducs que par les invités, près de quatre mille pièces de gibier.

Le départ de Sa Majesté Apostolique étant fixé à 9 heures du soir, le dîner a été servi à 6 heures et demie.

En se levant de table, l'Empereur François-Joseph et les archiducs ont, dans les termes les plus cordiaux, pris congé de l'Empereur et de l'Impératrice des Français, en leur réitérant l'assurance qu'ils emportaient un ineffaçable souvenir de leur touchante hospitalité et des jours si agréablement passés auprès de Leurs Majestés.

A neuf heures précises, l'Empereur d'Au-triche et ses frères sont arrivés à la gare accompagnés de l'Empereur des Français, qui a longuement serré la main à S.M. ainsi qu'aux archiducs, sur le quai de la gare, avant que ses illustres hôtes montassent dans le train.

Profitant de quelques minutes qui étaient encore nécessaires pour achever de charger les bagages, l'Empereur Napoléon est monté dans le wagon-salon, où avait déjà pris place Sa Majesté Apostolique.

Puis, au signal du départ, il est descendu sur le quai où il est resté, disant encore adieu à l'Empereur d'Autriche, qui se tenait debout et la tête découverte à la porte de son wagon.

Le général prince de la Moskowa, le comte Davilliers Regnauld de Saint-Jean-d'Angély, et les autres officiers français de service auprès du souverain d'Autriche et des archiducs sont montés dans le train pour accompagner Sa Majesté et Leurs Altesses Impériales jusqu'à la frontière.

Le train impérial a pris la direction de l'Est, en passant par Laon, Tergnier et Reims, où il a rejoint la grande ligne ; il est entré dans la gare de Strasbourg le 5 courant, à huit heures et demie du matin.

novembre. — L'Empereur François-Joseph a été reçu à la gare, sans appareil militaire, par le préfet du Bas-Rhin, le maire de Strasbourg et le général Ducros.

Au moment où Sa Majesté descendait de wagon, un employé du télégraphe s'approcha d'Elle pour lui remettre, de la part de l'Empereur Napoléon, une dépêche expédiée du château de Compiègne, dans laquelle l'Empereur des Français, en son propre nom et au nom de l'Impératrice, renouvelait à l'Empereur d'Autriche et à ses frères, dans les termes les plus cordiaux, leurs souhaits de bon voyage et l'assurance du souvenir profond que Leurs Majestés conserveront de la visite de leurs hôtes augustes.

L'Empereur François-Joseph, avant de quitter la gare, s'est empressé de répondre par le télégraphe combien Sa Majesté était touchée des marques d'affectueuse amitié dont elle avait été comblée par l'Empereur et l'Impératrice des Français pendant son séjour en France, et que, pour sa part, Elle emportait de son voyage un impérissable souvenir.

Après avoir déjeuné à l'hôtel de la Ville-de-Paris, Sa Majesté et ses frères sont allés visiter la cathédrale.

Mgr l'évêque, à la tête de tout le chapitre et du clergé, a reçu l'Empereur sous le grand portail, lui a présenté l'eau bénite, et lui a adressé en allemand une allocution, dans laquelle il a rappelé ce que doit la cathédrale de Strasbourg à un des ancêtres des Habsbourgs, et les traditions historiques de la famille impériale d'Autriche, qui font de la couronne qu'elle porte le soutien ferme et constant de la couronne d'épines et de la tiare.

On a remarqué l'attention empreinte de déférence avec laquelle l'Empereur François-Joseph a écouté les paroles du prélat.

Sa Majesté a visité ensuite l'édifice, conduite par Monseigneur. Elle s'est arrêtée devant la chaire, puis est montée au chœur où un prie-Dieu avait été préparé. François-Joseph s'est agenouillé pendant quelques minutes ; ensuite il est descendu par un escalier latéral pour voir l'horloge astronomique. Après une visite d'environ un quart d'heure à la cathédrale, Sa Majesté, toujours accompagnée de Monseigneur et du clergé, s'est dirigée de nouveau vers l'entrée pour remonter en voiture.

Il était un peu moins de dix heures quand l'Empereur est sorti par le grand portail : une foule très compacte a accompagné les augustes voyageurs jusqu'à la sortie de la ville à la porte d'Austerlitz, que les voitures ont gagnée au trot pour conduire l'Empereur, ses frères et leur suite à la gare de Kehl. C'est là que M. le prince de Metternich et les officiers de la cour des Tuileries attachés à la personne de l'Empereur et à celles des archiducs pendant leur séjour en France ont pris congé de Sa Majesté et de Leurs Altesses Impériales.

L'Empereur François-Joseph a de nouveau chargé son ambassadeur d'être l'interprète auprès de l'Empereur et de l'Impératrice des Français de ses sentiments d'ineffaçable gratitude pour leur cordiale hospitalité, et a remercié en même temps les officiers de la cour des soins empressés dont Sa Majesté et ses frères ont été l'objet de leur part.

L'Empereur d'Autriche paraissait visiblement ému en quittant la France, que, suivant ses propres expressions, Sa Majesté, après avoir pu l'admirer de près, a appris à aimer.

Avant de quitter Paris, l'Empereur François-Joseph a voulu y laisser des traces de son voyage.

Il a mis à la disposition de M. le baron Haussmann, préfet de la Seine, pour être répartie entre les pauvres des arrondissements de la capitale, une somme de 40,000 francs, auxquels s'adjoignent 10,000 francs pour les secours délivrés par l'ambassade. Il a donné en outre 50,000 francs aux domestiques attachés à sa personne durant son séjour à l'Elysée.

*
*        *

Ayant, le 5 courant, quitté la gare de Kehl à 10 h., l'Empereur d'Autriche est arrivé 2 h. après à Carlruhe, où, au débarcadère, il a été reçu par le grand duc régnant de Bade. Des carrosses de la cour ont conduit Sa Majesté, ses frères et leur suite au château grand ducal, où étaient réunies les membres de la famille de Son Altesse Royale, avec lesquels l'Empereur a déjeuné.

A une heure et demie, reconduits à la gare par le grand duc, les augustes voyageurs sont partis pour Stuttgardt.

Le roi de Wurtemberg, désirant témoigner à l'Empereur d'Autriche sa reconnaissance de l'accueil cordial qu'a reçu dernièrement son auguste épouse à la cour de Vienne, avait prié Sa Majesté Apostolique de vouloir bien, à son retour de France, accepter l'hospitalité de la cour de Stuttgardt. L'Empereur François-Joseph , étant pressé par les exigences de la politique intérieure et extérieure de rentrer dans ses Etats, n'a pu disposer que de quelques heures pour les passer auprès du Roi et de la Reine de Wurtemberg.

Le convoi impérial est entré mardi à six heures moins le quart du soir dans la gare de Stuttgardt, où l'attendaient le Roi de Wurtemberg et les princes de sa maison. Sa Majesté Apostolique est montée immédiatement en voiture pour se rendre au château royal, situé dans le voisinage. Toute la population de la capitale s'était portée sur le passage du cortège impérial, saluant de ses acclamations les augustes voyageurs. La Reine Olga, entourée de sa cour, a reçu Sa Majesté Apostolique à la descente de voiture. Après les présentations d'usage, le dîner a été aussitôt servi. L'Empereur d'Autriche et ses frères, accompagnés du Roi et de la Reine de Wurtemberg, ont fait une courte apparition au théâtre de la cour, où en l'honneur de Sa Majesté Apostolique avait été organisée une représentation de gala.

L'Empereur François-Joseph est parti à neuf heures du soir pour Munich, où il se proposait de rendre visite au duc et à la duchesse Maximilien, parents de l'Impératrice Elizabeth.

De Munich l'Empereur doit se rendre directement à Vienne, où la population a préparé une ovation grandiose, qui aura lieu aujourd'hui jeudi. jour fixé pour la rentrée de l'Empereur dans sa capitale.

Le secrétaire de la rédaction : P. BOUTET.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le Ballet d'État de Bavière remonte le temps — La Sylphide de Filippo Taglioni comme en 1832

Créée au début des années 1830 par Filippo Taglioni, La Sylphide est, avec Giselle , l'un des jalons du ballet romantique. Les créateur...