Idalma, Pantano, Lindoro, Celindo Photos © Birgit Gufler / Innsbrucker Festwochen der alten Musik |
Bernardo Pasquini avait composé Idalma pour le carnaval de Rome en 1680. L'opéra avait alors remporté un beau succès et fut ensuite joué dans d'autres villes. Ensuite il tomba dans l'oubli comme une belle au bois dormant, qu'Alessandro De Marchi a voulu réveiller pour le plus grand bonheur des festivaliers des Festwoche der alten Musik d’Innsbruck. Il n'a plus été joué depuis 340 ans. Il peut être utile d’en connaître l’intrigue, fort alambiquée, puisque on pénètre en territoire inexploré. Le livret vient d’être publié par le festival en version originale avec une traduction en allemand. Un collector pour les amateurs d'opéras baroques.
Synopsis
Premier acte
Lindoro a délaissé Irène, sa bien-aimée romaine, pour se rendre à Naples, où il s'est épris d'une jeune fille de la haute noblesse, Idalma, et l'a épousée. Le mariage a eu lieu en secret car jamais le père d’Idalma n’aurait consenti à une mésalliance. Il emmène sxa jeune femme à Rome, mais s'en lasse bien vite et la quitte pour essayer de regagner le coeur d' Irène.
Alors qu’il est en train de chasser, Almiro, le frère d'Irène, trouve Idalma endormie dans la forêt et tombe aussitôt amoureux d'elle. Idalma repousse ses avances, son coeur fidèle veut rester fidèle à Lindoro. Lindoro est désespéré lorsqu'il apprend qu'Irène a entre-temps épousé son ami Celindo, mais cela ne l’arrête cependant pas dans ses tentatives de séduction. Irène apprend par Idalma que Lindoro l'a abandonnée ; elle est indignée et décide de les réconcilier. Dorillo, le page d’Irène, comprend mal son indignation et suppose qu'Irène elle-même s'est sentie trahie par Lindoro ; elle lui ordonne de lui amener l'infidèle.
Deuxième acte
Celindo a reçu une lettre de son frère lui demandant de venir à Naples car son honneur a été bafoué. Dorillo lui conseille de rester, car Irène serait la bien-aimée de Lindoro. En conversation avec Lindoro, Irène fait semblant de croire à ses serments d'amour et lui demande de tenir sa "promesse" (celle qu'il a faite à Idalmal). Idalma les espionne, pense qu'Irène n'est pas sincère et devient jalouse. Lorsqu'elle explique à Celindo qu'Irène est sa rivale, il promet de forcer Lindoro à lui rester fidèle, tandis qu'elle lui donne des instructions sur ce qu'il faut lui dire en son nom. Irène, qui a observé la scène de loin, est convaincue qu'Idalma aurait avoué son amour à Celindo.
Les deux femmes se déchaînent maintenant l'une contre l'autre. Almiro fait à nouveau la cour à Idalma et est rejeté une nouvelle fois. Irène envoie Dorillo pour qu’il attire Lindoro.
Imalda et Irene se sont réconciliées. Irène fait appel à la conscience de Lindoro. Idalma les espionne depuis une cachette. Lindoro s'enfuit lorsqu'il voit Celindo s'approcher avec un poignard ; il veut tuer Irène, mais cette dernière parvient à s'échapper. Idalma tente de ramener Celindo à la raison, Almiro lui vient en aide.
Troisième acte
Lindoro admet qu’il est volage. Son serviteur Pantano demande à Dorillo de lui permettre de parler à Irène- Le page s'avère corruptible. Pendant ce temps, non seulement Celindo, mais aussi Almiro sont convaincus de l'infidélité d'Irène, et ils veulent tous deux la tuer et réserver le même sort à Lindoro. Pantano dit à Irène que Lindoro veut fuir avec elle et l'attend devant la ville. Almiro les surprend et Pantano s'échappe. Idalma aspire à la mort. Almiro veut tuer Irène, mais se laisse distraire par Idalma, qui s’est évanouie ; sa sœur s'enfuit. Almiro et Celindo sont parvenus à faire Pantano prisonnier et le menacent de le forcer à trahir le plan d'évasion de Lindoro et le lieu de rendez-vous où il attend Irène. Dorillo presse Irène de fuir ; elle préférerait mourir, mais se laisse finalement convaincre de prendre la fuite. Lindoro est surpris par Celindo et Almiro dans la forêt ; ils veulent le tuer, mais Idalma s'y oppose. Lindoro regrette de l'avoir traitée si cruellement. Idalma insiste sur le fait qu'Irène n'a parlé à Lindoro que dans son intérêt. Comme Celindo ne veut pas la croire, elle mentionne le nom de son père : elle est la fille de Rosmondo de Valenza, qui n’est autre que … le frère de Celindo. Son oncle pense qu'elle a entaché l'honneur de la famille, mais Lindoro avoue qu'Idalma est sa femme. Celindo est maintenant convaincu de l'innocence de son épouse. Lorsqu'elle se présente avec Dorillo, il se réconcilie avec elle, ainsi qu'avec Lindoro. L’opéra se termine sur un dicton : la vince chi dura ( "celui qui persiste, gagne".) La réconciliation est générale, le sang n'a heureusement pas été versé. Les couples sont réunis.
Compte-rendu de la représentation du 8 août
Si, comme on a pu le lire plus haut, le livret est plutôt alambiqué, l'action est pleine de rebondissements qui provoquent à chaque fois des émotions redoublées, ce qui correspond bien à la profusion du baroque. Le finale, avec la ficelle de la reconnaissance, est peu crédible : Idalma avoue sa véritable identité et se trouve être la nièce de Celindo, un oncle dont elle semblait ignorer jusqu'à l'existence. Le personnage de Lindoro, au profil de joli coeur donjuanesque, n'est en fait qu'un coureur de jupons qui devient très poltron, dès qu'il se voit menacé par la pointe d'une dague ou d'une épée. Son soudain revirement et sa promesse de fidélité laissent perplexes. La double méprise des deux héroïnes qui les fait soudainement passer d' une amitié sincère à une rivalité jalouse n'est pas plus vraisemblable. Mais cet opéra est surtout un divertissement, et on s'amuse beaucoup des passions débridées des protagonistes, pimentées d'une pincée d'érotisme, des embrouilles et des malentendus permanents. Le comique de situation est constant, qui contraste à tout moment avec le sérieux, la fidélité et l'amour inébranlables du rôle-titre, autant de vertus qui se voient en fin de compte récompensées
Il faut toute l'habileté d'une excellente mise en scène pour faire face à une telle complexité et à l'exacerbation des affects. L'exquise composition de Pasquini y aide aussi. Comme on pouvait s'y attendre chez ce célèbre organiste et claviériste, c'est le clavecin qui sert de fil conducteur à l'ensemble de la partition et qui organise avec clarté le voyage musical des spectateurs. C'est à Alessandro De Marchi, qui dirigeait la deuxième représentation le soir de son anniversaire, que l'on doit d'avoir rendu l'esprit musical et la légèreté très divertissante de ce bel opéra de carnaval.
La metteure en scène Alessandra Premoli a eu l'ingénieuse idée de mettre en parallèle et de faire se rencontrer deux époques en ajoutant un cadre contemporain à l'action du livret. Toute l'action se déroule dans le décor unique d'une villa romaine de la fin du 17ème siècle en cours de restauration: les meubles d'époque ont été recouverts de plastiques de protection, les tableaux décrochés envoyés chez le restaurateur, un buste de marbre doit lui aussi être réparé. Des ouvriers casqués circulent sur le chantier où se passent des choses étranges. La villa semble hantée et on se rendra bientôt compte que sous les draps fantomatiques circulent les personnages d'Idalma. Ces deux mondes interfèrent ici et là. Ainsi une épée déconnectera l'électricité à peine installée, la restauratrice architecte retrouvera un plan qu'elle croyait égaré déchiré en mille morceaux , quand elle veut allumer une cigarette, un des personnages s'amuse à souffler sa flamme... Dorillo trouve un téléphone portable et s'en sert comme d'un miroir, ou est-ce pour se faire un selfie ? La restauration évolue au cours de l'action et la villa est prête à recevoir ses propriétaires à la fin de l'acte 3. Des caisses de déménagement ont été déballées, des meubles installés, la statue brisée a été recollée, tout a été nettoyé et la restauratrice se montre satisfaite des travaux. À la fin de l'opéra, les tableaux reviennent dans leurs encadrements : ce sont les personnages d'Idalma qui y sont représentés. Les décors progressivement dépoussiérés de Nathalie Deana rendent parfaitement l'ambiance d'une villa patricienne du 17ème siècle, avec des jeux ingénieux de panneaux mobiles qui se voient installés lorsque, par exemple, l'action se déroule à la campagne. Les costumes très réussis d'Anna Missaglia participent de la même exactitude historique.
Sans doute faut-il connaître les conditions particulières de l'édition 2021 du festival d'Innsbruck. Un grand opéra baroque ouvre traditionnellement le festival dans le Tiroler Landestheater (Théâtre du Land du Tyrol) dont l'ancêtre fut construit au même endroit en 1654. Mais voilà ! ce théâtre est en cours de restauration et le festival se déroule cette année en d'autres lieux, dont la récente Maison de la Musique (Haus der Musik) construite tout à côté du Landestheater, qui accueille les représentations d'[i]Idalma[/i]. Ces conditions de travail difficiles ont sans doute inspiré Alessandra Premoli, qui a installé des couloirs du temps dans sa mise en scène d'Idalma, une oeuvre elle aussi littéralement ressuscitée par Alessandro De Marchi et dont le livret évoque aussi la reconstruction d'un amour.
Les chanteuses et les chanteurs sont tous des spécialistes du chant baroque et, pour beaucoup, sont lauréats du Concours Cesti organisé chaque année dans le cadre du Festival d'Innsbruck. Le rôle-titre est brillamment interprété par Arianna Vendittelli, qui a au fil de ces quelques dernières années conquis le coeur et l'oreille de tous les festivaliers au point de devenir la coqueluche du public. La soprano détaille la complexe palette des émotions d'Idalma au fil de brillantes arias d'une expressivité souvent confondante, particulièrement dans les grands airs des deuxièmes et troisièmes actes. Sa voix, dont on connaissait la souplesse et l'agilité, la légèreté enchanteresse dans l'aigu, nous a paru avoir gagné en profondeur et en intensité dramatiques, ce qui convient bien au seul personnage véritablement tragique de l'opéra, une femme qui reste constante et résolue dans la pire adversité. Ses grands moments de fureur font monter l'intensité lumineuse des candélabres, c'est dire ! L'Irene de Margherita Maria Sala est tout aussi confondante de beauté et de puissance vocales, avec une articulation sans faille, une voix bien projetée, et une très forte présence et une belle vivacité d'interprétation scénique. La contralto avait remporté le premier prix ainsi que le prix du public du Concours Cesti 2020. Un grand talent qui combine les raffinements de l'élégance aux intensités de l'expression de la passion, et que nous avons eu la joie de découvrir cette année. Le troisième rôle féminin est en pantalon, Dorillo est chanté avec une pétulance incisive par la soprano Anita Rosati. Rupert Charlesworth interprète le personnage sans envergure de Lindoro, un rôle difficile pour un ténor puisqu'il s'agit de jouer les malhonnêtes et les poltrons. Le ténor, connu pour sa "technique et sa musicalité impressionnantes", joue finement sa partie et s'en tire avec les honneurs. Le sémillant Sévillan Juan Sancho campe un superbe Celindo avec une fierté et une prestance tout andalouses. Le baryton Morgan Pearse, premier prix du Concours Cesti 2017, parvient à rendre la dignité et la grandeur d'âme un peu comiques du personnage d'Almiro, qui, amoureux éconduit, devra faire contre mauvaise fortune bon coeur. Enfin l'excellent Pantano de Rocco Cavalluzzi donne déjà une idée de la place prépondérante que prendront les serviteurs dans les opéras et les pièces de théâtre du 18ème siècle.
On passe une excellente soirée à Innsbruck avec cet opéra redécouvert, dont on apprend qu'il est considéré comme le point culminant de la production lyrique de Bernardo Pasquini et dont Alessandro De Marchi nous fait découvrir toute la richesse instrumentale. Bon anniversaire, Maestro !
Sur le prénom Idalma
Je ne connaissais pas ce prénom, mais en propose une étymologie fantaisiste, à partir du mot latin alma,
la forme féminine de l'adjectif latin almus dérivé du verbe alo, alere (« nourrir, élever, alimenter ») et signifierait donc « nourricière, bienfaisante, encourageante". Il y a de l'idée dans les deux premières lettres... Idalma serait-elle une femme bienfaisante idéale ?
la forme féminine de l'adjectif latin almus dérivé du verbe alo, alere (« nourrir, élever, alimenter ») et signifierait donc « nourricière, bienfaisante, encourageante". Il y a de l'idée dans les deux premières lettres... Idalma serait-elle une femme bienfaisante idéale ?
Réservations
Les 10 - 12 - 14 - 16 août 2021
Innsbrucker Festwochen der Alten Musik
Haus der Musik, Universitätstr,1 , Innsbruck.
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