mardi 27 décembre 2022

Un Rosenkavalier viennois avec une distribution luxueuse pour les fêtes de fin d'année

Sophie Vera-Lotte Boecker et Kate Lindsey

Le Rosenkavalier de l'Opéra d'État de Vienne dans la  mise en scène d'Otto Schenk, les décors de Rudolf Heinrich et les costumes d'Erni Kniepert fut pour la première fois représenté en 1968 et va bientôt connaître sa quatre centième représentation. Cette mise en scène qu'on n'a plus à présenter a surtout l'avantage d'être efficace et de coller au livret, elle séduit par son côté nostalgique et a cet aspect confortable des choses bien connues. On retrouve donc avec plaisir le luxe de la somptueuse chambre rococo olivâtre et marron glacé de la maréchale avec son lit à baldaquin de velours vert, son mobilier dix-huitième  et son magnifique plafond  en coquille, le palais Faninal plus pompeux avec ses grands escaliers et ses balustrades que décorent des putti bien dodus, et la sombre atmosphère de l'auberge misérable en sous-sol dans laquelle la fausse Mariandel donne rendez-vous au baron Ochs pour le confondre. On vient pour la musique de Strauss, pour l'orchestre et les interprètes, la distribution est aussi luxueuse que le décor et l'orchestre qui en 2019 fêtait la millième représentation viennoise du Chevalier à la Rose déploie les ors ciselés de la somptueuse musique de Strauss sous la direction précise, différenciée et toute en puissance de Philippe Jordan, dont on se souviendra qu'il avait donné en 2020 une nouvelle étude musicale de l'oeuvre, dont il fait briller les couleurs sans donner dans l'emphase.

La distribution a connu un changement de dernière minute pour le petit rôle du chanteur italien que devait interpréter rien moins que Juan Diego Flórez présent à Vienne pour la Fille du Régiment et qui la veille avait assuré le rôle de Tonio alors qu'il était déjà souffrant. Il a été magnifiquement remplacé par le jeune ténor Angel Romero, surtout actif sur les scènes américaines. Une voix dorée pour quatre minutes magiques. 

La Maréchale — Krassimira Stoyanova

Krassimira Stoyanova a dévoilé avec une science musicale accomplie la palette complexe des sentiments et des émotions de la Maréchale, une femme souveraine et magnanime qui domine sa souffrance en l'adoucissant avec une légèreté toute viennoise. Günther Groissböck donne une composition intéressante  du baron Ochs,  moins vulgaire et caricaturale que celle qu'on en présente d'habitude. On est loin des Ochs énormes et ventripotents : Groissböck lui prête sa carrure athlétique pour en faire un prédateur incorrigible à la lubricité hypersexuée auquel le frêle Octavian parviendra à tendre un piège efficace. Son intéressante interprétation lyrique qui donne davantage dans la nuance que dans l'effet facile apporte une nouvelle dimension au personnage. Ces deux chanteurs avaient déjà interprété leurs rôles de concert dans la production salzbourgeoise de 2014. Adrian Eröd, dont on a pu apprécier la veille l'excellent Sulpice, donne un Faninal convaincant. Le rôle titre du chevalier à la rose est interprété par Kate Lindsey qui avait déjà chanté Octavian à Glyndebourne en 2018. Son premier acte est un peu décevant, fort léger, parfois noyé par l'orchestre et forcé face à la puissance vocale de Krassimira Stoyanova. Kate Lindsey gagne ensuite en assurance et séduit par la fraîcheur de son interprétation.  Membre de la troupe de l'opéra, Vera-Lotte Boecker, que le magazine Opernwelt a consacrée comme chanteuse de l'année 2022 et qui a reçu cette même année le prix  autrichien de la musique dans la catégorie jeunes chanteurs, séduit d'emblée par son caractère juvénile, la puissance et la clarté de sa voix bien projetée, l'extrême qualité de son élocution et un remarquable jeu de scène. Une soirée passionnante et remplie d'émotions musicales, avec un final d'anthologie.

Baron Ochs auf Lerchenau — Günther Groissböck

Distribution de la représentation du 26 décembre 2022

Direction musicale Philippe Jordan
Mise en scène Otto Schenk
Décors Rudolf Heinrich
Costumes Erni Kniepert

La maréchale Krassimira Stoyanova
Baron Ochs auf Lerchenau Günther Groissböck
Octavian Kate Lindsey
Seigneur de Faninal Adrian Eröd
Sophie Vera-Lotte Boecker
Un chanteur Angel Romero
Leitmetzerin Régine Hangler
Valzacchi Thomas Ebenstein
Annina Monika Bohinec
Commissaire de police Wolfgang Bankl
Concierge chez Faninal Hiroshi Amako
Notaire Marcus Pelz
Modiste Miriam Kutrowatz
Hôte Daniel Jenz

Crédit photographique © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La Sylphide dans la version de Pierre Lacotte au Ballet d'État de Bavière — Quatrième partie

Maria Taglioni (1804-84) in  La Sylphide, Souvenir d'Adieu  (6 lithographies d'Alfred-Édouard Chalon, 1845) Nous poursuivons notre e...