Je me souviens de la gentillesse discrète et timide de Victorine qu'allait de sa campagne solitaire chercher mon père, une fois l'an, et qui venait s'asseoir au fauteuil confortable, restant tout à son bord, sans s'y appuyer, et tenant ses mains sur son sac crispées. Avant de m'en aller la rejoindre aux paradis incertains, j'ai voulu lui rendre un dernier hommage en lui disant, collage baudelairien, quelques vers, les moins cruels, des Petites vieilles.
Léocadie Victorine Creffier, née le 11 mars 1888 à Heverlee |
Les petites vieilles (collage)
Ces êtres singuliers, décrépits et charmants
Tout cassés qu'ils sont, ont des yeux perçants comme une vrille,
Luisants comme ces trous où l'eau dort dans la nuit ;
Ils ont les yeux divins de la petite fille
Qui s'étonne et qui rit à tout ce qui reluit.
Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes,
Des creusets qu'un métal refroidi pailleta...
Ces yeux mystérieux, stoïques et sans plaintes,
Parmi ces êtres frêles il en est qui, faisant de la douleur un miel
Ont dit au Dévouement qui leur prêtait ses ailes :
Mène-moi jusqu'au ciel !
À l'heure où le soleil tombant
Ensanglante le ciel de blessures vermeilles,
Pensive, s'asseyait à l'écart sur un banc
Son œil parfois s'ouvrait comme l'œil d'un vieil aigle.
Photos © Luc-Henri Roger
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire