vendredi 30 juin 2023

Pagodenburg (Park Nymphenburg) — Biblische Szenen aus Delfter Keramik / Scènes bibliques en carreaux de Delft

La dernière Cène

Laissez venir à moi les petits enfants

La Samaritaine

Les noces de Cana

L'Arche de Noé

La décollation de Saint Jean-Baptiste

La Visitation

La Joyeuse Entrée à Jérusalem

Le pavillon de Pagodenburg

mercredi 28 juin 2023

Mittenwald — Orchideen, Wollgras und andere Juni-Blumen / Orchidées, linaigrettes et autres fleurs de juin


 
















© Luc-Henri Roger


 

Hamlet de Brett Dean en ouverture du Festival d'Opéra de Munich. Shakespeare revisité.

Hamlet (Allan Clayton)

Comme chaque année, le tapis rouge a été déroulé pour la grande première d'ouverture du Festival d'Opéra de Munich. Pour l'édition 2023, c'est Hamlet du compositeur canadien Brett Dean qui a été choisi, l'opéra est présenté dans la version originale qui avait connu sa première le 11 juin 2017 au Festival de Glyndebourne. La production, mise en scène par Neil Armfield, avait été saluée par la presse internationale et reçu de nombreuses distinctions, dont des prix lors des South Bank Sky Arts Awards, des International Opera Awards, des RPS Music Awards et des Helpmann Awards. Le directeur musical de l'Orchestre de l'État de Bavière Vladimir Jurowski est au pupitre :  il  dispose pour cet opéra d'une expertise particulière puisqu'il était le directeur musical de Glyndebourne au moment où ce festival donna commission à Brett Dean de composer un opéra et qu'il avait en 2017 dirigé la création de Hamlet au célèbre Festival du Sussex anglais avec le London Philharmonic Orchestra et le Glyndebourne Chorus. Cinq des interprètes principaux reprennent de plus le rôle qu'ils avaient chanté à Glyndebourne, et pour les quatre premiers cités également lors de la reprise new-yorkaise au MET en 2022 : le rôle titre interprété par Allan Clayton, le Claudius de Rod Giltry, l'Horatio de Jacques Imbralio,  le Guildestern de Christopher Lowry et le fantôme/fossoyeur de John Tomlison. 

Le livret est dû à Matthew Jocelyn, qui l'a composé en collaboration avec le compositeur d'après la tragédie du début du 17e siècle Hamlet, Prince of Denmark de William Shakespeare. Si le contenu est étroitement lié à l'original en cinq actes,  de nombreuses modifications structurelles et dramaturgiques ont été apportées. Il est divisé en deux actes et un total de douze scènes, le premier acte  étant presque deux fois plus long que le second. Jocelyn a eu recours à des textes issus des trois versions originales disponibles de la tragédie (1603, 1604/05 et 1623) et a conservé la langue originale de Shakespeare. Il a essentiellement réduit l'intrigue à la vengeance d'Hamlet et à son union avec Ophélie. Dean et Jocelyn s'étaient rapidement rendu compte qu'ils ne pourraient conserver que 15 à 20 % du texte original et opté pour une réduction du drame à 12 scènes clés. Le librettiste a en outre réarrangé les paroles à certains endroits et les a parfois attribuées à d'autres personnages ou au chœur. Le premier exemple touche les premiers mots du monologue de Hamlet, "To be or not to be " dont il retranche les deux premiers mots dès la scène d'ouverture. Hamlet comme hébété balbutie de manière répétée "... or not to be " alors qu'il se lamente sur la tombe de son père. Ces quatre syllabes résonnent comme un glas funèbre et nous invitent à nous poser des questions sur notre propre existence. Et ce n'est que bien plus tard, lors de la scène du théâtre, qu'on entendra la phrase complète, mais prononcée par le premier acteur. Comme dans la pièce de Shakespeare le livret se termine avec la phrase lapidaire " The rest is silence ". D'autres phrases clés, comme "Something's rotten in the state of Denmark" et " The readiness is all ", sont également reprises par le livret.

La mise en abyme — Le théâtre dans le théâtre — Rod Gilfry en roi Claudius

Le metteur en scène australien de théâtre, de cinéma et d'opéra Neil Armfield avait déjà collaboré avec Brett Dean en 2010 pour la création de son premier opéra, Bliss. Il se dit fasciné par le Hamlet de Shakespeare, qu'il évoque comme sa pièce préférée entre toutes, une pièce qu'il avait déjà montée en 1994 à Sydney, avec Cate Blanchett dans le rôle d'Ophélie. De même que Shakespeare avait placé l'action dans un Danemark médiéval à une époque imprécise, l'opéra de Dean se déroule lui aussi à une date indéterminée. Si la grande salle de bal du château royal d'Elseneur évoque le 18ème siècle, elle se  fragmente  au fil de l'opéra, toutes les pièces du décor se retournant et se reconfigurant pour nous donner à voir un envers du décor avec des échafaudages contemporains et des penderies de vêtements qui donnent parfois l'impression de  se trouver dans les coulisses. Pour ses costumes très réussis, Alice Babidge s'est inspirée des silhouettes de la haute couture des années 1950. Les femmes portent d'élégantes robes à l'esthétique glamoureuse, les hommes sont en costume cravate. Le personnage d'Hamlet se démarque de ce luxe par la simplicité de ses frusques qui en font plus un paria qu'un prince héritier : T-shirt noir, caban noir, jeans et baskets. Le costume d'Ophélie se déchire et se dégrade, imageant la détérioration de son état psychique. La mise en scène nous plonge dans l'univers mental des personnages, un univers fantasmagorique, perfide et fou qu'elle explore en suivant la pensée et le cours des idées des protagonistes qui sont en dialogue avec eux-mêmes. 

Brett Dean a travaillé à son opéra entre 2013 et fin 2016 en composant une série d'études préparatoires, notamment son deuxième quatuor à cordes And once I played Ophelia (2014), From Melodious Lay - A Hamlet Diffraction pour soprano, ténor et orchestre (2016), Gertrude Fragments pour mezzo-soprano et guitare (2016), Rooms of Elsinore pour violon et piano (2016) et le concerto pour accordéon The Players (2016).  La partition complète ne fut prête que deux semaines avant les répétitions de 2017 à Glyndebourne. L'oeuvre nécessite un orchestre et des choeurs étendus : outre un orchestre d'opéra complet, la partition demande une importante section de percussions, des instruments électroniques et des effets sonores inhabituels, ainsi qu'un " semi-chœur ". Pour exprimer le foisonnement et l'inextricable salmigondis des pensées qui se pressent et se dispersent sans arrêt dans le cerveau, le compositeur a eu la brillante idée de concevoir en plus du grand choeur qui chante sur scène un petit choeur de huit chanteurs caché dans la fosse d'orchestre, qui agit comme une sorte d'écho sonore de l'action sur scène, s'emparant des idées et les amplifiant comme un bavardage ou les faisant résonner comme un bégaiement. C'est extraordinairement efficace pour exprimer les bruissements du mental, par exemple pour rendre les ravages de la douleur, la confusion mentale et la désagrégation de l'esprit d'Ophélie. Le petit chœur caché dans la fosse fait souvent office d'extension sonore du chœur ou des solistes : lorsque les solistes commencent un mot, le petit choeur, superbement interprété par le rheinstimmen ensemble, en reprend souvent la première syllabe qu'il multiplie en boucle, ce qui donne un effet halluciné. 

John Tomlison et Allan Clayton

Dans une interview recueillie par la dramaturge Laura Schmidt, Vladimir Jurowski a détaillé très précisément la composition de l'orchestre. En voici des extraits traduits :

" Dean travaille avec un corps sonore très étendu. Le son s'écoule de la fosse d'orchestre vers la salle. En outre, deux groupes de satellites sont placés à gauche et à droite de la fosse d'orchestre, ce qui crée un effet stéréo. Ces groupes ne sont pas visibles, mais ils sont audibles. Ils se composent chacun d'un clarinettiste, d'un trompettiste et d'un percussionniste, avec également l'utilisation de pierres. Ces pierres sont un moyen d'expression très puissant et produisent des effets sonores particuliers. Il s'agit de simples pierres que l'on trouve dans une rivière ou un jardin. Ces pierres sont frappées ensemble, ce qui produit un son qui semble venir d'outre-tombe. [...] Il y a un troisième niveau sonore qui est vraiment très mystique. les sons réels préenregistrés de la clarinette, de la harpe, du violoncelle et du tam-tam, qui sont transformés en sons électroniques. En outre, le chœur, enregistré et joué ensuite de manière électroniquement modifiée, est ensuite réenregistré. Ces sons, combinés aux sons réels, qui apparaissent comme des " sons d'ambiance " de l'orchestre et du chœur, sont souvent utilisés lors d'événements mystiques. [...]  En outre, certains chanteurs doivent non seulement chanter depuis la scène, mais aussi depuis  l'arrière de la scène ou dans la salle de spectacle. Il en résulte des paysages sonores qui sont extrêmement inhabituels pour des oreilles formées à la musique classique. [...] La musique n'est jamais une fin en soi, tout travaille à l'épanouissement d'une grande idée. C'est du vrai théâtre musical qu'a conçu le compositeur . "

Alors que Brett Dean  était encore en phase de composition, le Festival de Glyndebourne avait proposé le rôle d'Hamlet au ténor anglais Allan Clayton. Brett Dean avait pu l'entendre chanter au Komischer Oper de Berlin et connaissait bien sa voix. Il lui demanda de lire des soliloques et a ainsi pu tailler sa partition sur mesure pour ce rôle terriblement exigeant : la présence en scène d'Hamlet est quasi constante, dix scènes sur les douze que comporte l'opéra. Créateur du rôle, Clayton l'a ensuite repris l'an dernier à New York. Il l'interprète à Munich pour la troisième fois en six ans. Le jeu de scène de Clayton suscite la plus grande admiration : il rend avec une grande authenticité le personnage de ce fils de roi qui pour venger son père doit se transformer en acteur et simuler la folie, et dont on ne saura pas si dans son désespoir, dans sa solitude, il ne devient pas réellement fou et ne se détruit pas lui-même alors qu'il entraîne tant d'autres personnages dans la mort. L'expressivité nuancée du chant est bouleversante, Clayton rend avec un immense talent les noirceurs, les déchirures et la folie de son personnage et nous fait pénétrer au fin fond de l'univers terrible et halluciné de Hamlet.

Caroline Wettergreen (Ophélie) et Sophie Koch (Gertrude)

L'Ophélie de Caroline Wettergreen est tout aussi bouleversante. Son grand air de la folie au début de la seconde partie est d'anthologie, avec des aigus foudroyants. Le doyen de la production (76 ans), la basse wagnérienne britannique John Tomlison, interprète tant son fantôme que son fossoyeur avec une présence en scène qui crève les planches. C'est lui à qui revient l'honneur de prononcer le " To be or not to be" en premier acteur de la pièce de théâtre que viennent jouer les comédiens à la cour de Claudius. Sophie Koch chante avec finesse et retenue une reine Gertrude qui ne semble pas au courant des noirceurs de son second mari ou qui tout au moins préfère les ignorer. Rod Gilfry rend bien la vanité et la fatuité de Claudius, le roi criminel, de son baryton un peu terne le soir de la première. Charles Workman donne un grand relief au personnage de Polonius avec son Heldentenor éclatant. Sean Panikkar chante un Laertes impressionnant, une des plus belles interprétations de la soirée. L'humour est au rendez-vous avec les deux contre-ténors Patrick Terry et Christopher Lowrey qui robotisent à merveille l'obséquiosité rampante et vénéneuse de Rosencranz et Guildenstern, avec un chant qui apporte à l'opéra une touche élisabéthaine.

La caractérisation musicale prononcée des personnages rencontre parfaitement les choix du librettiste. Même si la réception de l'oeuvre est au départ un peu ardue en raison de la nouveauté du propos musical, on est très vite séduit par la richesse inventive et la profondeur de l'opéra de Brett Dean, qui pourrait bien rentrer dans les annales comme un chef d'oeuvre de la musique du 21ème siècle.

Le compositeur Brett Dean aux salutations

Distribution

Direction musicale Vladimir Jurowski
Mise en scène Neil Armfield
Décors Ralph Myers
Costumes Alice Babidge
Lumières Jon Clark
Chœur Rustam Samedov
Chorégraphie Denni Sayers
Scène d'escrime Nicholas Hall
Dramaturgie Laura Schmidt

Hamlet Allan Clayton
Ophélie Caroline Wettergreen
Claudius Rod Gilfry
Gertrude Sophie Koch
Polonius Charles Workman
Horatio Jacques Imbrailo
Fantôme/fossoyeur/1er acteur John Tomlinson (qui a interprété ces rôles à Glynderbourne)
Laertes Sean Panikkar
Rosenkranz Patrick Terry
Guildenstern Christopher Lowrey
Marcellus / 4e Acteur Andrew Hamilton
2e Acteur Liam Bonthrone
3e Acteur Joel Williams
Accordéoniste James Crabb

Semi choeur rheinstimmen ensemble Ursula Göller Julia Hagenmüller Phillipa Thomas Eva MartiIlja Aksionov Gabriel SinWilliam Drakett George Clark

Orchestre de l'État de Bavière
Chœur de l'Opéra de Bavière

Prochaines représentations les 1, 5, 9 et 12 juillet. Places disponibles.

Crédit photographique © Wilfried Hösl

lundi 26 juin 2023

Belles caricatures wagnériennes — Un dessin vénitien inédit de Ferdinand Bac (1879)

Suite à une récente publication de caricatures wagnériennes dues au talent de Ferdinand Bac, nous avons été contacté par M. François Ceccaldi qui a bien voulu nous communiquer une photographie d'une étonnante caricature vénitienne de Richard Wagner datant de 1879. Le jeune Ferdinand Bac (né en 1859, il a alors 19 ou 20 ans) avait été présenté au Maître qui avait bien voulu le recevoir dans ses appartements de l'entresol du Palais Vendramin. Malheureusement pour le jeune homme, la rencontre avait vite tourné court, un couturier était venu présenter des chemises en soie au compositeur et l'intérêt de Wagner s'était porté sur une commande d'une vingtaine (!) de chemises... Wagner avait cependant eu le temps d'enjoindre Ferdinand Bac à quitter Venise : " Quittez au plus vite cette ville. Elle est la récompense de toute une vie d'effort et de travail. "

Il en est resté des dessins et des caricatures, dont ce magnifique dessin, en collection privée, qui est aussi intéressant pour le rendu de la veste d'intérieur portée par Richard Wagner. 

Reproduction interdite @ collection privée
Présenté ici avec l'aimable autorisation du collectionneur. 


 

Sphären.01 — Nouvelles Sphères chorégraphiques au Festival d'été munichois 2023

 Nouvelles Sphères au Festival d'été munichois 2023

C'est une première de ballet mixte qui a ouvert le Festival d'opéra de Munich 2023. Avec Sphären.01 (Sphères), le directeur du Bayerisches Staatsballett Laurent Hilaire a programmé pour trois soirées au Prinzregententheater une nouvelle série mettant en valeur le travail d'un chorégraphe renommé à qui fut confiée la tâche d'inviter trois jeunes chorégraphes dont il apprécie le travail : ainsi cette année Marco Goecke a-t-il convié Fran Diaz, Nicolas Paul et Marion Motin. 

L'objectif de ce nouveau concept est de mettre en évidence des liens au sein d'une " sphère " chorégraphique et de découvrir ainsi les éléments possibles d'un langage de la danse du futur.  Outre les deux créations, The Habit de Fran Diaz  et L'Éternité immobile de Nicolas Paul, on a pu voir cet été la reprise de deux  œuvres existantes, qui ont ouvert et clôturé la soirée. All Long dem Day de Marco Goecke et la première partie  du Grand Sot de Marion Moin, dansée sur le Boléro de Maurice Ravel.

Les Sphères de la saison prochaine sont déjà annoncées : l'édition de l'été 2024 sera organisée par Angelin Preljocaj.

MARCO GOECKE : "ALL LONG DEM DAY" (TOUT LE LONG DE LA JOURNÉE)

Soren Sakadales

L'une des principales préoccupations du directeur du ballet bavarois Laurent Hilaire est d'intensifier la collaboration avec les institutions de formation munichoises. C'est dans ce but qu'il a intégré au programme All Long Dem Day, une œuvre de Marco Goecke destinée à la jeune génération, qui avait été créée en 2015 pour la Staatliche Ballettschule Berlin (École de Ballet d'État de Berlin). À Munich, elle est interprétée par les jeunes membres extrêmement talentueux du Bayerisches Junior Ballet, qui il y a peu ont fait un véritable triomphe sur la scène du Théâtre du Prince Régent avec Le ballet triadique. C'est le maître de ballet Fabio Polombo. qui leur a fait répéter la chorégraphie, dont le titre est tiré des paroles de la célèbre chanson Sinnerman de Nina Simone,

Marco Goecke ne s'est pas intéressé à toute la chanson, mais, laissant s'exprimer sa sensibilité, en a développé quelques lignes, parce qu'elles le touchent. Il en a surtout écouté le beat, le rythme et la  façon dont la chanson monte en puissance et  y a rencontré une structure de danse, appréciant la grande cohérence, la simplicité et la sobriété de la musique de Nina Simone, une musique qui a été d'ailleurs créée à partir de la danse. Le chorégraphe invite ses danseurs et danseuses à se sentir aussi libres et sauvages que possible sur — pour reprendre ses termes —  " ce lieu mystérieux et royal " qu'est la scène, sur lequel la lumière et la musique créent quelque chose de magique. " Beaucoup de morceaux, dit-il, si on les regardait à la lumière du jour, n'auraient aucune signification. " Le jeu des lumières scéniques constitue aux yeux de Marco Goecke, dont l'art a beaucoup à voir avec la dualité obscurité/lumière, un moyen incroyable d'approfondir un événement. 

Le langage chorégraphique de Marco Goecke est entièrement indépendant de la technique classique. Le chorégraphe poursuit sa quête artistique sans compromis. Il confronte le public à des groupes de mouvements frénétiques et chargés d'électricité, avec une imagerie complexe qui séduit par l'unicité de sa gouvernance interne, faisant peut-être allusion à un aspect plus sombre et plus tacite de notre nature humaine commune.

La chanson Sinnerman créée par Nina Simone en 1956 est à l'origine une chanson spirituelle afro-américaine traditionnelle inspirée du livre de l'Exode, dont les paroles décrivent un pécheur ("a sinner") qui tente de se cacher pour échapper à la justice divine au jour du Jugement dernier. Simone choisissait souvent cette chanson pour clore les premiers spectacles qu'elle a donnés dans le Greenwich Village de New York : " Je veux tellement secouer les gens que lorsqu'ils quittent une boîte de nuit où je me suis produite, je veux qu'ils soient en morceaux ", affirmait-elle. De ce chant-prière mettant en scène un pécheur implorant le salut au jour du jugement, Nina Simone a fait un chant rebelle. Un hymne où son génie et sa colère se mêlent pour faire éclore un espace de contestation, de résistance, voire de subversion. Elle a déconstruit le propos initial de la chanson ainsi que la ligne mélodique, leur imposant une métamorphose progressive au fur et à mesure des bonnes dix minutes que dure la chanson, marquant ainsi une rupture avec cette société où elle ne trouve pas sa juste place. Au pardon espéré, elle préfère un combat énergique au service duquel elle met toute sa virtuosité.

Associant les appels au pardon de Simone face à la transgression aux fragments de mouvements explosifs de Goecke, l'implacabilité d'All Long Dem Day nous rappelle que le changement est non seulement important mais nécessaire pour réparer les liens sociaux, moraux et politiques qui s'étiolent avec le passage du temps.

Les danseuses et danseurs du Bayerisches Junior Ballett ont fourni un travail d'une perfection  inouïe saluée par l'énorme ovation d'un public unanimement enthousiaste. 

NICOLAS PAUL : "L'ÉTERNITÉ IMMOBILE"

Ella Ibraimova

" Le temps est l'image mobile de l'éternité immobile ". L'aphorisme inspiré du Timée de Platon se retrouve dans la création du Français Nicolas Paul qui se penche sur la perception du temps. Pour le chorégraphe, de même qu'un tableau a besoin d'une toile, l'action dansée dépend de l'écoulement du temps. L'expérience et la perception du temps sont toutefois subjectives et s'opposent souvent à la compréhension physique et théorique du temps. Partant de cette opposition, Nicolas Paul crée des tableaux dansés dans lesquels s'exprime la tension entre l'éternité et l'instant.

Au départ de L'Éternité immobile, les huit danseurs sont immobiles et silencieux devant un grand écran blanc qui occupe le fond de scène. Une danseuse, Elvina Ibraimova exécute bientôt un mouvement que l'on retrouvera repris à plusieurs reprises par d'autres danseurs. Son ombre portée est démultipliée sur l'écran, premier modèle de mouvement visible. Puis de même les ombres des sept autres danseurs qui se sont mis en mouvement se voient elles aussi multipliées sur l'écran, d'abord en facteur cinq. Mais bientôt on s'aperçoit que la réalité n'est pas si simple. Certaines ombres se mettent à devenir autonomes et on comprend bientôt que le jeu des ombres portées rencontre un théâtre d'ombres chinois produit par des danseurs et danseuses se produisant de l'autre côté de l'écran. Il y a un ici et un au-delà situé derrière l'écran. Parfois un passage se crée parce qu'une ombre de l'ici est produite par un mouvement que reproduit en inversion un danseur ou une danseuse de l'au-delà de l'écran. Les mouvements sont lents, comme contemplatifs, ils sont dansés sur The Hidden Face. une composition de John Tavener  pour contre-ténor, hautbois et cordes. Le spectacle de danse et des jeux d'ombres se termine de manière ouroborique :  les sept danseurs et danseuses s'écartent lentement et la danseuse exécute de l'autre côté de la toile son mouvement dans le silence.

Le chorégraphe se fait philosophe. Il pose diverses questions sur le temps, qui est un terme aux multiples acceptions et qui ne se peut définir que dans un contexte. Le temps est-il une variable théorique ? Est-il une distorsion cognitive ? Une illusion ? Dans une salle de spectacle, plusieurs temporalités se rencontrent : celle des danseurs qui est différente de celle ses spectateurs, des temporalités qui sont définies par les codes propres au spectacle.

La danse a une relation très particulière avec notre expérience sensorielle du temps. La perception du spectacle permet-elle parfois de traverser le temps et d'arriver un instant à la contemplation de l'éternité immobile ?

FRAN DIAZ : "THE HABIT"

La nostalgie d'un soutien en temps de crise — c'est autour de ce thème que tourne la chorégraphie de Fran Diaz, que l'Espagnol vivant en Allemagne, ancien danseur de Goecke, développe avec huit danseuses et danseurs. Le titre The Habit est à la fois une allusion à la force de l'habitude et à un habit de prêtre. Les questions générales de foi jouent également un rôle central dans cette œuvre. Les différentes séquences développent une ambiance surréaliste, presque psychédélique, qui plonge le public dans une sorte de rêve fiévreux.

Se percevant comme un être assez émotif, Fran Diaz avoue préférer cependant une approche plus " froide " de la chorégraphie, qui se concentre davantage sur les aspects techniques comme la composition, l'exécution ou le timing. Il se dit à la fois attiré par la virtuosité et le savoir-faire artisanal. Il évoque l'influence qu'a exercé sur son travail William Forsythe et le Dutch National Ballet, se souvenant avoir découvert grâce à eux tant le fait que le vocabulaire chorégraphique n'a pas besoin de remplir un objectif narratif que l'intérêt d'une approche assez minimaliste de la mise en scène. De Marco Goecke il dit apprécier la profondeur émotionnelle qui s'infiltre dans chaque aspect d'un vocabulaire chorégraphique hautement virtuose et parfaitement bien calibré. Fran Diaz travaille en collaboration avec Manuel Cornelius pour les décors, un artiste plasticien qui se concentre principalement sur la sculpture et les installations et qui a certainement eu une grande influence sur la façon dont il a trouvé sa voie en tant qu'artiste.

Pour The Habit, Fran Diaz et Manuel Cornelius ont placé un anneau de métal d'environ 5 mètres de circonférence au centre de l'espace scénique, au départ duquel partent en oblique une série de courts tubes métalliques  à la fonction non définie. L'anneau descendu des cintres où le maintient un filin d'acier est au départ abaissé à hauteur du corps. Au cours de la chorégraphie, il est tiré vers le haut et, lors d'un moment festif, il recevra une série de fils rouges qu'a propulsés dans les airs un tir de canon de foire. 

The Habit (L'habitude/L'habit) est une œuvre abstraite, qui trouve son origine dans un film du réalisateur danois Karl Theodor Dreyer, en particulier dans son dernier film, Ordet (La parole), réalisé en 1955, un drame sur les temps de crise qui explore la foi, un thème qui passionne le chorégraphe. Un autre film, le documentaire Essene de  Frederik Wiseman, réalisé en 1974, a également interpellé Fran Diaz : il décrit la vie quotidienne dans un monastère bénédictin et explore le conflit entre les besoins personnels des moines et les exigences de la communauté. Il pose le problème de la difficulté de trouver un équilibre entre l'individu et le collectif, un problème similaire que rencontre le chorégraphe dans l'environnement structuré des institutions de danse.  Dans The Habit Diaz a tenté d'approcher la forme de la liturgie en tant qu'expérience esthétique et son lien avec l'art de la performance et le théâtre. Voici ce qu'en dit Fran Diaz : " La liturgie consiste en un arrangement complet, une expérience multisensorielle qui comprend de la musique, des mots parlés, l'odeur, le goût et une conception visuelle impressionnante qui englobe la forme. Cette forme n'est en fait pas si différente de l'expérience d'être assis dans un théâtre. Lorsque je suis en contact avec l'art, je souhaite toujours que l'expérience soit aussi transcendante qu'un rituel religieux l'est pour d'autres personnes.

La musique  provient d'un travail commun de  Ben Vince et de Cuba Povera qui ont collaboré pour deux morceaux qui se caractérisent par un caractère plutôt flou et hors du monde, en utilisant d'une part des enregistrements réalisés en pleine nature, et d'autre part en intégrant des boucles vocales rêveuses. Il en résulte une atmosphère musicale qui se situe quelque part entre le free jazz expérimental et la musique liturgique, sur laquelle le chorégraphe s'est exprimé : " Certains des morceaux ont un ton subtilement ecclésiastique et ensemble, ils font naître cette sensation troublante, psychédélique, surréaliste et fantomatique, presque comme un rêve fiévreux. Je trouve qu'elles ont la capacité de créer des connotations de foi. ", 

Le vocabulaire de mouvements de Fran Diaz se caractérise  par un style clinique et une exécution rapide, marqué par des influences diverses : des réminiscences de hip-hop, une dynamique rapide des pieds, le travail au sol ou l'utilisation de mouvements staccato, ce qui peut être identifié avec le travail de Marco Goecke.

MARION MOTIN : "LE GRAND SOT"

La Française Marion Motin a été formée à la danse classique et contemporaine et a également intégré le hip-hop dans son langage chorégraphique. Ses premiers projets ont été réalisés pour Madonna, le rappeur Stromae, le créateur de mode Jean-Paul Gaultier ou le ballet de l'Opéra de Paris. En 2020, elle a créé Le Grand Sot lors d'un lockdown Corona sur un stand en Normandie. On a pu en voir la scène initiale du Boléro de Maurice Ravel, une fascinante chorégraphie de groupe pour 16 danseurs, dont la transe et la frénésie pourraient se prolonger à l'infini, n'étaient les limites des capacités humaines des danseuses et danseurs que l'intensité de la chorégraphie semble mener au bord de l'épuisement.

Sur scène, un groupe de sportifs — une sorte de microsociété autonome — se bat avec l'esprit d'équipe, l'ambition personnelle et l'échec, l'ambition, le dépassement de soi et l'échec sous le prétexte d'une compétition qui mène inéluctablement au naufrage, un thriller chorégraphique inspiré par la gestuelle des sports nautiques. L'humour et une ironie aussi amusante que mordante sont au rendez-vous de la chorégraphie qui met en scène des danseurs et danseuses divisés en en deux groupes qui se font face de part et d'autre de la scène. Ils sont habillés de vêtements de sport aux couleurs flashy et portent tous des lunettes de sport noires. Le spectacle commence avec le plus beau jeu de fesses de l'histoire de la danse. Une danseuse au dos nu et d'une musculature parfaite, les bras tendus,  présente une paire de fesses magnifiques qui se mettent à exécuter des mouvements  alternés de gauche à droite comme si elles étaient indépendantes du reste du corps dont aucun muscle ne bouge ne fût-ce que d'un fifrelin. Hallucinant et hilarant. Elle est ensuite rejointe par les autres danseurs qui répètent le mouvement mais sans qu'aucun ne parvienne à la perfection magistrale de la première danseuse. Ce sont bientôt seize culs qui se balancent sous les yeux d'un public au comble de l'amusement.

Marion Motin s'écarte résolument des codes traditionnels de la danse, une  attitude qu'elle avait déjà  exprimée dans une note qu'elle avait écrite pour le programme de la première série de représentations du Grand Sot en France :

" Savoir écouter un groupe, savoir s'écouter soi-même et savoir écouter l'environnement. C'est un thème récurrent dans mes spectacles, car la vie me semble être une question d'équilibre. L'évidence de la nature et la complexité de l'être humain sont mes principales sources d'inspiration. La mer, l'eau posent le cadre de la pièce, comme un élément devant lequel nous devons rester humbles et qui peut se retourner contre nous à tout moment. J'ai choisi des danseurs aux personnalités très marquées. Ils sont prêts à s'unir, mais aussi à se déchirer. Dans Le Grand Sot, nous choisissons de danser. Danser pour ressentir, danser, pour transmettre, danser pour éliminer, danser pour transcender. Alors, dansons !"

Les troupes du Ballet de l'État de Bavière et du Ballet junior de Bavière ont fait passer au public une soirée absolument fabuleuse et furent saluées par des applaudissements et une ovation délirantes.

Distribution

Ensemble du Ballet de l'État de Bavière
Ballet junior de Bavière Munich

THE HABIT

Chorégraphie Fran Diaz
Musique Cucina Povera et Ben Vince
Décors Fran Diaz et Manuel Cornelius
Costumes Fran Diaz
Lumières Christian Kass
Avec Carollina Bastos Dani Gibson Marta Navarrete Villalba Phoebe Schembri António Casalinho Robin Strona Rafael Vedra Shale Wagman

LE GRAND SOT

Chorégraphie, scène, costumes Marion Motin
Musique Maurice Ravel
Lumières Judith Leray et Marion Motin
Production Caroline Bouquet
Avec Maria Chiara Bono Sinéad Bunn Rhiannon Fairless Jasmine Henry Mariia Malinina Elisa Mestres Chelsea Thronson Anastasiia Uzhanskaia Margaret Whyte Konstantin Ivkin Nikita Kirbitov Vladislav Kozlov Sava Milojević Florian Ulrich Sollfrank

L'ÉTERNITÉ IMMOBILE

Chorégraphie, scène, costumes Nicolas Paul
Musique John Tavener
Lumières Christian Kass
Avec Madeleine Dowdney Elvina Ibraimova Eline Larrory Bianca Teixeira Severin Brunhuber Matteo Dilaghi Andrea Marino Ariel Merkuri

ALL LONG DEM DAY

Chorégraphie, scène, costumes Marco Goecke
Musique Nina Simone
Lumières Udo Haberland
Production Fabio Palombo
Avec Aleksandra Abrashina Chiara Bacci Lara Bircak Marina Mata Gómez Maxine Morales Jamie Constance Samuel López Legaspi Auguste Marmus Luca Massara Lorien Ramo Ruiz Tyler Robinson Soren Sakadales

Crédit photographique © Nicholas MacKay

dimanche 25 juin 2023

Aphorismes et paradoxes du Roi Louis II de Bavière rapportées par l'Impératrice Elisabeth d'Autriche (1)

Henri Heine

Ferdinand Bac relate avoir rencontré à diverses reprises l'Impératrice Elisabeth d'Autriche qui lui communiqua " certains aphorismes et paradoxes de son cousin le Roi Louis II de Bavière ".

Premier aphorisme du Roi Louis II:

Un des mots que j'apprécie le plus du poète Heine, c'est celui par lequel il désigne les foules des villes d'eau et de tous les endroits où il y a quelque chose de vulgaire à contempler (etwas los ist), c' est le mot: "Universalbrechmittel" (Vomitif universel)

(A suivre)

vendredi 23 juin 2023

Ausstellung ToleranzRäumen auf der Max-Josephplatz in München / Expo Espaces de Tolérance sur la place Max-Joseph face à l'Opéra de Munich

[DE] Über das Projekt

Das NS-Dokumentationszentrum München zeigt im Juli (7 bis 16) gemeinsam mit ausArten – Perspektivwechsel durch Kunst ToleranzRäume, eine temporäre Ausstellung im öffentlichen Raum von Toleranz-Tunnel e.V. Die Präsentation auf dem Max-Joseph-Platz, im Zentrum der Münchner Innenstadt, möchte alle Besucher*innen unabhängig von Alter und Herkunft anregen, über Fragen wie „Was ist Toleranz?“, „Wie begegne ich meinem Gegenüber mit Respekt?“, „Wie können wir Konflikte gewaltfrei aushandeln?“ aber auch „Wo liegen die Grenzen der Toleranz?“ nachzudenken. Ergänzt wird das von der Bundezentrale für politische Bildung geförderte Projekt durch ein breit gefächertes Begleitprogramm, das in Kooperation mit ausARTen organisiert und durchgeführt wird.

Mittelpunkt der Präsentation sind farbenfrohe Ausstellungscontainer, die im Herzen deutscher Städte platziert werden. Im April 2023 hatte die Ausstellung ihre Premiere in Detmold, dem Sitz des Vereins Toleranz-Tunnel. Danach ging ToleranzRäume auf Deutschland-Tournee und macht im Juli 2023 für zehn Tage Station in München. Ziel ist es, Besucher*innen neue Perspektiven auf das Thema Toleranz zu eröffnen, aber auch ganz konkret für die Lebenswelten anderer Menschen zu sensibilisieren.

Toleranz wird in der Ausstellung als Verhandlungssache betrachtet. Nicht alle müssen oder können alles tolerieren. Deshalb werden auch die Grenzen der Toleranz beleuchtet: Was kann und will unsere Gesellschaft aushalten? Und was kann und will ich selbst aushalten? Unterschiedliche Meinungen muss eine demokratische Gesellschaft aushalten können – Angriffe auf Menschenrechte nicht. Das Erkennen und Wahren von Grenzen ist eine wichtige Grundlage guten gemeinschaftlichen Zusammenlebens.

ToleranzRäume möchte Anregungen geben, wie sich die Besucher*innen selbst im Kleinen und Großen für mehr Respekt und gesellschaftliche Toleranz einsetzen können. Das Begleitprogramm mit Gesprächsrunden, Lesungen, Rap- und Poetry-Workshops wird sowohl vor Ort auf dem Max-Joseph-Platz als auch im NS-Dokumentationszentrum München und bei ausArten stattfinden.

[FR] À propos du projet

Le Centre de documentation sur le nazisme de Munich présente en juillet, en collaboration avec ausArten - changement de perspective par l'art, ToleranzRäume (Espaces de Tolérance), une exposition temporaire dans l'espace public de Toleranz-Tunnel e.V (l'association Tunnel pour la tolérance). La présentation sur la Max-Joseph-Platz, au centre de Munich, souhaite inciter tous les visiteurs et visiteuses, indépendamment de leur âge et de leur origine, à réfléchir à des questions telles que "Qu'est-ce que la tolérance ?", "Comment rencontrer mon prochain avec respect ?", "Comment négocier les conflits sans violence ?" mais aussi "Où sont les limites de la tolérance ?". Le projet, soutenu par le Centre fédéral pour l'éducation politique, est complété par un programme d'accompagnement très diversifié, organisé et réalisé en coopération avec ausARTen.

La présentation est centrée sur des conteneurs d'exposition colorés, placés au cœur des villes allemandes. En avril 2023, l'exposition a fait sa première apparition à Detmold, le siège de l'association Toleranz-Tunnel. Ensuite, ToleranzRäume a fait une tournée en Allemagne et s'arrêtera à Munich en juillet 2023 pour dix jours, du 7 au 16 juillet. L'objectif est d'ouvrir aux visiteurs et visiteuses de nouvelles perspectives sur le thème de la tolérance, mais aussi de les sensibiliser très concrètement au monde dans lequel vivent d'autres êtres humains.

Cette exposition considère que la tolérance est  affaire de négociation. Tout le monde ne doit pas ou ne peut pas tout tolérer. C'est pourquoi les limites de la tolérance sont également mises en lumière : Qu'est-ce que notre société peut et veut tolérer ? Et qu'est-ce que je peux et veux moi-même supporter ? Une société démocratique doit pouvoir supporter des opinions différentes, mais pas des atteintes aux droits de l'homme. La reconnaissance et le respect des limites sont une base importante d'une bonne cohabitation communautaire.

Les Espaces de Tolérance veulent donner des idées pour que les visiteuses et visiteurs puissent s'engager eux-mêmes, à petite ou à grande échelle, pour plus de respect et de tolérance sociale. Le programme d'accompagnement, avec des tables rondes, des lectures, des ateliers de rap et de poésie, se déroulera aussi bien sur place, sur la Max-Joseph-Platz, qu'au Centre de documentation sur le nazisme de Munich et chez ausArten.

Infos

Laufzeit / Durée de l'expo 7. bis 16. Juli 2023 
Ort / Lieu Max-Joseph-Platz
Eröffnung/Vernissage 7. Juli 2023, 11.00 Uhr
Social Media #ToleranzRäume | @nsdoku
In Kooperation mit Toleranz-Tunnel e.V. und AusARTen – Perspektivwechsel durch Kunst
Gefördert durch die Bundeszentrale für politische Bildung

Quelle des Textes /Source du texte : NS-Dokumentationszentrum München / Traduction française de Luc-Henri Roger

jeudi 22 juin 2023

Richard Wagner impérieux et fulgurant. Une caricature de Ferdinand Bac .


Le dessin fut publié en 1928 pour illustrer les Souvenirs de Venise de Ferdinand Bac dans la revue Mediterranea et dans le journal Comoedia qui l'emprunte à la revue. Le jeune Bac, alors âgé de 19 ans, avait rencontré Wagner à Venise en 1878.

mercredi 21 juin 2023

Richard Wagner à Venise. Un croquis de Ferdinand Bac.

En mai 1928, la revue Mediterranea publiait ce saisissant croquis dû au talent de Ferdinand Bac pour illustrer d'un article de sa plume intitulé Souvenirs de Venise. Le spirituel dessinateur, après avoir exposé qu'il a connu, à Venise, en 1878, le fameux Docteur Pagello *, nous conte sa rencontre, dans les salons du Cercle Artistique, avec Richard Wagner, qui travaillait alors à Parsifal. Le jeune interlocuteur du maître ** sollicita timidement une entrevue, qui lui fut accordée, pour le lendemain, au Palazzo Vendramin. Il se rencontra chez le musicien avec un marchand de chemises de soie à qui le Maître en avait déjà acheté soixante-dix et à qui il en prit vingt nouvelles. Bac, qui avait médité de l'interroger sur la Tétralogie, se retira fort déçu, mais non sans avoir consigné ses attitudes, si caractéristiques, en des croquis d'album qui ont une valeur documentaire et artistique sans égale. Le dessinateur a merveilleusement saisi le masque expressif, pathétique, aigu de l'auteur de Parsifal.

* Pietro Pagello, né le 15 juin 1807 à Castelfranco Veneto et mort le 24 février 1898 à Belluno, est un médecin italien resté célèbre parce qu'il fut l'amant de George Sand.

** Bac a alors 19 ans.

mardi 20 juin 2023

Der Herakles von Giuseppe Volpini im Hofgarten Schleissheim / L'Hercule de Giuseppe Volpini dans le parc du château de Schleissheim

 




Bilder © Luc-Henri Roger

[DE] Giuseppe (Joseph / Joseph) Volpini Mailand ?1670 – 1729 in München 
Bildhauer, Stuckateur, Steinmetz

Giuseppe Volpini (* 1670; † 15. November 1729 in München) war ein italienischer Bildhauer und Stuckateur. Volpini stammte vermutlich aus Mailand. Er begann seine Karriere 1704 am Hof des Markgrafen Wilhelm Friedrich von Ansbach, zu dessen Hofbildhauer er in diesem Jahr ernannt wurde. In den Jahren 1706/1707 arbeitete er maßgeblich bei der Barockisierung der Pfarrkirche zu Gunzenhausen mit, wo er Taufstein, Kanzel und Orgelgehäuse neu gestaltete. Vermutlich stammt auch ein Kruzifix dort von seiner Hand.

Seit 1711 war er vorwiegend in München tätig. Ab 1715 bekleidete Volpini bis zu seinem Lebensende das Amt eines Hofbildhauers in München, wo er eine Marmorbüste von Maximilian Philipp Girolamo ausführte. 1728 ernannte ihn Kurfürst Karl Albrecht zum Hof-Antiquari-Inspector mit dem Auftrag zur Restaurierung der Skulpturen im Antiquarium der Residenz und zur Instandhaltung der Statuen und Stuckaturen der Kur- und Schlossanlagen.

Viele seiner Werke befinden sich im Schlosspark Nymphenburg, etwa die Herkulesskulptur, die Stuckfigur der Maria Magdalena in der Magdalenenklause, einer künstlichen Ruine mit Kapelle, sowie die Statue und die Putten der Wasserfälle.

Zwischenzeitlich wirkte Volpini an der Ausgestaltung von Vestibül (Stuckarbeiten) und Sala terrena (Stuck und Terracotta-Reliefs) der Residenz Schleißheim mit. Aus Giuseppe Volpinis letztem Lebensjahr stammt die Marmor-Kleinplastik des bayerischen Prinz Max Emanuel II. im Museum der schönen Künste, Budapest. 

[F] Sculpteur, stucateur et médailleur. - Peut-être le fils de Giovanni Battista Maestri. Il a travaillé pour la cour de Munich et exécuté un grand nombre des sculptures présentes dans les châteaux de Nymphenbourg et de Fürstenried ainsi que l'Hercule de Schleissheim. Autres formes du nom Joseph Volpini (1670-1729) Johann Joseph Volpini (1670-1729) Vulpini (1670-1729)

Magie et nouvelles perspectives pour la Bayadère de Patrice Bart au Ballet d'État de Bavière

Crédit photo © Tony Luk

Le Bayerische Staatsballett a créé La Bayadère en 1998 en première allemande dans une mise en scène du chorégraphe français Patrice Bart et du scénographe et costumier japonais Tomio Mohri. On y voit notamment le fameux acte du Royaume des ombres, l'opulent défilé de la fête des fiançailles ainsi que de nombreuses scènes de pantomime, répétées d'après la version originale de Marius Petipa. La fascination du 19e siècle pour les récits et les représentations extra-européennes est indéniablement liée à ce ballet classique. La version munichoise met l'accent sur le caractère féerique de l'intrigue.

Parmi les ombres du  fameux troisième acte de La Bayadère, peut-être apercevra-t-on celle de Rudolf Noureev qui plane de fait sur tout le ballet. Noureev avait revisité la scène du Royaume des Ombres pour le Royal Ballet en 1963 et remanié le ballet pour l'Opéra de Paris en 1992. Laurent Hilaire, — qui fut pendant cinq ans directeur du ballet du Théâtre Stanislavski et Némirovitch-Dantchenko, le Théâtre académique musical de Moscou, et préside depuis 2022 aux destinées du Bayerisches Staatsballet, — avait collaboré à cette version parisienne avant d'interpréter Solor à Paris en 1994. C'est Noureev qui l'avait propulsé au titre suprême de danseur étoile du ballet de l'Opéra de Paris en 1985. Patrice Bart, qui se vit confier la chorégraphie munichoise de 1998, connaissait parfaitement le travail de Noureev : il participa lui aussi à la création parisienne de La Bayadère en tant que maître de ballet. 

La Bayadère, créée en 1877 au Grand Théâtre de Saint-Pétersbourg, est l'une des œuvres les plus importantes de l'œuvre du chorégraphe Marius Petipa, dont le nom est indissociable des ballets de Tchaïkovski La Belle au bois dormant, Le Lac des cygnes, Casse-Noisette et d'autres classiques comme Don Quichotte et Le Corsaire. Le ballet se déroule dans une Inde imaginaire, sans définition géographique précise. C'est là que se déroule le drame de Nikija, bayadère au service d'un temple, de sa rivale, Gamzatti, la fille du radjah, et de Solor, aimé des deux femmes et les honorant successivement toutes deux de son amour dans une triangulation amoureuse évolutive.

En 1998, le Bayerische Staatsballett a donné la première représentation de cette œuvre en Allemagne dans la version de Patrice Bart, dans une mise en scène s'inspirant de la chorégraphie originale de Marius Petipa. En raison de la difficulté de trouver des sources à l'époque, le dernier acte a été reconstruit sur la base d'une recherche méticuleuse effectuée par le chorégraphe et les parties manquantes de la musique et de la chorégraphie ont été complétées. 

L'esthétique des décors et des costumes est fortement influencée par la signature artistique du designer japonais Tomio Mohri. Il a d'une part intégré des éléments visuels de l'histoire du ballet, comme dans le fameux acte de l'ombre, dans le grand défilé de la fête des fiançailles ou dans la variation de l'idole d'or créée en 1948 par Nikolai Zubkovsky. D'autre part, le goût de Tomio Mohri pour les éléments graphiques issus de l'art japonais se manifeste dans les différentes scènes. Sur le plan conceptuel, l'équipe artistique de Patrice Bart a mis l'accent sur le caractère féerique de la pièce.

Descente au Royaume des Ombres © Charles Tandy

La Bayadère a été remise au programme du Théâtre national de Munich depuis 2016.  La reprise de l'oeuvre cette saison et sa programmation pour la saison prochaine, où elle sera également jouée pour cinq représentations au Teatro Real de Madrid, a été l'occasion de la publication d'un nouveau programme, ressentie comme une nécessité au regard de l'évolution des mentalités et des politiques culturelles. Voici une traduction du texte d'introduction du nouveau programme qui en explique les enjeux :

    " La perception de l'oeuvre s'est fortement modifiée depuis sa création munichoise de 1998. On reproche aujourd'hui à La Bayadère de véhiculer un tableau stéréotypé de l'Inde et de ses pratiques religieuses et culturelles. Aujourd'hui on a pris conscience de problèmes en ce qui concerne des modes de représentation qui n'avaient été autrefois que peu remis en question sur les scènes de théâtre, d'opéra et de ballet. Une réflexion intensive a été menée ces dernières années sur les schémas d'interprétation colonialistes et les modes de représentation orientalisants. Ainsi, dans l'Inde ancienne, il n'y avait pas de danseuses de temple ou de bayadères, mais les femmes exerçaient l'activité de devadasi (littéralement de " servantes de la divinité "). Elles étaient impliquées dans des pratiques rituelles et leur tâche était tout sauf d'exécuter des danses décoratives. C'étaient des femmes consacrées au temple dès leur plus jeune âge, considérées comme des épouses de la divinité, surnommées « femmes à jamais favorables » (leur mari, le dieu, ne pouvant mourir de leur vivant) qui jouissaient de libertés sexuelles auxquelles les femmes mariées à un « mortel » n'avaient pas accès : leur statut est celui, avant tout, d'être artistes cultivées (lettrées, danseuses, chanteuses, peintres, etc.). Elles ont suscité des fantasmes occidentaux qui se sont également exprimés dans le domaine de l'art, mais qui n'avaient pas grand-chose à voir avec la réalité vécue.
    À partir du 17e siècle, les missionnaires et les représentants des puissances coloniales ont exercé une influence croissante et ont condamné le mode de vie des devadasis, car il ne correspondait pas à leur modèle de rôle de la femme de l'époque. Les élites indiennes formées à l'occidentale ont adopté cette perspective et ont également commencé à rejeter leurs propres pratiques culturelles. Elles les considéraient comme arriérées, en particulier dans le contexte du mouvement d'indépendance de l'Inde. Avec le soutien de telles forces influentes dans la société et la politique, il a été possible de faire passer le Madras Devadasis Act en 1947. Cette loi interdit aux femmes de servir dans les temples sous peine de sanctions.
    Ce bref aperçu de l'enchevêtrement des références culturelles, des projections et des contre-projections montre à quel point la situation est complexe en ce qui concerne les échanges entre les cultures, les religions et les nations. D'une part, La Bayadère représente un jalon dans l'histoire du ballet, d'autre part, l'œuvre soulève toute une série de questions. Dans ce contexte, une étude approfondie de l'héritage historique et des différents motifs intégrés dans l'œuvre permet de mieux comprendre les facteurs d'influence déterminants. La question de savoir quelles sont les "bonnes" références historiques, comment les interpréter et quel est leur capital pour l'avenir fait encore aujourd'hui l'objet d'intenses débats. Dans l'histoire de la réception de La Bayadère, on trouve un écho extrêmement varié de ces débats. En tant qu'œuvre d'art ambiguë permettant de nombreuses approches, une œuvre comme La Bayadère ne peut pas seulement inciter à se pencher sur l'histoire du ballet classique, qui est étroitement liée aux évolutions sociales, politiques et économiques en dehors du monde du ballet. Elle pose également la question de savoir comment les phénomènes interculturels doivent et peuvent être intégrés dans une création théâtrale. "

Ensemble au Royaume des Ombres © Katja Lotter

La chorégraphie de Patrice Bart et les décors et costumes de Tomio Mohri

Le chorégraphe français Patrice Bart a été maître de ballet et membre du conseil d'administration de l'Opéra national de Paris jusqu'en 2011, un théâtre auquel il a été lié pendant plus de cinquante ans (Il est entré à l'École de Danse de l'opéra à 12 ans). C'est là que sa carrière a commencé et c'est là qu'il a acquis une renommée internationale. Danseur brillantissime, maintes fois primé, il danse jusqu'en 1986 avant de devenir maître de ballet en 1987 avec pour fonction d'entraîner de jeunes danseurs, tout en continuant d'interpréter des rôles de caractères. Patrice Bart a été acclamé pour son soutien actif à des normes élevées et à la préservation des grandes traditions de la compagnie de ballet de l'Opéra national de Paris. C'est ainsi qu'en 1992, il fut l'assistant de Rudolf Noureev pour sa production du ballet La Bayadère à l'Opéra national de Paris. Noureev nourrissait depuis longtemps le projet de revenir aux sources (les notes de Petipa et la musique originale de Minkus). Il donna une version en trois actes de l'œuvre, dans laquelle   revint à la partition et à l’orchestration originale de Minkus, augmentée de quelques mesures de liaison, composées par John Lanchbery. Faute de pouvoir créer (pour des raisons techniques, et aussi en raison de sa maladie) un quatrième acte selon Petipa (l’écroulement du temple, manifestation de la colère des dieux pour venger la mort de la bayadère), la musique originale de Minkus et la chorégraphie en ayant été perdue depuis 1919, Rudolf Noureev conclut son ballet sur le fameux acte des Ombres (entièrement de Petipa – à l’exception de l’entrée et de la variation de Solor). Les deux premiers actes ont été remontés dans leur intégralité par Noureev, qui s'est référé à la version du Kirov.

En 1998, Konstanze Vernon, alors directrice du Ballet de Bavière, confia à Patrice Bart la réalisation d'une nouvelle version créée en 1998 pour laquelle elle le convia à recréer l’acte final perdu. Le chorégraphe s'est attelé  à progresser dans la redécouverte de l'œuvre, se mettant à la tâche ardue de la recherche des sources alors disponibles tout en prenant pour socle la lecture qu'en avait donnée Noureev. Il a tenté de  reconstruire le quatrième acte tout en raccourcissant quelque peu les trois premiers pour éviter que le ballet ne devienne trop long. 

" C'était très difficile, explique le chorégraphe,  car il y avait très peu de matériel pour le quatrième acte, il n'y avait même pas de musique. La pianiste Maria Babanina s'est rendue dans les archives du Mariinsky pour trouver de la musique. C'était une expérience merveilleuse d'essayer de reconstruire cet acte et de comprendre à quoi cela aurait pu ressembler à l'époque. " 

Patrice Bart a créé un final très original : après l'effondrement du palais du Rajah, les trois personnages principaux de la pièce, Nikija, Solor et Gamzatti, se retrouvent réunis dans une sorte de paradis. 

" C'était mon idée, ajoute-t-il. Ces trois personnages, qui s'entre-déchirent de leur vivant, se retrouvent dans un univers mal défini où ils restent à jamais parallèles. Ils ne se rejoignent jamais vraiment, mais en même temps, il y a un lien entre eux. " 

Dans un au-delà hindouiste, on les voit de dos progresser les bras grands ouverts vers le grand mandala qui ornait le rideau d'avant-scène, au centre duquel médite une divinité ou un arhant, un sage libéré. On peut supposer que les épreuves qu'ils viennent de traverser leur ont permis de se libérer du saṃsāra, du cycle des réincarnations, et qu'ils accèdent tous trois au nirvana.

La recherche a progressé encore depuis la version de Patrice Bart, notamment grâce à la publication des notations Sergueïev, ce chorégraphe et régisseur du ballet Mariinsky de 1894 à 1918, qui s'était intéressé à la notation de la danse à partir de 1897, alors qu'il est assistant du chorégraphe Alexandre Gorskii. Sergueïev avait emporté les notations avec lui en Occident après la révolution d'octobre. En 1998 Patrice Bart ignorait les leçons de ces notations et a lu l’héritage russe à travers le filtre de la version de Noureev, en y donnant une nouvelle version complétée.

Le grand défilé © Katja Lotter

Les décors et les costumes de Tomio Mohri donnent une atmosphère fort japanisante aux deux premiers actes et à la scène finale, mais comme l'action se déroule dans une Inde incertaine l'amalgame d'un décor plus à l'Est est acceptable : le lieu imaginaire où se déroule la curieuse triangulation amoureuse des trois protagonistes, dans le contexte d'une société machiste et patriarcale dominée par les diktats du trône et de la religion, n'a qu'une importance secondaire. Et le public se montre fort réceptif à l'émerveillement magique de décors de pacotilles et à la somptueuse scène du grand défilé des fiançailles contraintes de Solor et de la princesse. La mise en scène du final de la première partie n'est cependant pas crédible : au moment où le Grand Brahmane est sur le point d'unir les destinées de Solor et de la princesse, la colère des dieux éclate pour venger le meurtre de Nikiya dans un terrible orage qui conduit à la destruction du temple et à la mort des fiancés. Tomio Mohri laisse simplement choir les colonnes du temple faites de tissus imprimés et le pan de mur situé au dessus de la porte du temple se rabat. On a fait mieux en matière de cataclysme scénique et la frayeur n'est pas au rendez-vous. Le Royaume des Ombres est d'une meilleure facture, tout en grisaille pour suggérer les ténèbres de l'au-delà. L'exquis défilé des bayadères en tutus blancs qui arrivent en scène sur des rampes en plans inclinés derrière le rideau de scène en dentelle est du plus bel effet. Cet acte fait la part belle aux blanches splendeurs des ballets classiques. On est émerveillé par les trois variations de l'Ombre et le Grand Pas interprétés par Maria Chiara Bono, Bianca Teixeira et Carollina Bastos et le corps de ballet offre un spectacle de pure magie. 

La distribution est ébouriffante. La britannique Lauretta Summerscales, première soliste du Ballet bavarois, interprète une Nikija rayonnante avec une souplesse et une légèreté stupéfiantes et une remarquable aptitude à convier l'émotion dramatique au-delà même d'une performance technique à la précision très soignée. Lauretta Summerscales considère La Bayadère comme un pur joyau et  s'est dite reconnaissante au Bayerisches Staatsballett d'avoir investi du temps et de l'argent pour s'assurer que cette production soit adaptée à la société d'aujourd'hui, en l'adaptant et en la modifiant. " S'adapter et changer, ce n'est pas seulement annuler. " L'Américain Julian MacKay qui a rejoint le Ballet d'État de Bavière en tant que premier soliste en octobre 2022 a dansé Solor dans une prise de rôle très attendue. Ce brillant danseur a fait une carrière surprenante : il est le premier Américain a avoir fait toutes ses classes en Russie à l'Académie de ballet du Bolchoï et y avoir décroché le diplôme. La partie de Solor est plus lissée dans la chorégraphie de Bart que dans celle de Noureev et Julian MacKay en a donné une ligne très pure avec des saltations extrêmement bien dessinées et une définition très lisible de ce personnage tout en contraste, passant de l'amour passionnel pour Nikija à l'acceptation consentie de l'union avec Gamzatti. Merveilleuse Gamzatti que celle de Maria Baranova, surprenant par une technique accomplie notamment dans la variation de la scène des fiançailles et dans ses somptueux fouettés et ses pointes assurées. Baranova en impose dans son interprétation convaincante de la puissance du caractère de la princesse. Enfin la danse de l'Idole dorée constitue un des clous les plus époustouflants de la soirée : le costume et le grimage complet du corps sont extraordinaires, à l'aune de l'étourdissante performance de Shale Wagman qui dépasse les limites du possible.

On a retrouvé avec bonheur Michael Schmidtsdorff, grand spécialiste de la musique de ballet,  à la direction de l'excellent Orchestre d'État de Bavière, qui a réussi à mettre la musique de Ludwig Minkus en parfaite osmose avec la chorégraphie pour une soirée où la compagnie a communiqué au public enchanté la magie d'un rêve, au-delà des clichés.

LA BAYADÈRE

Chorégraphie Patrice Bart, Marius Petipa. Musique de Ludwig Minkus.
Ballet en deux actes et six tableaux (1998)

Distribution

Chorégraphie Marius Petipa Patrice Bart
Musique Ludwig Minkus
Direction musicale Michael Schmidtsdorff
Décors et costumes Tomio Mohri
Lumières Maurizio Montobbio
Dispositif musical Maria Babanina
Dramaturgie Wolfgang Oberender

Représentation du 18 juin 2023

Nikija Laurretta Summerscales
Gamzatti Maria Baranova
Solor Julian MacKay
Brahmane Norbert Graf
Radja Krzysztof Zawadzki
Aija Anna Beke
1ère variation de l'ombre Maria Chiara Bono
2ème variation d'ombre Bianca Teixeira
3ème variation d'ombre Carollina Bastos
L'idole d'or Shale Wagman
Ensemble du Ballet national de Bavière
Orchestre de l'État de Bavière

Synopsis de la version de Patrice Bart (traduit du programme)

Acte 1

1er tableau : devant le temple
Le grand brahmane, ses prêtres et les danseuses du temple, appelées bayadères, se réunissent pour célébrer le feu sacré. La dernière à apparaître est Nikija, la plus noble et la plus sainte des bayadères. Le Grand Brahmane la harcèle de son amour, mais elle le repousse. Solor, un riche et noble guerrier de caste royale, est en route pour la chasse. Alors qu'il envoie ses amis en éclaireurs, il attend secrètement Nikija. Solor et Nikija s'avouent leur amour. La bayadère lui demande de prêter serment de fidélité. Le Grand Brahmane, qui a vu la rencontre amoureuse, jure désespérément de se venger.

2e tableau : Dans le palais du rajah
Le rajah annonce à sa fille Gamzatti que son mariage avec Solor, auquel elle est promise depuis son enfance, est imminent. Elle est enchantée par Solor, mais ne comprend pas pourquoi il se montre si hésitant à son égard. Alors que quelques danseuses viennent de se présenter pour le divertissement, le Grand Brahmane apparaît pour confier un secret au rajah. Il lui parle de l'amour interdit entre Nikija et Solor dans l'espoir que le rajah écartera Solor du chemin. Au lieu de cela, le rajah ordonne la mort de Nikija dans une rage aveugle, à la consternation du Grand Brahmane. Gamzatti a entendu la conversation et fait appeler la bayadère par sa servante Aija. Elle demande à Nikija de renoncer à Solor et lui offre des bijoux en récompense. Nikija refuse et, désespérée, se jette sur Gamzatti avec son poignard. Retenue par Aija, elle finit par s'enfuir. Gamzatti jure de la tuer.

3e tableau : Dans le jardin du palais
Les fiançailles de Solor et Gamzatti sont célébrées sous la forme d'un grand défilé. Le Grand Brahmane amène Nikija, qui se produit en tant que danseuse du temple en l'honneur de la cérémonie. Nikija reçoit par l'intermédiaire d'Aija une corbeille de fleurs qu'elle prend pour un signe secret d'amour de Solor. En réalité, elle provient du rajah et de sa fille, qui y ont fait dissimuler un serpent. Alors que Nikija continue à danser, le panier sur la poitrine, la vipère lui fait une morsure mortelle. Le Grand Brahmane offre à Nikija un antidote si elle veut bien se donner à lui. Elle le refuse et meurt, avec sur les lèvres l'avertissement à Solor de ne jamais oublier son serment d'amour.

Acte 2

4e tableau : Le royaume des ombres
Solor, tourmenté par le souvenir de Nikija, cherche l'oubli dans les fumées de l'opium. Il se retrouve au royaume des ombres, uni à Nikija, qui lui révèle le monde des ombres et lui rappelle son serment de fidélité éternelle. Au réveil, il voit ses amis et le rajah qui viennent le chercher pour le mariage.

5e tableau : Dans le temple
Un défilé rituel réunit Gamzatti et Solor pour la cérémonie de mariage. La danse des fleurs de lotus avec les amis de Solor et la danse de l'idole d'or sont les symboles des bons vœux de beauté et de richesse pour le couple. L'ombre de Nikija se mêle à la rencontre de Solor avec Gamzatti, visible uniquement pour Solor. Solor choisit la vie et Gamzatti. Au moment du serment de mariage, auquel le couple est appelé par le Grand Brahmane, un tremblement de terre se produit. Le temple s'effondre et ensevelit tout sous ses décombres.

6e tableau : Apothéose
Dans l'au-delà, nous retrouvons Solor, Nikija et Gamzatti unis dans une vision de la lumière éternelle.