mardi 6 octobre 2020

La bonne Impératrice au Cap Martin


   Le couple impérial logeait dans l'aile ouest du Grand Hôtel, la plus longue des ailes, qui accueillait les suites de luxe pour les hôtes de marque.
    L'impératrice fit quatre séjours au Cap Martin de 1894 à 1897

L'arrivée de l'impératrice décrite dans la Gazette des eaux du 12 décembre 1895

    S. M. l'Impératrice d'Autriche, est arrivée mardi au Cap Martin.
    Voici les détails que nous donne il ce sujet le Petit Niçois:
  
   "S. M. l'Impératrice Elisabeth d'Autriche, accompagnée du général Berzeviczi, premier écuyer de l'Empereur; de la comtesse Starey ; des chevaliers Claudi et Feifalik ; de Mme Feifalik, dame d'honneur, et de dix domestiques, est arrivée à Menton- parle train de luxe de 6 heures 20.
    Sa Majesté, qui voyage incognito, sous le nom de comtesse d'Hœnens, a été reçue à la gare— ornée pour la circonstance de plantes rares — par MM. Racine, vice-consul d'Autriche, et Paoli, commissaire spécial à Paris, délégué par le gouvernement.
    La Souveraine s'est entretenue longuement avec M. Paoli et lui a serré la main.
   Le service d'ordre était assuré par MM. Dumas, commissaire spécial et Rassat, commissaire de police.
    Remarqué sur le quai de la gare : MM. François Palmaro, vice-consul d'Angleterre; du Moiron, procureur de la République à Nice, et diverses notabilités de la colonie étrangère.
    Huit landaus attendaient Sa Majesté et sa suite à la sortie de la gare. Le cortège impérial s'est immédiatement dirigé vers le Cap Martin.
    Les appartements réservés à l'Impératrice sont situés au rez- de-chaussée de l'hôtel du Cap Martin. Ils comprennent, indépendamment des chambres à coucher et des cabinets de toilette, un grand salon exposé au Midi. Ces appartements sont d'ailleurs ceux que Sa Majesté a occupés l'année dernière. »

Un article du Constitutionel du 23 février 1896 magnifie la discrète génerosité de l'impératrice Elisabeth

LA BONNE IMPÉRATRICE
L'EMPEREUR D’AUTRICHE AN CAP MARTIN

    Au moment où la côte d’azur, ce Gotha baigné par la mer, va s’enrichir d’un souverain de plus [l'empereur François-Joseph qui vient y rejoindre l'impératrice], la pensée se porte tout naturellement vers celle que les populations qui vivent entre le Cap-Martin, Roquebrune et Menton ont surnommée la « bonne » impératrice.
    Il s’agit, on le devine, de l'impératrice reine Elisabeth d’Autriche-Hongrie. On a souvent parlé ici même et ailleurs de sa vie officielle, de la noblesse de sa personne, de tous ces dons extérieurs auxquels se reconnaissent les femmes marquées par la Providence pour régner sur les peuples et aussi pour être dignes de cette haute mission.
    Mais ce que l’on n’a pas assez dit peut-être par crainte de blesser la modestie de la souveraine et son désir de passer inaperçue parmi les foules, c’est sa rare bonté d’âme et ce culte passionné qu’elle a voué à la charité, mais à cette sorte de charité qui s’exerce sans jamais humilier ceux qui en sont l’objet. Ainsi l’impératrice est fanatique de la marche ; il n’est pas un coin des environs du Cap-Martin, dans un rayonnement de plusieurs kilomètres, qu’elle n’ait exploré et fouillé, depuis le petit sentier à fleur de roc qui part de sa résidence à travers le thym et les plantes sauvages jusqu’aux grandes routes qui aboutissent à nos forts ou bien flanquent les montagnes de laTête-de-Chien et de la Turbie ; dès qu’elle aperçoit une maisonnette, si pauvre d’aspect soit-elle, elle y pénètre, cause familièrement avec les habitants, s’enquiert de leur situation et se sert pour les secourir d’un subterfuge qui mérite qu’on le dénonce. Dans son extrême délicatesse d’âme, la souveraine craint, en effet, qu’une somme d’argent donnée brutalement ne contrarie ceux qu’elle veut obliger ; aussi demande-telle à goûter de leur lait ; elle le trouve naturellement excellent, en redemande, et prie les fermiers de l’endroit de lui porter le lendemain chez elle quelques litres de ce lait avec une ou deux douzaines d’œufs.
    De cette façon, elle a l’air, en donnant l’argent, de payer une marchandise vendue, et je n’ai pas besoin d’ajouter qu’elle la paie royalement.
    Veut-on une anecdote, vieille d’un mois à peine, qui témoignera du tact admirable de la « bonne » impératrice ? C’était le 19 janvier dernier ; accompagnée de son lecteur, M. Marinaky, la souveraine vint à passer sur la place du village de Roquebrune, elle s’arrêta devant la fontaine de l’endroit et déploya le verre en argent à cercles enclavés les uns dans les autres qu’elle porte toujours sur elle pour se désaltérer, puis après avoir bu elle poursuivit son chemin. Bientôt, une bonne femme du village, Mme Pastorelli, accourut en toute hâte et lui rapporta un des cercles de son verre quelle elle avait laissé tomber sans s’en apercevoir.
   L'impératrice, après un rapide examen de Mme Pastorelli, se convainquit que celle-ci appartenait à la classe aisée de la population, et son pressentiment fut confirmé par les renseignements qu’elle fit prendre à ce sujet ; elle s’abstint donc de décerner une récompense pécuniaire à la brave femme et se contenta de lui envoyer, deux jours après, une magnifique timbale en argent avec ces mots gravés sur les parois : 19 janvier 1896.
    J’ai parlé tout à l’heure de M. Marinaky qui a la mission de lire à l’impératrice tout ce qui paraît de plus nouveau en littérature dans les différents pays : M. Marinaky, fonctionnaire du ministère des affaires étrangères, choisi parmi l’élite de la diplomatie grecque, est un polyglotte distingué, aussi modeste qu’érudit, qui sélectionne lui-même les livres qui lui paraissent dignes d’intéresser son auguste auditrice.
    À côté de l’impératrice, sa sœur, la comtesse de Trani, l’accompagne parfois dans ses excursions, mais le plus souvent se promène seule, l’ombrelle déployée toujours prête à intercepter les regards des passants ou l’objectif des nombreux photographes amateurs qui, leur instantané en bandoulière, rôdent sur les grandes routes.
    Là encore, veillant sur la « bonne » impératrice, nous retrouvons M. Paoli, le plus aimable comme le plus actif des délégués du gouvernement, qui s’attache à faire respecter l’incognito dont notre impériale visiteuse aime à s’entourer, et qui, chaque matin, fait présenter à la souveraine les coupures de journaux susceptibles de l’intéresser.
    L’arrivée imminente de l’empereur va apporter quelque changement dans le train de vie de l’impératrice. On connaît l’incroyable activité de François-Joseph ; quoique absent de son pays, il ne cesse jamais d’exercer effectivement le pouvoir et de donner sa signature à tous les actes et décrets qui intéressent son empire. Chaque jour, à cet effet, il reçoit son volumineux courrier officiel qu'il dépouille lui-même avec l’aide du prince Lichtenstein et du comte Paar.
   Dès quatre heures du matin le souverain est levé, travaille jusqu’à six heures, prend une légère collation et se remet à la besogne jusqu’à dix heures.
    À ce moment le chef d’Etat fait place au touriste et les après-midi sont consacrées à des excursions avec l’impératrice ; même il n’est pas rare que le couple impérial aille s’asseoir bourgeoisement pour le lunch de midi à une table de restaurant à Menton ou à Nice.
    Le soir, à partir de six heures, la vie officielle reprend comme si l’on était à Vienne ; l’empereur, souvent assisté de l’impératrice, préside lui-même le dîner, en grande tenue, tandis que les aides de camp et les dames d’honneur mettent leurs habillements de gala : ainsi se reconstitue, chaque soir, la cour d’Aulriche-Hongrie à quelques milliers de kilomètres de la mère-patrie : noble exemple d’activité, de travail, de simplicité dans la grandeur donné aux plus humbles par ces deux souverains dont l’âme, pourrait-on dire, est plus impériale encore que le sceptre.

GASTON POLLONNAIS.

in Supplément illustré du Petit journal du 19 mars 1894

Glané sur le net, l'origine m'en est inconnue

Le monument du souvenir au Cap Martin


    Ce monument, inauguré en 1899 commémore les fréquents séjours de l’impératrice Elisabeth d’Autriche au Cap Martin, soit au grand Hôtel du Cap, soit dans certaines villas. La date de ces séjours est indiquée en chiffre romains sous l’inscription principale, dans la partie haute de l’obélisque. Œuvre de l’architecte Hans Georg Tersling, cet édifice simple et harmonieux est mis en scène dans un environnement privilégié, entre la mer et les pins maritimes. Les derniers vers d’un poème de Mme de Montgomery sont gravés sur le stylobate de l’obélisque.

Inscriptions : 

Sur l'obélisque : En souvenir du séjour au Cap Martin de Sa Majesté Elisabeth  impératrice d'Autriche et reine de Hongrie MDCCCXCIV / MDCCCXCV / MDCCCXCVI / MDCCCXCVII

Au bas du piédestal : 

NOUS AVONS ELEVE CE TRES HUMBLE OBELISQUE 
O REINE ELISABETH CAR VOUS AIMIEZ LE SOIR
A VENIR RESPIRER LA SENTEUR DU LENTISQUE
ET PARMI LES ROCHES PRES D’ICI VOUS ASSEOIR
DAIGNIEZ DONC DE CE BOIS ETRE LA PROTECTRICE
LES FORETS AUTREFOIS APPARTENAIENT AUX DIEUX
SOYEZ NOTRE GENIE O SAINTE IMPERATRICE
ET NOUS REVERRONS AU SEJOUR RADIEUX
CAR NOUS NE CROYONS PAS AUX ETERNELS ADIEUX

La statue descellée, un article du Cri de Paris du 20 février 1916

La statue descellée 

    On se rappelle peut-être que l'impératrice Elisabeth d'Autriche fit de longs séjours au Cap Martin et, qu'après sa mort tragique, une statue de bronze fut élevée pour perpétuer son souvenir dans les jardins enchantés qu'elle aimait à parcourir.
    La guerre est survenue : il a fallu faire disparaître la statue de l'Autrichienne : elle a été descellée et mise au rebut dans quelque grenier préfectoral. La stèle de marbre blanc demeure seule et, de l'inscription gravée en l'honneur de l'amie de Heine, il ne reste plus que ces mots : Ce monument a été élevé en souvenir. Une couche de plâtre recouvre la suite.
    Un rideau d'arbustes a été planté autour de la stèle : ils pousseront et la cacheront bientôt sous leurs rameaux. L'entrée du parterre où se dressait la statue est barrée par des fils de fer attachés à des pieux de sapins. On dirait la défense d'une tranchée.

Invitation à la lecture
    
J'invite les lectrices et lecteurs que l'histoire des Habsbourg et des Wittelsbach passionne à découvrir les textes peu connus consacrés à mon ami le prince héritier Rodolphe réunis dans Rodolphe. Les textes de Mayerling (BoD, 2020).

Voici le texte de présentation du recueil  (quatrième de couverture):

   Suicide, meurtre ou complot ? Depuis plus de 130 années, le drame de Mayerling fascine et enflamme les imaginations, et a fait couler beaucoup d'encre. C'est un peu de cette encre que nous avons orpaillée ici dans les fleuves de la mémoire : des textes pour la plupart oubliés qui présentent différentes interprétations d'une tragédie sur laquelle, malgré les annonces répétées d'une vérité historique définitive, continue de planer le doute.
   Comment s'est constituée la légende de Mayerling? Les points de vue et les arguments s'affrontent dans ces récits qui relèvent de différents genres littéraires : souvenirs de princesses appartenant au premier cercle impérial, dialogue politique, roman historique, roman d'espionnage, articles de presse, tous ces textes ont contribué à la constitution d'une des grandes énigmes de l'histoire.

Le recueil réunit des récits publiés entre 1889 et 1932 sur le drame de Mayerling, dont voici les dates et les auteurs :

1889 Les articles du Figaro
1899 Princesse Odescalchi
1900 Arthur Savaète
1902 Adolphe Aderer
1905 Henri de Weindel
1910 Jean de Bonnefon
1916 Augustin Marguillier
1917 Henry Ferrare
1921 Princesse Louise de Belgique
1922 Dr Augustin Cabanès
1930 Gabriel Bernard
1932 Princesse Nora Fugger

Le dernier récit, celui de la princesse Fugger, amie de la soeur de Mary Vetsera, est pour la première fois publié en traduction française. Il n'était jusqu'ici accessible qu'en allemand et en traduction anglaise.

Luc-Henri Roger, Rodolphe. Les textes de Mayerling, BoD, 2020. En version papier ou ebook (ebook en promotion de lancement).

Commande en ligne chez l'éditeur, sur des sites comme la Fnac, le Furet du nord, Decitre, Amazon, etc. ou via votre libraire (ISBN 978-2-322-24137-8)


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