dimanche 18 juillet 2021

L'inauguration du Walhalla. Un article de 1842. Le tableau et le poème de William Turner.

William Turner commémora l'ouverture du bâtiment
dans une toile en 1842 qui sera exposée en 1843

Walhalla — Inauguration in Journal de Toulouse, 16 octobre 1842

C’est le 18 de ce mois qu’aura lieu, aux environs de Ratisbonne la grande fête de l’inauguration du Walhalla. Toute l’Allemagne est conviée à cette solennité, et tous les hommes dont elle s’enorgueillit s’y donneront rendez-vous ; car le roi de Bavière doit y déployer une grande magnificence. Ce fut en 1806, il y a trente-six ans, alors que l’Allemagne apparaissait courbée sous la plus humble des conditions politiques, que le roi de Bavière actuel, jeune, mais pénétré d’admiration pour les grands hommes qui ont honoré sa patrie, conçut le projet du Walhalla. Il était à Berlin, de retour d’’un voyage en Espagne. Le célèbre Johannes Müller et quelques autres de ses compatriotes partagèrent l’enthousiasme du prince, et dès cette époque les sculpteurs dont les talents étaient connus commencèrent les bustes de plusieurs des grands hommes qui ont trouvé place dans ce nouveau temple de la Gloire.

Les événements de 1814, événements si fertiles en prodiges dans toute l’Europe et surtout en Allemagne, ajoutèrent encore à la résolution du prince Louis. Après la paix, croyant le moment propice, il invita tous les architectes à lui envoyer leurs plans ; mais aucun de ceux qui lui furent soumis ne fut approuvé. En 1816, l’architecte Léon de Klenze fut chargé d’en préparer de nouveaux. Fin 1821, celui qui a été si heureusement exécuté reçut l’approbation du roi.

Il avait été d’abord arrêté que le temple serait érigé dans le voisinage de Berchtesgaden, mais ce dessein fut par la suite abandonné. Plusieurs autres sites furent proposés, adoptés, puis rejetés. On songea pendant un temps au voisinage de Munich ; mais l’idée de Klenze, s’alliant plus intimement avec la pensée première du fondateur du Walhalla, fut adoptée, et en 1822 on arrêta que ce serait au bord du Danube, à la limite de l’empire romain dans la Germanie, près de Ratisbonne, capitale des Agilofinges, ou habitants de la Bavière.

De tous les genres grecs, le style dorique fut préféré. Par sa magnificence extérieure, l’aspect du monument devait agir puissamment sur les esprits et les préparer, comme une introduction, à la magnificence de l’intérieur. La grande galerie est destinée à recevoir les bustes et les noms de tous les hommes et de toutes les femmes qui, dans la guerre, dans les beaux-arts et dans les sciences, depuis les temps antiques jusqu’à nos jours, ont illustré leurs noms et leur patrie. Les matériaux les plus durables, tels que le marbre, le bronze, le fer, etc., y sont seuls employés, et dès 1821, époque à laquelle ce plan fut définitivement arrêté, les carrières de marbre de Untersberg, près de Salzbourg, commencèrent à être exploitées. Ce ne fut cependant que dix ans après, le 18 octobre 1830, que la première pierre de ce Panthéon, élevé à toutes les gloires de l’Allemagne, fut posée en présence du roi. M. de Schenck, alors ministre de l’intérieur, prononça à cette occasion un discours qui excita un vif enthousiasme.

Le Walhalla est situé au sommet du Bräuberg, montagne élevée de 84 mètres environ au-dessus du niveau du Danube, au lieu appelé Donaustauf, non loin de Ratisbonne. L’édifice repose sur des constructions cyclopéennes vraiment colossales. Six escaliers de marbre conduisent à de vastes terrasses. De ces terrasses la vue est superbe. Au nord-ouest est un petit bois de chênes qui abrite le monument contre les vents. À l’ouest, s’élèvent au loin des ruines imposantes, celles du vieux château de Staaf, dont les vieilles tours remontent au 11e siècle ; et, au nord, la vue se perd à l’horizon, sur des collines boisées qui se prolongent jusqu’aux immenses forêts de la Bohème.

Le Walhalla a 147 mètres de longueur, sa largeur est de 97 et sa hauteur de plus de 70. Le temple supérieur a 77 mètres de long, 37 de large et 21 de haut. À chacune de ces extrémités est un portique de 14 colonnes doriques de 12 mètres de hauteur et 2 mètres environ de diamètre. On se fera une idée de ces colonnes, quand on s'aura qu’on évalue le poids de chacune d’elles à 5,000 kilogrammes. Les blocs employés à l’architrave pèsent près de 13,000 kilogrammes.

Le bas-relief principal du tympan du fronton du portique présente un groupe de quinze figures allégoriques, emblème de la délivrance de l’Allemagne après la retraite de Russie. Au centre est une figure colossale, assise, représentant l’Allemagne avec une épée sur ses genoux et entourée des guerriers auxquels elle a donné le jour D’un côté sont l’Autriche, la Bavière ; de l’autre, la Prusse et le Hanovre, la Hesse, le Wurtemberg, la Saxe et Baden sont un peu plus loin sur le derrière. Les places fortes fédérales de Mayence, Landau, Luxembourg et Cologne, et les deux fleuves le Rhin et la Moselle, y sont personnelles. Le groupe placé sur le côté nord du portique représente la victoire des Chérusques sur les Romains. Le dessin et l’exécution sont de Schwanthaler. Au centre est la grande figure d’Arminius, du vainqueur de Varus, du libérateur de la Germanie. À sa droite sont trois chefs germains. Une Welleda et une Thusnelda versent de l’hydromel à un guerrier mourant. Varus, ne voulant pas survivre à la honte de sa défaite, se donne la mort ; près de lui est un porte-enseigne romain expirant, renversé sur le sol.

La grande salle de l’intérieur, destinée à toutes les illustrations de la vieille et de la nouvelle Allemagne, est de forme oblongue. Sa longueur est de 44 mètres, et sa largeur de 17. Les bustes sont disposés de manière à ce que l’œil puisse toujours en apercevoir le plus grand nombre, Chaque buste, de même dimension, occupe un espace égal. Le roi, le poète, le prélat vont de pair, sont placés sur le même rang. Ils sont tous égaux. Le seul ordre prédominant est l’ordre chronologique.

Au nombre des personnages illustres qui figurent dans ce Panthéon germanique, il en est dont la ressemblance n’a pas paru authentique. Dans ce cas, comme il était impossible de faire leurs bustes, leurs noms seuls en lettres de bronze doré ont été écrits sur de larges tablettes de marbre blanc. Environ cent bustes et soixante- quatre noms sont placés. Mais il y a des espaces préparés pour en recevoir un plus grand nombre. Alfred-le-Grand, roi d’Angleterre, et le vénérable Bède figurent dans ce temple. Dans la pensée du roi Louis, les Saxons qui ont envahi les îles britanniques ont des membres de la grande famille germanique. C’est le même principe qui a fait admettre dans le Walhalla Clovis et Charlemagne.

Ce sera certainement une grande fête pour toute l’Allemagne que l’inauguration du Walhalla. Les étrangers y afflueront de toutes les parties de l’Europe.

La toile de William Turner

Entre 1817 et 1844, Turner effectua sept voyages en Allemagne. A l'époque de Turner, l'Allemagne était composée de nombreux états différents, qui s'étaient constitués en une Confédération allemande en 1814 après la chute de Napoléon.

Cette peinture commémore l'inauguration en 1842 du temple Walhalla ("Wallhalla" dans l'orthographe de Turner), un bâtiment classique surplombant le Danube, construit sous les auspices du roi Louis Ier de Bavière comme symbole de l'unité nationale et en hommage aux grands Allemands du du passé.

Turner exposa la peinture à la Royal Academy de Londres en l'accompagnant de vers de son poème Fallacies of hope :

‘L’honneur au Roi de Bavière’:
Who rode on thy relentless car, fallacious Hope?
He, though scathed at Ratisbon, poured on
The tide of war o’er all thy plain, Bavare,
Like the swollen Danube to the gates of Wien.
But peace returns – the morning ray
Beams on the Wallhalla, reared to science, and
the arts,
For men renowned, of German fatherland.

Ce qui donne à peu près ceci en traduction libre :

"L'honneur au Roi de Bavière" :
Qui est monté sur ton char implacable, fallacieux espoir ?
Lui, bien qu'il ait été blessé à Ratisbonne, il a déversé
La marée de la guerre sur toute ta plaine, Bavière,
Comme le Danube en crue jusqu'aux portes de Vienne.
Mais la paix revient - le rayon matutinal
Rayonne sur le Wallhalla, élevé à la science, et et aux arts,
Pour des hommes renommés, de la patrie allemande.


Mes photos du Walhalla

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La Sylphide dans la version de Pierre Lacotte au Ballet d'État de Bavière — Quatrième partie

Maria Taglioni (1804-84) in  La Sylphide, Souvenir d'Adieu  (6 lithographies d'Alfred-Édouard Chalon, 1845) Nous poursuivons notre e...