mardi 31 mai 2022

Sic transit gloria mundi — La mort de Sissi dans À la recherche du temps perdu

 

Dans Le côté des Guermantes, la troisième partie d' À la recherche du temps perdu (huitième tome de l'édition NRF de 1919), le narrateur est invité pour la première fois à dîner chez le duc et la duchesse de Guermantes. La duchesse anime la soirée en faisant de l'esprit, ce qui consiste essentiellement à dire du mal de personnes connues des convives. On le lira, elle ne recule devant aucune méchanceté, et ne fait preuve d'aucune retenue lorsqu'elle parle des disparus. À un moment, son mari avance que leur neveu, le marquis de Saint-Loup, parle latin :
[...] — Il parle latin, enchérit le duc.
— Comment, latin ? demanda la princesse.
— Ma parole d’honneur ! que Madame demande à Oriane si j’exagère.

— Mais comment, madame, l’autre jour il a dit dans une seule phrase, d’un seul trait : « Je ne connais pas d’exemple de Sic transit gloria mundi plus touchant » ; je dis la phrase à Votre Altesse parce qu’après vingt questions et en faisant appel à des linguistes, nous sommes arrivés à la reconstituer, mais Robert a jeté cela sans reprendre haleine, on pouvait à peine distinguer qu’il y avait du latin là dedans, il avait l’air d’un personnage du Malade imaginaire ! Et tout ça s’appliquait à la mort de l’impératrice d’Autriche !

— Pauvre femme ! s’écria la princesse, quelle délicieuse créature c’était.

— Oui, répondit la duchesse, un peu folle, un peu insensée, mais c’était une très bonne femme, une gentille folle très aimable, je n’ai seulement jamais compris pourquoi elle n’avait jamais acheté un râtelier qui tînt, le sien se décrochait toujours avant la fin de ses phrases et elle était obligée de les interrompre pour ne pas l’avaler.

[...]

Un peu plus avant, il est question de la reine de Naples, la soeur de Sissi, que la princesse de Parme, présente à ce dîner, dit devoir visiter :

[...]

« Il faut justement que j’aille voir la reine de Naples, quel chagrin elle doit avoir ! » dit, ou du moins me parut avoir dit, la princesse de Parme. [...].

— Ah ! non, répondit la duchesse, ça, je crois qu’elle n’en a aucun.

— Aucun ? vous êtes toujours dans les extrêmes, Oriane, dit M. de Guermantes reprenant son rôle de falaise qui, en s’opposant à la vague, la force à lancer plus haut son panache d’écume.

— Basin sait encore mieux que moi que je dis la vérité, répondit la duchesse, mais il se croit obligé de prendre des airs sévères à cause de votre présence et il a peur que je vous scandalise.

— Oh ! non, je vous en prie, s’écria la princesse de Parme, craignant qu’à cause d’elle on n’altérât en quelque chose ces délicieux mercredis de la duchesse de Guermantes, ce fruit défendu auquel la reine de Suède elle-même n’avait pas encore eu le droit de goûter.

— Mais c’est à lui-même qu’elle a répondu, comme il lui disait, d’un air banalement triste : Mais la reine est en deuil ; de qui donc ? est-ce un chagrin pour votre Majesté ? « Non, ce n’est pas un grand deuil, c’est un petit deuil, un tout petit deuil, c’est ma sœur. » La vérité c’est qu’elle est enchantée comme cela, Basin le sait très bien, elle nous a invités à une fête le jour même et m’a donné deux perles. Je voudrais qu’elle perdît une sœur tous les jours ! Elle ne pleure pas la mort de sa sœur, elle la rit aux éclats. Elle se dit probablement, comme Robert, que sic transit, enfin je ne sais plus, ajouta-t-elle par modestie, quoiqu’elle sût très bien.

D’ailleurs Mme de Guermantes faisait seulement en ceci de l’esprit, et du plus faux, car la reine de Naples, comme la duchesse d’Alençon, morte tragiquement aussi, avait un grand cœur et a sincèrement pleuré les siens. Mme de Guermantes connaissait trop les nobles sœurs bavaroises, ses cousines, pour l’ignorer. [...]

Le jugement du narrateur vient de tomber : la duchesse faisait seulement de l'esprit, et du plus faux !

Giulio Cesare in Egitto de Haendel au théâtre Cuvilliés de Munich par l'ensemble Così facciamo - Les 1er, 3 et 4 juin

 

Après L`Orfeo (2008), Ariodante (2011), Dido & Aeneas (2013) et L'Incoronazione di Poppea (2016) l'ensemble Cosi facciamo revient au Théâtre Cuvilliés de la Résidence de Munich pour présenter le chef-d'œuvre de Georg Friedrich Händel, Giulio Cesare in Egitto, dans l'un des plus beaux théâtres rococo du monde ! La première au Théâtre Cuvilliés a lieu le 1er juin 2022, et deux autres représentations les 3 et 4 juin. Production scénique sur instruments d'époque avec des spirituals, du blues & du jazz de Georg Gershwin

Présentation de la metteure en scène

Giulio Cesare in Egitto (Londres 1724) - "Cafe Nireno" au bout du monde !
Jazz, drogues, sexe et business de la guerre, tout, à chaque instant, déborde de vie, d'émotions et d'intrigues ! L'action se passe au Caire, dans les années 20, les puissances mondiales s'affrontent dans un espace restreint. La présence de l'ennemi se rapproche, l'étrangeté et la mégalomanie, la soif de conquête de l'inconnu et le profond désir humain de domination, d'amour et de reconnaissance se frayent un chemin. La grandeur et la décadence d'un grand empire mondial sont toujours très proches l'une de l'autre - tout a un prix ! (Martina Veh)

Distribution

Giulio Cesare - Lena Spohn
Cleopatra - Stephanie Krug, Milena Bischoff
Sesto - Franziska Weber
Cornelia - Eva Summerer
Tolomeo - Joel Vuik
Achilla - Joel Frederiksen
Nireno - KS Christopher Robson
Curio - Nikolaus Maier

Mise en scène : Martina Veh
Direction musicale : Hans Huyssen

Décors - Stefan Wintersberger
Costumes Nikolaus Maier, 
Lumières - Wieland Müller-Hasslinger
Ensemble de musique ancienne et nouvelle Così facciamo
Ensemble de jazz avec Matthias Preißinger au piano et Stefan Schreiber au saxophone

Les 1er, 3 et 4 juin
Places restantes via München Ticket

lundi 30 mai 2022

Friedrich Ludwig von Sckell et le parc du château de Nymphenburg. Une exposition.

Le parc dessiné par Clemens von Zimmermann, vers 1810

Le parc 

Entre 1804 et 1823, Sckell fut chargé par le roi Max Ier Joseph de transformer l'ensemble baroque du jardin du château de Nymphenburg en un jardin paysager, tout en conservant les parties de l'ensemble situées dans l'axe central.

Les systèmes d'axes et d'allées réguliers et géométriques avec des cours d'eau et des bassins, des quartiers de haies, etc. furent ici remplacés par des éléments d'aménagement de forme naturelle, de grandes prairies avec des ondulations et des collines légères ou prononcées, des lacs, des étangs et des ruisseaux avec des rives et des îles naturellement formées ainsi que des chemins au tracé sinueux. Tous les arbres et arbustes ont été diversement disposés : arbres isolés, groupés, bosquets ou parties de forêt avec des clairières aux bordures en saillie ou en retrait.

Grâce à ce jeu de formes, Sckell créa des paysages différenciés et donc variés, comme par exemple le Blutenburger Durchblick et le Löwental. Le parc du château de Nymphenburg à Munich, important pour l'histoire des jardins, est aujourd'hui classé monument historique et paysage protégé.

Friedrich Ludwig von Sckell, C. v. Zimmermann,
vers 1810 (© Münchner Stadtmuseum)

Friedrich Ludwig von Sckell

Né en 1750 à Weilburg an der Lahn, dans le Land de Hesse, Friedrich Ludwig von Sckell était le plus remarquable des artistes de jardin de son époque. Il est mort à Munich en 1823.

Sckell a contribué à la diffusion dans le sud de l'Allemagne du jardin paysager d'inspiration anglaise, qui s'est implanté sur le continent européen au milieu du 18ème siècle.

Avec le Jardin anglais et le parc du château de Nymphenburg, il a laissé à Munich et aux Munichois deux ouvrages d'art paysager exceptionnels et mondialement connus. Les deux jardins sont placés sous la tutelle de l'État libre de Bavière.

Exposition Sckell

Une petite exposition retrace le travail de Sckell dans le parc de Nymphenburg. À visiter d'avril à la mi octobre entre 9 et 18 heures dans la serre des géraniums (Geranienhaus).

Source du texte : traduit du texte allemand du site du château de Nymphenburg.








Crédit photos © Marco Pohle & Luc-Henri Roger


Les Troyens d'Hector Berlioz au Théâtre national de Munich ou le triomphe de la musique

Marie-Nicole Lemieux — Choeur de la Bayerische Staatsoper

La nouvelle production des Troyens d'Hector Berlioz au Bayerische Staatsoper a été très diversement reçue : si une belle unanimité salue l'excellence de la direction musicale de Daniele Rustioni et de la prestation des chanteurs et des choeurs, la mise en scène de Christophe Honoré a été largement vilipendée tant par la critique que par de nombreux spectateurs qui pour certains ont quitté la salle parfois même sans attendre l'entracte, pour d'autres n'ont pas ménagé leurs huées et leurs véhémentes protestations.

La musique avant toute autre chose. Daniele Rustioni s'est basé sur l'état final de la  partition qu'il restitue intégralement à l'exception des entrées du troisième acte. Berlioz aurait certainement applaudi à cette direction d'orchestre, lui qui avait cru bon d'inscrire en tête de sa partition une note pour le moins sarcastique et enfiellée : 

« L'auteur croit devoir prévenir les chanteurs et les chefs d'orchestre qu'il n'a rien admis d'inexact dans sa manière d'écrire. Les premiers sont, en conséquence, priés de ne rien changer à leurs rôles, de ne pas introduire des hiatus dans les vers, de n'ajouter ni broderies ni appogiatures, dans les récitatifs ni ailleurs, et de ne pas supprimer celles qui s'y trouvent. Les seconds sont avertis de frapper certains accords d'accompagnement dans les récitatifs toujours sur les temps de la mesure où l'auteur les a placés, et non avant ni après. En un mot, cet ouvrage doit être exécuté tel qu'il est.» 

Daniele Rustioni, un Milanais de 39 ans, est aujourd'hui premier chef invité à Munich. Il avait participé à Londres à la supervision des Troyens en tant qu'assistant d'Antonio Pappano. Sans avoir à s'inquiéter des avertissements comminatoires du compositeur, il rend magnifiquement la riche palette et les couleurs éclatantes de l'orchestration complexe, fournie et travaillée de cette oeuvre qu'il a dans un entretien qualifié de " folle et schizophrène ", il en fait sonner ici la furore ou le caractère guerrier avec une énergie enthousiaste et sait en rendre là les délicatesses raffinées, l'érotisme et la lascivité. L'orchestre suit les indications minutieuses de son chef et rend magnifiquement bien les effets purement matériels voulus par Berlioz, comme les ondulations de la mer, le souffle de la brise marine ou l'écroulement des murs de Troie rendu par la descente des violoncelles en pizzicati. C'est d'une beauté confondante et magique, et les quatre heures que dure l'exécution musicale passent comme dans un rêve.

La distribution est tout aussi luxueuse, à commencer par la Cassandre de la contralto canadienne de Marie-Nicole Lemieux, qui interprète son personnage alarmé et sérieux avec une vigueur d'accent et une énergie extrêmes. Son jeu scénique accompli et la beauté de son timbre font oublier la limite de certains aigus. La projection, le phrasé et l'articulation sont de plus impeccables ; le texte se comprend parfaitement. Le baryton Stéphane Degout, qui avait fait sa prise du rôle à Bastille en 2019, donne un Chorèbe maîtrisé, nuancé et sensuel, tout en finesse, remarquable dans le délicieux andante que chante cet amant platonique pour apaiser la divinatrice. Ekaterina Semenchuk a repris le rôle de Didon que devait chanter Anita Rachvelishvili, souffrante. La Biélo-russe, dont la prise de rôle remonte à 2015 au Mariinsky, rend bien les accents de la reine de son mezzo sensuel, chaleureux et puissant. Elle se montre puissante et haineuse dans la fureur du dernier grand air. Cependant, son vibrato rend le chant peu transparent et l'articulation et le phrasé sont en défaut, ce qui nuit gravement au texte français que l'on ne peut comprendre. Mais l'expressivité du pathos l'emporte et la chanteuse reçoit des applaudissements nourris. Le duo de Didon et de l'excellente Anna de Lindsay Ammann est un moment d'exception dans cette soirée qui en comporte beaucoup. Avec la prodigieuse portée de sa voix puissante et sa vibrante présence, le ténor américain Grégory Kunde rend avec brio la complexité du personnage d'Énée, tendre et sensuel en amour mais guerrier acharné au combat, pris de doute au moment de la rupture, partagé entre le devoir et l'amour. La distribution des personnages secondaires est de tout premier ordre : l'Ascagne d'Ève-Maud Hubeaux recueille tous les suffrages, Jonas Hacker chante de son ténor clair et mélodieux l'émotion du matelot Hylas, enfant arraché au sol de sa patrie, Bálint Szabó en Narbas en impose par la prestance de sa haute stature et la puissance de sa basse, malgré le pantalon fuchsia ou fraise écrasée dont il est affublé. Enfin le ténor Martin Mitterrunzer interprète avec lyrisme le chant du barde Iopas.

La mise en scène de Christophe Honoré donne dans l'ensemble une vision cohérente des Troyens, si l'on accepte de dépasser le vaste conflit des Anciens et des Modernes qui marque la réception de la plupart des mises en scène allemandes contemporaines et si l'on veut bien prendre la peine de lire le livret de Berlioz. Les décors de Katrin Lea Tag sont sobres et évocateurs. L'espace scénique est pour la Prise de Troie pavé de grandes dalles grises brisées ou défoncées, avec des effondrements, et entouré d'un mur d'enceinte peu élevé de béton portant ça et là des traces d'incendie. En fond de scène est tendu un écran qui reçoit la photographie de la mer. Les Troyens et les Troyennes sont vêtus de longs manteaux noirs et portent des galeri, — ces chapeaux à large bord qu'arboraient aussi les presbytériens, — comme s'ils portaient déjà le deuil de leur cité. Christophe Honoré escamote le problème du cheval de Troie en le remplaçant par un mot, le mot Das Pferd (le cheval), écrit en de grandes lettres tremblées, formées de néons blancs, qui descendent des cintres et se meuvent de bas en haut, pour s'avancer ensuite quelque peu. Les choeurs, imposants par le nombre, sont quant à eux vêtus en habits de soirée, fracs et  robes noires, pour sans doute créer le lien avec le public et l'associer ainsi à l'action. Les lignes du décor troyen sont horizontales, donnant l'impression d'un vaste espace. La même grisaille caractérise la partie carthaginoise du récit, sauf que  les murailles carthaginoises, nettement plus élevées, et le sol sont intacts. La scène est construite en multiples terrasses de différentes hauteurs, autour d'une probable piscine. Les bains carthaginois à ciel ouvert donnent sur la Méditerranée que l'on aperçoit au travers d'une baie qui surplombe les terrasses. Pour les vêtements des Carthaginois, quand ils en portent, Olivier Bériot s'est inspiré de la mode estivale très colorée des années 1970.

Les Grecs vainqueurs
Le contraste entre la sobriété et la détresse des Troyens en guerre, en défaite puis en exil et l'oisiveté luxueuse et le désœuvrement des Carthaginois est patent. Christophe Honoré a voulu réaliser une mise en scène provocatrice en focalisant l'attention sur la sexualité et les amours homosexuelles. À la fin du deuxième acte, les Grecs vainqueurs envahissent Troie, porteurs de harnais de torse et de tête qui font penser aux déguisements sado-masochistes. Les vaincus deviendront les esclaves des Grecs. Plus tard à Carthage des hommes nus occupent les terrasses des bains, seule Didon parade en déshabillé coloré. Au quatrième acte, deux écrans diffusent des films pornographiques d'une partouze homosexuelle aux images explicites. Plus avant encore les scènes deviennent sado-masochistes avec blessures et mutilations réelles ou simulées et moulte hémoglobine, rappelant les performances des actionnistes viennois qui mettaient souvent en scène des corps mutilés. 

Cela peut paraître outrancier et hors de propos, mais on peut à la fois souligner que l'ambivalence sexuelle est attestée à Carthage, que la prostitution sacrée y était institutionnalisée et qu'on y pratiquait les sacrifices d'enfants aux dieux. Ensuite que le texte de Berlioz prête la capacité de semblables horreurs à Didon qui, ayant promis de prodiguer les soins d'une mère à Ascagne alors qu'Énée part au combat pour la défendre, une fois abandonnée souhaite " se venger d'Énée et lui servir enfin les membres de son fils en un hideux festin. "  Elle regrette de ne pas avoir "exterminé la race vagabonde de ces maudits, et dispersé sur l'onde les débris de leurs corps." Ailleurs dans le texte, Didon et Énée évoquent Andromaque que l' a vu épouser " l'assassin de son père, le fils du meurtrier de son illustre époux. " Ces propos dépassent de loin les jeux sexuels et leur théâtralisation, et personne ne semble s'en offusquer. Les provocations de Christophe Honoré sont en fait bien dans la ligne du texte et ne dépassent pas les atrocités que les séries télévisées policières allemandes diffusent à longueur de soirée. 

Au-delà des aspects conflictuels, il n'en reste pas moins que le Bayerische Staatsoper nous a offert un grand spectacle et une musique dirigée par un chef hors-pair et interprétée par des chanteurs et un choeur exceptionnels. Il est encore possible d'en écouter l'enregistrement via la radio en ligne BR-Klassik.

Fiche Munich, Bayerische Staatsoper, 29 mai 2022. Hector Berlioz, Les Troyens, opéra en cinq actes,livret du compositeur d’après l'Énéide de Virgile. Mise en scène : Christophe Honoré ; décor : Katrin Lea Tag ; costumes : Olivier Bériot. Avec : Marie-Nicole Lemieux (Cassandre) ; Emily Sierra (Hécube) ; Ève-Maud Hubeaux (Ascagne) ; Ekaterina Semenchuk (Didon) ; Lindsay Ammann (Anna) ; Stéphane Degout (Chorèbe) ; Martin Snell (Priam) ; Gregory Kunde (Énée) ; Bálint Szabó (Narbal) ; Martin Mitterrutzner (Iopas) ; Andrew Hamilton (Mercure) ; Jonas Hacker (Hylas) Chœur de l’Opéra d'État de Bavière ; Bayerisches Staatsorchester, direction : Daniele Rustioni

Crédit photographique © Wilfried Hösl 

dimanche 29 mai 2022

Vögel im Schlosspark Nymphenburg / 20 Bilder — Les oiseaux du parc de Nymphenburg / 20 photos























© Luc-Henri Roger & Marco Pohle



 

Una gondola in Monaco di Baviera — Laisse les gondoles à Venise — Ein Gondel im Schlosspark Nyphenburg




Sheila et Ringo Février 1973


Et pendant ce temps-là à Venise / Und in Venedig ...





Berlioz et Richard Wagner — Les Troyens et Tannhäuser à l'Opéra

Hector Berlioz tient dans ses bras ses Troyens
une caricature de Cham parue dans Le Charivari du 25 novembre 1863

Le musicologue et critique musical, Adolphe Jullien (1845-1932), contemporain de Berlioz et de Wagner, ne s'est jamais rangé dans les rangs de ces critiques qui se firent partisans de l'un ou de l'autre, mais a toujours voulu défendre les deux compositeurs, même si ses affinités le rapprochaient davantage de Berlioz. Dans son livre de 1882, Hector Berlioz: la vie et le combat, les œuvres, publié à Paris chez Charavay à Paris, il consacre un chapitre aux "deux génies ennemis"..

CHAPITRE VI — BERLIOZ ET RICHARD WAGNER — LES TROYENS ET TANNHÄUSER À L'OPÉRA     
LA CORRESPONDANCE DE BERLIOZ. — LE PÈRE ET l'AMI. — UN BERLIOZ ADOUCI. — UNE LETTRE SUR MOZART. — SON JUGEMENT SUR HÉROLD. — UN MARIAGE A GRENOBLE EN 1879. — DEUX GÉNIES ENNEMIS. — L'ÉPOPÉE DES TROYENS ET l'INTRUSION DE TANNHAUSER. — DÉBORDEMENT DE BILE CHEZ BERLIOZ. — SA VENGEANCE IMAGINAIRE ET SON CRUEL CHATIMENT. 

    Berlioz avait réglé et préparé lui-même la publication de ses Mémoires puisqu'après les avoir fait imprimer de son vivant et en avoir donné ou plutôt prêté trois ou quatre exemplaires à des amis sûrs, il avait ordonné que l'édition entière fût déposée en lieu secret pour être mise en vente seulement une année après sa mort. Il ne dit donc rien dans ses Mémoires qu'il n'ait voulu dire, et il l'explique à sa façon. Sa Correspondance inédite qu'on vient de publier forme, a-t-on dit, le commentaire intime de ses Mémoires, elle les éclaire, explique et complète. M'est avis que Berlioz se serait bien passé qu'on fit ainsi la  lumière sur ses plus secrètes pensées, sur les moindres faits de sa vie et qu'on mit au grand jour ce qu'il s'était efforcé de cacher ou tout au moins de laisser dans un demi-jour discret ; mais il est bon que ce livre ait paru (1). 
     Avec les gens du caractère et du tempérament de Berlioz, moins les choses ont d'apprêt, plus elles ont de saveur, et c'est bien pour cela que ses lettres familières, avec leurs explosions de haine et d'amour, sont encore plus fertiles en révélations piquantes que les Mémoires un peu trop écrits en vue de ses intérêts posthumes. Il est seulement regrettable que des gens trop timorés aient cru devoir taire les noms des petits grands hommes que Berlioz crible des traits les plus acérés. Heureusement que cette discrétion ne trompe personne, et qu'il est on ne peut plus facile de remplacer tous ces points par des noms précis : c'est même comme un attrait de plus pour piquer la curiosité du lecteur. 
    Berlioz se montre dans ses lettres un père excellent, un ami parfait. Cet homme, si absolu, si bougon, si rogue avec la plupart des gens qu'il coudoyait dans la vie, devenait tendre et humble avec son fils ; il descendait aux supplications les plus touchantes pour fortifier dans le bien ce garçon qui était en somme un assez triste sire et qui lui rendait la vie bien malheureuse. De même en amitié. Comme tous les gens qui ne se révèlent qu'à certains cœurs d'élite et qui, par leur raideur habituelle, se rattrapent de leur douceur extrême envers quelques-uns, Berlioz avait des raffinements de tendresse pour ses très-rares amis. 
   Et celui-là n'avait-il pas observé sur lui-même combien l'affection la plus vive naît et s'affermit vite entre esprits jumeaux, celui-là n'avait-il pas le culte de l'amitié qui écrivait un jour à Léon Kreutzer: "Permettez-moi de vous dire encore que ce parallélisme de sentiments et d'idées qui me semble évidemment exister chez nous deux a développé et renforcé l'amitié que je ressentais pour vous, sans que, je puis le jurer, la satisfaction égoïste de l'amour-propre y soit pour rien. Non, il est naturel d'aimer les cœurs qui battent dans le rythme du nôtre, les esprits qui volent vers le point du ciel où nous voudrions pouvoir voler, autant qu'il l'est, c'est triste à dire, d'éprouver de l'antipathie pour les êtres divergents, rampants, négatifs et très positifs. Pardon de ce jeu de mots, qui a l'air de rendre mon idée..."     Cette correspondance, aussi romanesque que romantique et qui passe sans transition de la fantaisie la plus folle à la retenue la plus académique, vient à point aujourd'hui que Berlioz est enfin salué par tous comme un compositeur de génie ; mais il ne faudrait pas, pour les besoins de la cause et pour le rendre agréable à plus de gens, le représenter comme un tendre mouton [...] Berlioz, sans ses haines implacables et ses enthousiasmes fous, ne serait plus Berlioz ; un compositeur vaut uniquement par ce qu'il crée, non par ce qu'il aime, et d'ailleurs les plus médiocres musiciens comme les plus grands n'aiment le plus souvent que leur propre musique, en quoi les premiers ont complètement tort. Peu importe donc que Berlioz aimât Cimarosa, Mozart, Hérold et le reste [...]
    Pour Mozart en particulier, s'il ne l'aimait guère, il le connaissait bien. Mon savant confrère Charles Bannelier, ayant remarqué une analogie assez curieuse, mais sûrement fortuite, entre une certaine succession harmonique, dans la partition des Troyens à Carthage et un passage de l'allégro de la symphonie en sol mineur de Mozart (p. 18, mesure 5, de l'édition Breitkopf), passage souvent controversé, la lui signala, en demandant son avis sur la correction qu'il pouvait convenir d'apporter au texte de la symphonie. Et Berlioz répondit par ce billet: « Le passage en question est marqué, avec tant de soin (la bécarre cinq fois) dans la symphonie de Mozart que je n'oserais le corriger. Tout ce que je puis vous dire, c'est que l'accord de ré mineur avec quinte juste est là tout à fait affreux. Il y a une faute très grave dans l'andante, où se trouvent quatre mesures de trop, produites par la répétition du même passage. Vérifiez cela ; etc.. (2) » Le tout scellé d'un gros cachet rouge avec la tête de Beethoven. 
    [...]
  Berlioz, dans ses Mémoires, garde le silence le plus complet sur ses rapports et sa brouille avec Richard Wagner. Sa Correspondance en apprend davantage, et c'est là encore de l'actualité au moment où son Roméo et Juliette s'affermit dans la faveur publique ; car, entre toutes les œuvres de Berlioz, c'est dans celle-là, je l'observais aux dernières auditions, que Wagner a rencontré le plus de pages dont il devait s'inspirer. Certains passages saillants, comme le début du Convoi funèbre de Juliette, qui me rappelle le prélude du troisième acte de Tristan et Iseult ; comme le finale du serment de réconciliation, qui n'est pas sans analogie avec le chœur des pèlerins, de Tannhäuser prouvent combien Wagner a su profiter de Berlioz pour le maniement de l'orchestre. Le tort de Berlioz fut de ne pas profiter autant de Wagner pour la conception du drame, au lieu de lui vouer une haine mortelle qui se traduisit par les rancunes les plus étroites et les procédés les plus mesquins ; sa correspondance intime fait peine à lire à cet égard. Combien n'est-il pas regrettable, en somme, que de ces deux génies ennemis, un seul soit glorifié en France et qu'on injurie toujours l'autre.
    Il me revient par les journaux belges qu'un fait artistique assez curieux s'est passé dernièrement dans une des principales villes de France, à Grenoble. Un mariage y fut célébré et les deux fiancés, gens, paraît-il, d'opinions très arrêtées en musique, demandèrent à l'organiste d'exécuter exclusivement des morceaux de Wagner (3). Mes confrères de Bruxelles, très dévoués pour la plupart aux idées wagnériennes, concluent de ce petit fait que la musique de Wagner a dû faire de sérieux progrès dans la société française, malgré le silence obstiné des théâtres, et en cela ils n'ont pas tout à fait tort ; mais un acte isolé, si honorable qu'il soit pour ceux qui l'ont provoqué, n'implique pas que le temps soit arrivé déjà de reprendre Tannhäuser et de monter Lohengrin à Paris. Ce qui a blessé, outré, exaspéré Berlioz de son vivant, ce fut de voir Tannhäuser primer ses chers Troyens ; au train dont vont les choses, on reprendra sûrement les Troyens avant de jouer Lohengrin et le pauvre grand homme sera consolé, — s'il en reçoit quelque nouvelle au delà du tombeau. 
    La rupture définitive entre Wagner et Berlioz eut lieu à propos des concerts donnés par le premier au Théâtre-Italien en 1859, mais les premières marques de mécontentement de Berlioz remontent précisément à répoque où, se donnant tout entier à la composition des Troyens, il commençait à discerner combien il lui serait difficile de le faire jouer à l'Opéra de Paris. Dès 1857, il est dans toute la fièvre de la composition ; il parle de sa tragédie antique à M. Bennett, le père de Théodore Ritter, à M. Auguste Morel, à Hans de Bulow. À défaut de la musique, il lit son poëme dans les salons, tantôt chez M. Edouard Bertin, tantôt chez lui-même, et il en reçoit partout les plus chaudes félicitations. À une des soirées des Tuileries, l'impératrice lui en parle longuement et il se propose de le lire plus tard aux souverains, si l'empereur trouve jamais une heure de liberté, mais seulement quand trois actes seront achevés, de façon qu'on en puisse ordonner l'étude immédiate à l'Opéra. 
    Ce théâtre était alors régi par l'Etat, sous la direction d'Alphonse Royer, et il faut voir comment Berlioz en parle dans ses lettres : " L'Opéra a toujours du monde ; on ne peut pas empêcher le public d'y aller. Dès lors, une suffisance et une nonchalance dans l'administration qui dépassent tout ce que vous pouvez vous figurer. Pourvu qu'on joue régulièrement quatre ou cinq fois par mois, la Favorite, paroles de M. le directeur, et Lucie, paroles de M. le directeur, tout va bien. En ce moment, tout va mieux encore; on monte la Magicienne, paroles de M. le directeur.., attribuées à M. de Saint-Georges..."               Commence l'année 1858. À quatre jours de distance, en janvier, Berlioz écrit une longue lettre très-affectueuse et remplie de détails circonstanciés sur les Troyens à M. Hans de Bulow, avec lequel il était dans les meilleurs termes, et une autre à son fils, où il lui dit : " ... J'ai reçu, il y a quelques jours, une longue lettre de M. de Bulow, l'un des gendres de Liszt, celui qui a épousé Mlle Cosima. Il m'apprend qu'il a donné sous sa direction un concert à Berne et qu'il y a fait exécuter avec grand succès mon ouverture de Cellini, et le petit morceau de chant : Le jeune pâtre breton. Ce jeune homme est l'un des plus fervents disciples de cette école insensée qu'on appelle en Allemagne l'école de l'avenir. Ils n'en démordent pas et veulent absolument que je sois leur chef et leur porte-drapeau. Je ne dis rien, je n'écris rien, je ne puis que les laisser faire ; les gens de bon sens sauront voir ce qu'il y a de vrai..."
    Dans la même lettre à son fils, Berlioz parle d'une nouvelle lecture du poëme des Troyens qu'il a faite chez Hittorf, son confrère à l'Institut, devant une grande réunion de peintres, statuaires et architectes, devant M. Blanche, secrétaire du ministre d'Etat, et M. de Mercey, directeur des beaux-arts. «... J'ai eu un véritable succès, écrivait-il ; on a trouvé cela grand et beau, on m'a interrompu par des applaudissements. Enfin, cela m'a rendu un peu de courage pour terminer mon immense partition. »            Deux ou trois mois plus tard, il se rend à une réception des Tuileries, non sans arrière-pensée, à coup sûr : l'empereur le voit, l'aborde, lui demande des nouvelles de son opéra et l'assure qu'il lui plairait beaucoup d'en avoir connaissance. Berlioz, tout heureux, se propose de demander audience pour la semaine suivante, à seule fin de lire son poème au souverain, et il ajoute tristement, en mandant cette nouvelle à son fils : « J'ai bien des choses à dire à l'empereur ; Dieu veuille que je n'oublie pas les plus essentielles ! Les chances paraissent peu favorables pour faire monter mes Troyens à l'Opéra. Il est question d'y donner, l'an prochain, un grand ouvrage d'un amateur, le prince Poniatowski !!!» 
    Le pauvre désabusé ne voyait que trop juste : autant de lettres, à dater de ce jour, autant de mauvaises nouvelles du genre de celle-ci... " Ici, rien de nouveau ; à l'heure qu'il est, on refait encore certaines scènes d'Herculanum... Les Troyens sont toujours là, attendant que le théâtre de l'Opéra devienne praticable. Aujourd'hui, nous avons le prince Poniatowski ; après le prince, nous aurons le duc de Gotha et, en attendant, on traduira la Semiramide de Rossini."
    Et c'est pendant qu'il languissait ainsi, pendant que, las de refus et de rebuts, il se résignait à entrer en pourparlers avec M. Carvalho pour faire jouer son opéra tout là-bas, sur les bords de la Seine, au Châtelet, qu'un ordre impérial ordonnait la mise à l'étude et la représentation immédiate de Tannhäuser à l'Opéra. À cette nouvelle, Berlioz ne se connaît plus de rage, et chacune de ses lettres contient quelque bordée d'injures à l'adresse de Wagner.
   " Il se passe en ce moment des choses étranges dans notre monde de l'art. On ne peut pas sortir à l'Opéra des études de Tannhäuser de Wagner ; on vient de donner à l'Opéra-Comique un ouvrage d'Offenbach (encore un Allemand) que protège M. de Morny. Lis mon feuilleton qui paraîtra demain sur cette horreur. " 
    — "... L'opinion publique s'indigne de plus en plus de me voir laissé en dehors de l'Opéra quand la protection de l'ambassadeur d'Autriche y a fait entrer si aisément Wagner. "
    — "Wagner fait tourner en chèvres les chanteuses, les chanteurs, l'orchestre et le chœur de l'Opéra. On ne peut pas sortir de cette musique de Tannhäuser. La dernière répétition générale a été, dit-on, atroce et n'a fini qu'à une heure du matin. Il faut pourtant qu'on en vienne à bout. Liszt va arriver pour soutenir l'école du cha- rivari... " 
    — " ... On est très ému dans notre monde musical du scandale que va produire la représentation de Tannhäuser : je ne vois que des gens furieux, le ministre est sorti de la répétition dans un état de colère!... L'empereur n'est pas content ; et pourtant il y a quelques enthousiastes de bonne foi, même parmi les Français, Wagner est évidemment fou, il mourra comme Jullien est mort l'an dernier, d'un transport au cerveau. Liszt n'est pas venu, il ne sera pas à la première représentation; il semble pressentir une catastrophe. Il y a, pour cet opéra en trois actes, 160,000 fr. de dépensés à l'heure qu'il est. Enfin, c'est vendredi que nous verrons cela. Comme je l'ai dit, je ne ferai pas d'article là-dessus, je le laisse faire à d'Ortigue. Je veux protester par mon silence, quitte à me prononcer plus tard si l'on m'y pousse. "
    La représentation eut lieu effectivement le mercredi 13 mars 1861, et Berlioz écrivait le lendemain matin à sa chère amie Mlle Massart : " Ah ! Dieu du ciel, quelle représentation ! Quels éclats de rire ! Le Parisien s'est montré hier sous un jour tout nouveau ; il a ri du mauvais style musical, il a ri des polissonneries d'une orchestration bouffonne, il a ri des naïvetés d'un hautbois ; enfin, il comprend donc qu'il y a un style en musique. Quant aux horreurs, il les a sifflées splendidement. " 
    Et sept jours après, à son fils : « La deuxième représentation de Tannhauser a été pire que la première. On ne riait plus autant, on était furieux, on sifflait à tout rompre, malgré la présence de l'empereur et de l'impératrice qui étaient dans leur loge. L'empereur s'amuse. En sortant, sur l'escalier, on traitait tout haut ce malheureux Wagner de gredin, d'insolent, d'idiot. Si l'on continue, un de ces jours, la représentation ne s'achèvera pas et tout sera dit. La presse est unanime pour l'exterminer. Pour moi, je suis cruellement vengé !!! » 
     Il fut surtout puni de sa conduite inqualifiable envers Wagner, lui qui n'avait pas compris qu'en aidant à la chute de Tannhäuser il assurait celle des Troyens à courte échéance, auprès d'un public qui devait exalter les deux novateurs, sans discerner, ou les exterminer tous deux. On les mettait si bien dans le même sac, eux et leurs opéras, que Cham, dans le Charivari, fit une caricature représentant Tannhäuser, en bébé, demandant à voir son petit frère les Troyens. Et cependant Berlioz poussait si loin la haine et l'aveuglement en ce qui concernait Wagner qu'il crut d'abord avoir fait place nette à son profit en renversant Tannhäuser. Il se berçait d'illusions encore et toujours ; il faisait chanter quelques scènes chez M. Bertin pour tromper son impatience; il écrivait même un beau soir : « Les Troyens sont décidément admis à l'Opéra. Mais il y a Gounod et Gevaert à passer avant moi ; en voilà pour deux ans. Gounod a passé sur le corps de Gevaert, qui devait être joué le premier. Et ils ne sont prêts ni l'un ni l'autre ; et moi je pourrais être mis en répétition demain ! » Combien d'autres que M. Gounod lui passèrent sur le corps, à lui et à Gevaert ! De guerre lasse, ces malheureux Troyens abordèrent enfin au Théâtre-Lyrique, où ils échouèrent au port: la ruine de cet opéra payait la ruine de l'autre. Et Berlioz mourut de cette catastrophe. 
    Wagner, à son tour, était cruellement vengé.

(1) Correspondance inédite de Hector Berlioz (1819- 1868) avec une notice biographique par M. Daniel Bernard (Un vol. in-8, Calmann Lévy, 1879).
(2) N'en déplaise à Berlioz, la faute qu'il indique est bien connue et corrigée depuis longtemps.
(3) « Un fait caractéristique et qui montre combien la musique de Richard Wagner gagne de terrain dans la société française, malgré le silence des théâtres, vient de se passer dans une des grandes villes de France. Le premier lundi de janvier, on célébrait à Grenoble, en l'église Saint-André, le mariage de Mlle Marie Martin, fille de l'adjoint au maire de la ville, avec M. Léopold Gravier, sous-préfet de l'arrondissement de Toulon, et, sur la demande expresse des fiancés, l'organiste Duprey a dû exécuter, sauf un motif favori de Faust, seulement des morceaux de Richard Wagner : le chœur des fiançailles de Lohengrin, la marche religieuse du même opéra, la grande marche de Tannhäuser, enfin la prière de Rienzi. Donc, un seul morceau de Gounod contre quatre de Wagner : on ne dira plus que la province est en retard sur la capitale. Et cela se passait dans le Dauphiné, dans le propre pays de Berlioz ! L'ombre du pauvre grand homme a dû frémir de cet hommage rendu sur ses terres au génie d'un rival détesté.» (Le Guide Musical de Bruxelles ; l'Artiste, de Bruxelles; etc., janvier 1879.)

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