vendredi 3 juin 2022

Don Giovanni dans la mise en scène d'Herbert Föttinger au Theater-am-Gärtnerplatz. Une reprise à ne pas manquer !

 

Don Giovanni (Mathias Hausmann) 

Reprise du Don Giovanni de Mozart du théâtre de la Gärtnerplatz dans la belle production qu'Herbert Föttinger avait mise en scène en 2017 et dont le succès s'est jamais démenti depuis sa création. Les décors de Walter Vogelweider placent l'action dans une atmosphère de cimetière : la scène tournante reçoit trois temples mortuaires triangulaires comportant quatre portes porteuses de bas-reliefs et pour l'un d'entre eux un mur couvert d'un bas-relief bétonné qui donne à voir le sinistre tableau de corps empilés. Le temps s'est évaporé comme l'indiquent des horloges sans aiguilles. Entre deux mausolées un grand crucifix. C'est à l'intérieur d'un des édicules que le père de Dona Anna sera tué. Des fleurs, des bougies de saintes statuettes viendront honorer la mémoire du disparu, mais Don Giovanni n'en aura cure : pense-t-il en s'allongeant au milieu des objets votifs que bientôt il en finira avec cette vie dont il s'est depuis longtemps lassé.

Le baryton autrichien Mathias Hausmann s'était affirmé dans le rôle-titre en 2017 et il en donne aujourd'hui une interprétation encore plus affinée et mûrie, celle d'un personnage désabusé qui a tâté de tous les plaisirs et qui continue dans sa quête sans plus y croire. Il n'est plus une séduction, il n'est plus une perversion dont il n'ait fait l'expérience, ainsi de cette espèce d'indifférence et de froideur désinvoltes alors qu'il vient d'assassiner le père d'une de ses conquêtes. En fin d'opéra, Herbert Föttinger ne le confrontera pas avec la statue du commandeur qui s'anime pour l'inciter au repentir: C'est le grand Christ qui en fera fonction dans une scène inventive : dans une déposition de croix, Don Giovanni installera le corps du crucifié sur ses genoux, — une pietà à rebours, — et poussera l'impiété jusqu'à lui proposer de trinquer, tendant au corps de Jésus un verre de vin rouge. Une voix off, celle de Sava Vemić  qui fait cette année sa prise de rôle, admoneste sans grand effet le séducteur impénitent qui finira par se donner lui-même la mort par un suicide au revolver.

Solistes, choeur, orchestre et figurants 

Mais Mozart n'a pas écrit la tragédie de l'ennui, même si ce dernier mine le rôle-titre. C'est un dramma giocoso, un drame joyeux à la musique emportée et entraînante  et le livret percutant de Lorenzo da Ponte mène l'action à un rythme effréné. Deux autres membres de la troupe ont fait des splendides prises de rôle. Et, à tout seigneur tout honneur, c'est d'abord le Leporello de Timos Sirlantzis, un bayrton-basse grec que le magazine britannique Opera Now vient de classer parmi les 20 meilleures étoiles montantes au niveau mondial, et qui fait des débuts époustouflants de présence scénique. Un Leporello dont le vêtement et la gestuelle parleront bien aux nombreux jeunes présents dans la salle : tunique à capuche, baskets, ordinateur et téléphone portables. Le fameux catalogue est enregistré et Leporello invite Dona Elvira à le découvrir sur l'écran de son  ordinateur. Donna Elvira, une autre révélation de la soirée, une autre prise de rôle avec avec la brillante interprétation de Mária Celeng qui rivalise de vocalises enflammées et de fougue avec le glorieux soprano de Jennifer O'Loughlin en Donna Anna. Aux côtés de ces quatre voix puissantes se profile avec beaucoup de finesse la Zerlina de Sophie Mitterhuber avec l'enchantement de son soprano léger. Le Masetto d'Alexandre Grassauer est plus retenu, malgré l'excitation de son enterrement de vie de garçon où il s'est vu offrir une cuirette aux seins nus. Pas mal de seins nus aussi dans la transformation progressive des invités à cette noce que détourne à profit Don Giovanni. L'excellent costumier du Theater-am-Gärtnerplatz, Alfred Mayerhofer s'en est donné à coeur joie en travestissant les hommes de la noce qui portent les mêmes jupes colorées, les mêmes hauts talons et les mêmes masques pailletés d'or que les femmes. La direction d'orchestre alerte d'Anthony Bramall, l'enjouement et l'engagement des choeurs, la complicité de toute la troupe, tout concourt à faire passer une soirée exceptionnelle dans ce théâtre au dynamisme légendaire.

Représentation du 2 juin. Direction d'orchestre, Anthony Bramall ; Mise en scène, Herbert Föttinger ; Décors, Walter Vogelweider; Costumes, Alfred Mayerhofer ; Lumières, Michael Heidinger ; Dramaturgie, David Treffinger ; Don Giovanni, Mathias Hausmann ; Donna Anna, Jennifer O'Loughlin ; Don Ottavio, Gyula Rab ; Commandeur, Sava Vemić ; Donna Elvira, Mária Celeng ; Leporello, Timos Sirlantzis ; Masetto, Alexandre Grassauer ; Zerlina, Sophie Mitterhuber ; Chœur et figurants du Staatstheater am Gärtnerplatz ; Orchestre du Staatstheater am Gärtnerplatz.

Crédit photos  © Thomas Dashuber

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le Ballet d'État de Bavière remonte le temps — La Sylphide de Filippo Taglioni comme en 1832

Créée au début des années 1830 par Filippo Taglioni, La Sylphide est, avec Giselle , l'un des jalons du ballet romantique. Les créateur...