lundi 16 novembre 2020

Les Funérailles du Roi Vierge, un poème de Joseph Mélon

 En 1911, Joseph Mélon publiait dans Les Cahiers de la Quinzaine (treizième série, cahier 10) son recueil L'ami désabusé dans lequel figure le long poème Les Funérailles du Roi Vierge, dont je reproduis ici l'entame et la cauda. Les Cahiers de la Quinzaine étaient une revue fondée et dirigée par Charles Péguy.


Les Funérailles du Roi Vierge 

à Paul Hervieu, 
de l'Académie Française 

Des cygnes dans la nuit sous le dais sidéral 
Longtemps ont attendu le cadavre royal, 
Et leur troupe, en blancheur ornementait la berge 
Où, pour l'ultime fois, passerait le roi vierge. 
Il n'est plus, car un fourbe et souple esprit des eaux 
Qui darde un regard vert sous des cils de roseaux, 
A, d'un souffle glacé, dans la gorge héroïque. 
Fait pénétrer la mort, profond comme une pique. 

Des anges, aussitôt, ont tendu dans l'éther 
Un funèbre vélum qui couvre terre et mer 
Et creuse, en s'accrochant aux monts comme pilastres, 
Un dôme solennel que décorent les astres ; 
Puis, ayant revêtu de feux casqués leur front, 
Ils vinrent se poster au seuil de l'horizon, 
Et, de leur glaive d'or qui salue et protège,
Se firent les hérauts du tragique cortège.

[...]
 
La nuit qui flamboyait tragique et constellée,
Couvrit le désarroi de la troupe zélée. 
Des hiboux voletaient sur son front pâlissant, 
Et le vent du matin détacha son croissant ; 
On le vit, lentement, ainsi qu'une nacelle 
Descendre sur le lac étonné qui recèle 
Sous les rigides plis d'un manteau clair et froid 
Le cadavre isolé de celui qui fut roi... 

Et le jour ne vit point l'indicible mystère 
Qui du plus pur époux, rendit veuve la Terre 

Or, Midi délaissant ses tentes d'outremer, 
Marchait éblouissant sur la terre et la mer. 
Des rayons de soleil paraient ses tempes brunes 
Et son talon broyait les heures importunes. 
Tout au loin, les cités, les champs, les archipels
Retentissaient du cri des bêtes, des appels 
Ardents, rauques ou doux, de l'Homme vers la vie 
Et les félicités où l'instinct le convie. 
Le flot en soupirant apportait ses poissons. 
Les chars avaient des fleurs couronnant les moissons, 
Des fruits se suspendaient aux branches les plus frêles, 
Et les jeunes amants captaient des tourterelles. 
Des cortèges lascifs, au bruit des tympanons 
Faisaient danser comme eux des boucs et des ânons,
Et Bacchus, couronné de grappes et d'absinthes
S'endormait soutenu par des femmes enceintes. 
L'œgipan découvrait en criant : « évohé ! » 
Daphnis, sous les rameaux, faisant gémir Chloé ! 
L'épanouissement gagnait la bien-aimée, 
Et les feuilles baisaient de leur langue pâmée L'Azur !


De nombreux poètes français ont consacré un ou plusieurs poèmes au roi Louis II de Bavière. Vous pouvez les découvrir dans le recueil que j'ai publié cette année chez BoD.



Invitation à la lecture

Pour lire un extrait, cliquer sur l'ISBN  sous l'image


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