mercredi 30 juin 2021

König Ludiwg II. Denkmal — Partenkirchen — 18 Bilder / 18 photos — Le monument au roi Louis II de Bavière



















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[DE]

Hedwig Brand (Courths-Mahler) 
König Ludwig und sein Schützling
ISBN-13: 9783753464282
Books on Demand

Hedwig Courths-Mahler veröffentlicht ihren romantischen historischen Roman "König Ludwig und sein Schützling" unter dem Pseudonym Hedwig Brand. Das Buch erschien 1911 bei Richard Hermann Dietrich in Dresden, am 25. Jahrestag des tragischen Todes des Königs, der sich am 13. Juni 1886 im Starnberger See ereignete. Der Schützling des Königs ist das Kind eines Försterehepaares, das in einem Wald bei Schloss Hohenschwangau lebte. Der König freundet sich bei einer zufälligen Begegnung mit dem Mädchen an und will ihr die bestmögliche Ausbildung zukommen lassen. Das kleine Mädchen, Walpurga Malwinger, genannt Burgerl, war musikalisch und gesanglich begabt und der König förderte ihre musikalische Ausbildung. Das Kind wuchs zu einer schönen jungen Dame heran. Eines Tages hörte Richard Wagner sie singen und geriet sofort in den Bann ihrer wunderbaren Stimme.
Ein Buch, das Freunde von Ludwig II. und Richard Wagner begeistern dürfte.

[FR]

Hedwig Brand (Courths-Mahler) 
La pupille du roi Louis II de Bavière

C'est en 1911 que Hedwig Courths-Mahler publia son roman sentimental historique König Ludwig und sein Schützling (« La pupille du roi Louis II de Bavière ») sous le pseudonyme d'Hedwig Brand. 110 ans après sa publication ce roman wagnérien est enfin traduit en français.


La protégée du roi est l'enfant d'un couple de forestiers vivant au coeur d'une forêt proche du château de Hohenschwangau. Au hasard d'une rencontre, le roi se lie d'amitié avec la petite fille au point de vouloir lui assurer la meilleure des formations scolaires possible. La petite fille, Walpurga Malwinger, dite Burgerl, est douée pour la musique et le chant et le roi favorise sa formation musicale. L'enfant grandit et devient une ravissante jeune fille. Un jour le hasard veut que Richard Wagner l'entende chanter et tombe immédiatement sous le charme de sa voix merveilleuse...

Un conte initiatique qui devrait ravir les amis de Louis II et de Richard Wagner.

Pour lire un extrait et/ou commander le livre, cliquer sur https://www.bod.fr/librairie/la-pupille-du-roi-louis-ii-de-baviere-hedwig-courths-mahler-9782322230464





Villa Strauss in Garmisch / La villa Strauss (2) — La tombe de Guntram / Guntrams Grabmal


[DE] Straußscher Humor

Eines Tages beschloss Richard Strauss, seinen erstgeborenen Sohn Guntram zu begraben, der vom Orchester des eigenen Vaters brutal ermordet worden war. Guntrams Grab befindet sich auf dem Gelände der Strauß-Villa im oberbayerischen Garmisch, einem privaten Park, der nicht öffentlich zugänglich ist.

Das Grab wird von einem naiven Gemälde der Villa der Familie Strauss überragt und trägt die folgende, in gotischer Schrift gemalte Inschrift:

hier ruht
der ehr- und tugendsame Jüngling
GUNTRAM,
(Minnesänger)
der vom symphonischen 
Orchester seines eigenen
Vaters Grausamkeit 
wurde erschlagen
Er ruhe in Frieden

Es wird erzählt, dass Guntrams Vater einige Seiten der Partitur seiner Oper an dieser Stelle vergraben hat. Aber seine Nachkommen versichern mir, dass dies nicht der Fall ist. Solange die Exhumierung nicht durchgeführt wurde, werden wir das letzte Wort über dieses Geheimnis der Geschichte nicht kennen...

Übersetzt mit www.DeepL.com/Translator (kostenlose Version)

[FR] Humour straussien

Un beau jour, Richard Strauss décida d'enterrer Guntram, son premier né, qui avait sauvagement été assassiné par l'orchestre de son propre père. La tombe de Guntram se trouve dans le parc de la villa Strauss à Garmisch en Haute-Bavière, un parc privé dont la visite n'est pas autorisée au public.

La tombe est surmontée d'une peinture naïve, qui représente la villa de la famille Strauss entourée de deux anges orants, et porte l'inscription suivante, peinte en caractères gothiques :

hier ruht
der ehr- und tugendsame Jüngling
GUNTRAM,
(Minnesänger)
der vom symphonischen 
Orchester seines eigenen
Vaters grausam 
erschlagen wurde
Er ruhe in frieden

(Ici repose Guntam (Minnesänger), un  jeune homme honorable et vertueux, qui fut assassiné par l'orchestre symphonique par l'orchestre symphonique de son propre père. Qu'il repose en paix  !)

L'on raconte que le père de Guntram aurait enterré à cet endroit quelques pages de la partition de son opéra. Mais ses descendants assurent, m'a-t-on confié, affirment qu'il n'en est rien. 

Tant qu'on n'aura pas pratiqué l'exhumation, on ne saura pas le fin mot de ce secret d'histoire...

Photos / Bilder © Luc-Henri Roger

Voir aussi / Siehe auch : Villa Strauss in Garmisch / La villa Strauss (1) https://luc-henri-roger.blogspot.com/2021/06/villa-strauss-in-garmisch-la-villa.html

À propos de Guntram : lire https://luc-henri-roger.blogspot.com/2021/06/guntram-le-premier-opera-de-de-richard.html

mardi 29 juin 2021

Kirill Petrenko — Gedenkkonzert Hermann Levi / Concert à la mémoire d'Hermann Levi — Garmisch 02.07.2021 / München 23.07.2021

 


[DE] Hermann Levi (1839 Gießen – 1900 München) war fast ein Vierteljahrhundert Generalmusikdirektor und Hofkapellmeister am Königlichen Hof- und Nationaltheater München. (Länger als er hat nur Franz Lachner diese Position innegehabt.) Zuvor war er nach Stationen in Saarbrücken, Mannheim und Rotterdam mehrere Jahre Hofkapellmeister in Karlsruhe. Seine letzten Lebensjahre verbrachte er in Partenkirchen, seit 1898 als Ehrenbürger; dort ist er auch bestattet. Nachdem man sein von Adolf v. Hildebrand entworfenes Mausoleum erst hat verfallen und in den 1950er Jahren beseitigen lassen, ist die Grabstätte nun neugestaltet worden.

Hermann Levi verbindet in seiner Künstlerpersönlichkeit die beiden großen Felder, auf denen das Bayerische Staatsorchester sich auszeichnet: Oper und Konzert. Er war viele Jahre einer der engsten Freunde von Johannes Brahms und hat mehrere seiner Werke uraufgeführt. Später wurde er zum wichtigsten musikalischen Mitarbeiter Richard Wagners. Er hat dessen Parsifal uraufgeführt und blieb bis 1894 unverzichtbarer Dirigent bei den Bayreuther Festspielen.

Auch für andere zeitgenössische Komponisten, die im damaligen Repertoire noch nicht allgemein anerkannt waren, hat er sich eingesetzt, zum Beispiel für Robert Schumann, Anton Bruckner, Hector Berlioz und Peter Tschaikowsky. Nicht zuletzt ist ihm zu verdanken, dass sich Mozarts da-Ponte-Opern als Zyklus auf den Opernbühnen etabliert haben; er hat alle drei weitgehend in ihrer Originalgestalt aufgeführt und werkgetreu übersetzt. Viele sprichwörtlich gewordene Formulierungen wie „Reich mir die Hand, mein Leben“ gehen auf Levi zurück.

Aufgrund seiner jüdischen Herkunft wurde seit den 1930er Jahren seine Bedeutung heruntergespielt und sein Andenken vernachlässigt – ganz konkret (mit der Beseitigung seines Mausoleums in Partenkirchen) und geistig (mit der Eliminierung seines Namens auf Straßenschildern und in Notenausgaben und mit der Auslöschung des kulturellen Gedächtnisses an sein Wirken). Um dieses Versäumnis richtigzustellen und die Erinnerung an Hermann Levis Bedeutung für die Musik wieder lebendig werden zu lassen, wollen Kirill Petrenko und das Bayerische Staatsorchester mit dem heutigen Konzert einen Beitrag leisten.

[FR] Hermann Levi (1839 Giessen - 1900 Munich) fut directeur musical général et maître de chapelle de la cour au Théâtre de la cour et national de Munich pendant près d'un quart de siècle. (Le seul Franz Lachner a occupé ce poste plus longtemps que lui.) Avant cela, après avoir été en poste  à Sarrebruck, Mannheim et Rotterdam, il fut  Kapellmeister de la Cour à Karlsruhe pendant plusieurs années. Il passa les dernières années de sa vie à Partenkirchen, dont il fut citoyen d'honneur à partir des 1898 ; il y est également enterré. Son mausolée, conçu par Adolf v. Hildebrand, tomba en ruine et fut démantelé dans les années 1950. Sa tombe est aujourd'hui réaménagée. Le nouveau monument sera inauguré le 2 juillet.

La personnalité artistique de Hermann Levi réunit les deux grands domaines dans lesquels l'Orchestre d'État de Bavière excelle : l'opéra et le concert. Pendant de nombreuses années, il fut l'un des plus proches amis de Johannes Brahms, dont il plusieurs œuvres. Il devint ensuite  le plus important collaborateur musical de Richard Wagner. Il dirigea le premier  Parsifal de Bayreuth en 1882 et resta un chef d'orchestre incontournable du festival de Bayreuth jusqu'en 1894.

Il a également soutenu d'autres compositeurs contemporains qui n'étaient pas encore largement reconnus dans le répertoire de l'époque, tels que Robert Schumann, Anton Bruckner, Hector Berlioz et Pierre Tchaikovsky. Enfin, c'est grâce à lui que les opéras da Ponte de Mozart se sont imposés en tant que  cycle sur les scènes d'opéra ; il les a interprétés tous les trois au détail près dans leur forme originale et en a donné des traductions allemandes fidèles. De nombreuses expressions allemandes devenues proverbiales, telles que "Reich mir die Hand, mein Leben" (qui traduit "La ci darem la mano / Là-bas, nous nous tiendrons la main", air célèbre du Don Giovanni), remontent à Hermann Levi.

Depuis les années 1930, son importance a été minimisée et son souvenir négligé en raison ses origines juives :  concrètement (avec le démantèlement de son mausolée à Partenkirchen) et spirituellement (avec l'élimination de son nom des plaques de rue et des éditions de partitions de musique, et avec l'effacement de la mémoire culturelle de son œuvre). Avec les deux concerts du mois de juillet, Kirill Petrenko et l'Orchestre d'État de Bavière veulent contribuer à rectifier cette omission et à faire revivre le souvenir de l'importance de Hermann Levi pour la musique.

Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

GEDENKKONZERT HERMANN LEVI / CONCERT COMMÉMORATIF

Musikalische Leitung / Direction musicake    Kirill Petrenko
Solistin / Soliste                                               Johanni van Oostrum
Orchester  / Orchestre                                      Bayerisches Staatsorchester
Violoncello                                                       Emanuel Graf
Orchesterakademie des Bayerischen Staatsorchesters (Siegfried-Idyll)

PROGRAMM / PROGRAMME :

Richard Wagner (1813–1883)
Siegfried-Idyll
Ruhig bewegt – Leicht bewegt – Lebhaft

Johannes Brahms (1833–1897)
Tragische Ouvertüre op. 81
Allegro ma non troppo – Molto più moderato – Tempo primo

Wolfgang Amadeus Mozart (1756–1791)
„Ihr Verwegnen … Wie der Felsen“. Arie der Fiordiligi aus Così fan tutte (in der Übersetzung von Hermann Levi / traduit par Hermann Levi)

Max Bruch (1838–1920)
Kol Nidrei. Adagio für Violoncello und Orchester op. 47
Adagio ma non troppo – Un poco più animato

Felix Mendelssohn Bartholdy (1809–1847)
Ouvertüre zu Ruy Blas op. 95
Lento – Allegro molto

Quelle des Textes / Source du texte :  Bayerische Staatsoper. Traduction de Luc-Henri Roger.

Restkarten nur für den 02. Juli  in Garmisch: Tel 08821 730 1995 (von 10 bis 12 Uhr / de 10H à 12H.)

lundi 28 juin 2021

Guntram, le premier opéra de de Richard Strauss, présenté par Romain Rolland


Dans un long article sur Richard Strauss publié dans la Revue de Paris de mai 1899, Romain Rolland évoque l'écriture et la création de son opéra Guntram dans lequel brille encore cette pureté délicate et mélodieuse de l'âme, cette grâce juvénile, qui semble s'effacer ensuite [de son oeuvre].

    [...] Depuis 1880, Strauss dirigeait à Weimar les drames wagnériens. Sous leur obsession, il se tourna vers le théâtre, et écrivit le poème d'un opéra: Guntram. La maladie vint interrompre ce travail, qu'il continua en Egypte. La musique du premier acte fut écrite de décembre 1892 à février 1893, du Caire à Louqsor. Le second acte fut terminé en juin 1893, en Sicile. Enfin il acheva le troisième acte en Bavière, au commencement de septembre 1893. Il n'y a pourtant pas trace de sentiment oriental dans cette musique, mais parfois des mélodies italiennes, une molle lumière, un calme un peu morne. J'y sens surtout une âme convalescente, alanguie, une âme un peu petite fille, qui rêve avec un sourire attendri, et des larmes toujours prêtes à couler. C'est sans doute à ces impressions indéfinissables de convalescence que Strauss doit d'avoir conservé pour cette œuvre une affection secrète, à ce qu'il m'a semblé. Sa fièvre s'y est endormie. Certaines pages sont imprégnées d'un sentiment caressant de la nature, qui rappelle les Troyens de Berlioz. Mais, trop souvent, la musique est vide, conventionnelle et la tyrannie de Wagner s'y fait sentir, ce qui est rare dans les autres œuvres de Strauss. Le poème me paraît supérieur à la musique. Strauss y a mis beaucoup de sa pensée, et l'on assiste à la crise qui bouleversa cette pensée généreuse, tourmentée et orgueilleuse.
    Strauss venait de lire une étude historique sur un ordre de Minnesänger mystiques, qui se fonda en Autriche, au moyen âge, pour combattre la corruption de l'art et sauver les âmes par la beauté du chant : ils se nommaient Streiter der Liebe, combattants de l'amour. Strauss, tout plein lui-même à cette époque d'aspirations néo-chrétiennes, et sous l'influence de Wagner et de Tolstoï, s'enflamma pour cette Idée ; et d'un de ces Streiter der Lieber, II fit son héros : Guntram. 
    L'action se passe au XIIIe siècle, en Allemagne. Le premier acte représente une clairière, près d'un petit lac. Le peuple des campagnes s'est révolté contre les seigneurs et vient d'être écrasé. Guntram et son maître Friedhold lui distribuent des aumônes. La troupe des vaincus s'enfuit à travers les bois. Resté seul, Guntram s'abandonne à sa rêverie dans la joie du printemps, l'innocent réveil de la nature. Mais la pensée de la misère cachée sous cette beauté l'étreint. Il songe à l'homme pécheur, à la souffrance humaine, à la guerre civile. Il remercie le Christ de l'avoir conduit dans ce malheureux pays, embrasse la croix, et décide d'aller au cœur du Péché, à la cour du tyran, pour lui porter la révélation divine. À ce moment paraît Freihild, l'épouse du duc Robert, le plus cruel des seigneurs. Elle a horreur de ceux qui l'entourent ; la vie lui est odieuse, et elle veut se noyer. Guntram l'en empêche. La pitié que lui inspirent sa douleur et sa beauté se change à son insu en un profond amour, quand il reconnaît en elle la princesse aimée du peuple, l'unique bienfaitrice des malheureux. Il lui dit que Dieu l'a envoyé pour son salut ; et il se rend au château, où il se croit appelé par la double mission de sauver le peuple et Freihild.
    Au second acte, les princes célèbrent leur victoire dans le château du duc. Après les emphatiques flagorneries des Minnesänger officiels, Guntram est invité à chanter. Décourage d'avance par la bassesse de ces hommes, sentant qu'il parlera en vain, il hésite, il est près de partir; mais la tristesse de Freihild le retient, et c'est pour elle qu'il chante. Sa voix, d'abord calme et mesurée, dit la mélancolie qu'il éprouve au milieu de cette fête de la force triomphante. Il se réfugie dans ses rêves ; il y voit briller la douce figure de la paix. Il la décrit amoureusement, avec une tendresse juvénile, qui devient de plus en plus enivrée, quand il fait le tableau de la vie idéale, de l'humanité libre. Puis il peint la guerre, la mort, le désert et la nuit qui s'étendent sur le monde. Il s'adresse directement au prince ; il lui montre son devoir et l'amour du peuple qui serait sa récompense ; il le menace de la haine des malheureux que l'on pousse au désespoir ; enfin il presse les seigneurs de rebâtir les villes, de délivrer les prisonniers, de venir au secours de leurs sujets. Il termine au milieu de l'émotion profonde de l'assistance. Seul, le duc Robert, qui sent le danger de ces libres paroles, ordonne à ses gens de saisir le chanteur, mais les vassaux prennent parti pour Guntram. Au milieu de cette lutte, on apprend que les paysans se sont de nouveau révoltés. Robert appelle ses hommes aux armes. Guntram, qui se sent soutenu par ceux qui l'entourent, fait arrêter Robert. Le duc se défend ; Guntram le tue. Alors se produit dans son esprit un revirement complet, dont nous aurons l'explication seulement au troisième acte. Dans les scènes qui suivent, il ne dit plus un mot il laisse tomber son épée; il laisse ses ennemis reprendre leur autorité sur la foule ; il se laisse enchaîner et conduire en prison, tandis que la troupe des seigneurs part bruyamment, allant au combat contre les rebelles. Mais Freihild, pleine d'une joie cruelle et naïve, Freihild, délivrée par l'épée de Guntram, s'abandonne à son amour pour lui et veut le sauver.
    Le troisième acte, qui se passe dans la prison du château, est inattendu, incertain et très intéressant. Il n'est pas la suite logique de l'action. On y sent un bouleversement dans la pensée du poète, une crise morale qui l'agitait encore au moment où il écrivait, un trouble d'où il n'était pas parvenu à sortir; mais la lumière nouvelle, vers laquelle s'orientera désormais sa vie, transparaît nettement. Strauss était trop avancé dans la composition de son œuvre pour échapper au renoncement néo-chrétien qui devait conclure le drame ; il n'aurait pu l'éviter qu'en remaniant complètement les caractères. Aussi Guntram repousse-t-il l'amour de Freihild. Il s'aperçoit qu'il est tombé, comme les autres, sous la malédiction du péché. Il prêchait aux autres la charité, et il était en proie à l'égoïsme ; quand il a tué Robert, c'était bien moins pour délivrer le peuple d'un tyran, que pour satisfaire une instinctive et bestiale jalousie. Il renonce donc à tous ses désirs, et il expie dans la retraite le péché de vivre. Mais l'intérêt de l'acte n'est pas dans ce dénouement prévu, et devenu un peu commun depuis Parsifal. Il est dans une scène évidemment intercalée au dernier moment et qui détonne brusquement dans l'action, mais avec une singulière grandeur : le dialogue de Guntram et de son ancien compagnon, Friedhold. Friedhold, son ami, son initiateur, vient lui reprocher son crime et le chercher pour comparaître devant l'ordre qui le jugera. Dans la version primitive, Guntram s'inclinait et sacrifiait sa passion à son vœu. Mais pendant son voyage en Orient, Strauss conçut soudain l'horreur de cette annihilation chrétienne de la volonté, et Guntram, avec lui, se révolta. Il refuse de se soumettre aux lois de son ordre. Il brise son luth, symbole d'espérance mensongère dans la rédemption de l'humanité par la foi. Il rejette les rêves nobles mais vains, auxquels il a cru, et qui se sont dissipés à la lumière de la vie. Il ne renie pas ses serments d'autrefois ; mais il n'est plus le même homme que celui qui les jura. Quand il était sans expérience, il a pu croire que l'homme devait être soumis à des règles, que la vie devait être maîtrisée par des lois. Une heure l'a éclairé. Maintenant il est libre et seul, seul avec lui-même. « Seul je puis apaiser ma souffrance. Seul je puis expier mon crime. Seule ma loi intérieure peut diriger ma vie. Par moi seul, mon Dieu me parle. A moi seul, mon Dieu parle. Ewig einsam. » C'est le réveil orgueilleux de l'individualisme, le pessimisme puissant de l'Uebermensch. Un tel sentiment donne à la négation même, au renoncement, un caractère d'action : c'est encore là une affirmation violente de la volonté.
    J'ai insisté un peu longuement sur ce drame, à cause de sa réelle valeur de pensée, et surtout de son intérêt en quelque sorte autobiographique. Désormais l'esprit de Strauss est formé. Les circonstances de la vie le développeront, mais sans y apporter de changement capital. Guntram fut la cause d'amères déceptions pour son auteur. Il ne parvint pas à le faire représenter à Munich. L'orchestre et les chanteurs se révoltèrent contre une musique qu'ils déclaraient injouable. On dit même qu'ils se firent donner par un critique éminent, et qu'ils apportèrent à Strauss, un certificat en règle attestant que Guntram n'était pas fait pour être chanté. La principale difficulté était l'étendue du rôle principal, qui remplit à lui seul de ses rêveries et de ses discours la valeur d'un acte et demi. Tel de ses monologues, comme le chant du second acte, dure une demi-heure de suite. — Guntram n'en fut pas moins représenté à Weimar, le 16 mai l894 ; et peu après, Strauss épousait sa charmante Freihild, Pauline de Ahna, qui a créé Elisabeth —de Tannhäuser — à Bayreuth, et qui s'est depuis consacrée à l'interprétation des Lieder de son mari.
    Mais Strauss garda au cœur la rancune de son insuccès au théâtre, et il revint au poème symphonique, où il montra des tendances dramatiques de plus en plus marquées, et une âme de jour en jour plus orgueilleuse et méprisante. Il faut l'entendre parler, avec quel froid dédain ! du public des théâtres, «ramassis de banquiers et de commerçants bassement jouisseurs », pour sentir la blessure cachée de cet artiste victorieux, à qui le théâtre est fermé, et qui, par une ironie de plus, est obligé de diriger à l'Qpéra de Berlin les pauvretés musicales que lui impose un mauvais goût vraiment royal. [...]


Villa Strauss in Garmisch / La villa Strauss (1) — Außenansichten / Vues extérieures et jardin — 12 Bilder /12 photos

[DE] Die Strauss-Villa war der Wohnsitz des deutschen Komponisten Richard Strauss in Garmisch in Oberbayern. Dieses geschützte Denkmal ist nicht öffentlich zugänglich, es ist  im Jahr 2021 noch in Privatbesitz.

Richard Strauss beauftragte den Jugendstil-Architekten Emanuel von Seidl, der die Villa zwischen 1907 und 1908 an der Zoeppritzstraße in Garmisch errichtete, einem außergewöhnlichen Standort mit Blick auf das Wettersteingebirge, darunter die Zugspitze, Deutschlands höchster Gipfel. 

Die Familie Strauss nutzte das Haus ab 1908 als Sommerfrische und etwas später als Hauptwohnsitz. Der Erfolg seiner Oper Salome, gefolgt von den Erfolgen von Elektra und Rosenkavalier, ermöglichte die Finanzierung des Baus der Villa, eines zweigeschossigen Gebäudes, das der Architekt nach den Vorgaben des Ehepaars Strauss als traditionelles Walmdachhaus mit integriertem Eckturm, Dachgauben und einer Putz- und Quaderstruktur entwarf.

[FR] La villa Strauss fut la résidence du compositeur allemand Richard Strauss à Garmisch en Haute-Bavière. Ce monument protégé n'est pas ouvert à la visite du public, il est toujours une propriété privée en 2021.

Richard Straus avait fait appel à l'architecte Jugendstil (art nouveau) Emanuel von Seidl ,qui construisit la villa entre 1907 et 1908 sur la Zoeppritzstraße à Garmisch, un endroit extraordinaire pour les vues qu'il offre sur les montagnes du Wetterstein, dont fait partie le Zugspitze, le plus haut sommet d'Allemagne. 

La famille Strauss a utilisé la maison à partir de 1908 comme halte estivale, et un peu plus tard comme résidence principale. C'est le succès de son opéra Salomé, suivi des succès d'Elektra et du Chevalier à la rose qui ont permis le financement de la construction de la villa.Il s'agit d'un bâtiment à deux étages, conçu par l'architecte selon les instructions du couple Strauss comme une maison traditionnelle à toit en croupe, avec tour d'angle intégrée, lucarnes, structure en enduit et en pierre de taille.













Crédit photos © Luc-Henri Roger




dimanche 27 juin 2021

Comte Paul Vasili — La société de Vienne.Lettres inédites — Première lettre : l'empereur.



PREMIÈRE LETTRE — L'EMPEREUR 

    À la tête de l'aristocratie viennoise, qu'elle domine de toute sa hauteur, se trouve la maison impériale. 
   La royauté autrichienne n'a rien des monarchies bourgeoises. Elle est d'essence olympique. Il n'y a point de mélange entre elle et l'aristocratie. Cette dernière est appelée, à certaines heures, pour prendre sa place, pour tenir son rang aux fêtes de la cour; mais elle n'est pas admise dans l'intimité de la famille impériale. 
      L'accroissement continu des membres de cette famille l'a tout naturellement amenée à se concentrer en elle-même. Le nombre a engendré l’exclusivisme. Il n'en a pas toujours été ainsi. 
     Lorsque l'empereur Joseph II conçut l'idée d'ouvrir ses magnifiques parcs du Augarten et du Prater à l'humanité, — ainsi qu'il est écrit au fronton de la porte d'entrée du premier (1), — un de ses courtisans lui fit observer qu'il n'aurait bientôt plus, lui empereur romain, un seul endroit pour se retirer dans la société de ses pairs. « Si je voulais me contenter de la société de mes pairs, répondit l'empereur, je devrais passer ma vie dans les caveaux des Capucins. » On sait que les empereurs d'Autriche reposent dans les cryptes du couvent des Capucins. 
     Joseph II aimait à se promener, mêlé à la foule, dans les parcs et dans les grandes rues. Il se plaisait en la compagnie d'un petit nombre de personnes intelligentes de la haute société et goûtait fort l'esprit qu'on dépense dans ce qu'on appelle en France « un salon d'intimes ». Il cultivait assidûment celui de la princesse de Liechtenstein, dont il était le plus agréable causeur. La mère de l'empereur Joseph II, Marie-Thérèse, fut à la fois «une femme aimable»  et un grand politique. Elle gouvernait l'empire et donnait le ton à la société mondaine de l'époque ; qui sait dans quelle mesure les succès de la reine ont été dus au charme de la femme ? Le chapelain de l'académie militaire de Neustadt a dit d'elle dans son oraison funèbre : « Elle ravit les cœurs par l'esprit et par la grâce, et plus d'un qui se croyait en présence de la régente reconnut qu'il était auprès d'une mère. » Marie-Thérèse fut, en effet, une mère pour ses amis : elle arrangeait les mariages, réunissait et réconciliait les familles ; si l'Autriche a été pendant cent ans une grande puissance militaire, elle le doit aux mariages que sut préparer la régente et que fit conclure la femme la plus charmante des salons de Vienne et la plus habile des reines. 
     Marie-Thérèse était la dernière des Habsbourg ; elle était même, lors de son mariage, la dernière princesse de la cour de Vienne. Mais les douze fils qu'elle mit au monde engendrèrent la foule des dieux et peuplèrent l'olympe dans lequel l'Empereur actuel aime à se retirer loin des hommes terrestres. S'il en descend parfois, à l'occasion d'un bal aristocratique, ce n'est point pour vivre, ne fût-ce qu'un instant, de la vie des mortels, mais pour y représenter la majesté du souverain. Encore, cette « représentation » est-elle de courte durée et n'a-t-elle d'autre résultat que de faire descendre des lèvres impériales quelques « paroles gracieuses » adressées à quelques personnages considérables. 
     Les choses se passent de la même façon aux bals dits « d'élite » dans le jargon viennois, et qui sont des bals organisés par des corporations permanentes ou passagères, comme les bourgeois, les industriels, les étudiants. 
     L'Empereur donne chaque année un premier bal à la cour où il invite les chambellans, les dames aux seize quartiers de noblesse, les officiers de l'armée, les chevaliers des ordres impériaux. Il donne une seconde fête aux seize quartiers seuls et au corps diplomatique. L'Empereur offre, à l'occasion, quelques dîners. En dehors de ces fêtes, il ne fréquente que la société de sa nombreuse famille. 
  Mais ce qu'il aime par-dessus toutes choses, c'est la chasse. Elle est son unique délassement. Qu'il s'agisse de poursuivre un chamois sur la cime des Alpes du Salzkammergut, de tirer un coq de bruyère approchable seulement au lever du soleil, ou de courre le cerf pendant plusieurs heures, François- Joseph ne redoute ni fatigue ni danger.           Après la chasse, l'Empereur préfère, autant par goût que par devoir, les manœuvres, les exercices, les parades de troupes. François-Joseph Ier a des goûts très militaires. L'Empereur trouve dans la chasse l'emploi d'une activité extérieure qu'il s'est interdite à son arrivée au pouvoir. Ses premières impressions politiques datent du mouvement de 1848. Il vit alors, de ses propres yeux, les Autrichiens acclamer ceux-là mêmes qu'ils devaient ensuite chasser ou assassiner. Par amour pour son peuple, il fit à la paix publique le sacrifice de tous ses goûts. François-Joseph était né pour gouverner brillamment. Il aimait le faste des cours, l'apparat, les belles armées. Il eût aimé, dans les grandes guerres, conduire en personne les chevauchées avec de superbes états-majors. Les circonstances politiques exigèrent de lui qu'il fût un monarque constitutionnel dans un empire fédéraliste ; la défaite vint frapper à coups redoublés son orgueil national. 
    Alors, avec une facilité qu'on a souvent prise pour de l'indécision, il renonça au pouvoir personnel. Ce ne fut pas sans tristesse et sans lutte intime. Tout ce qu'il avait entrevu s'écroulait. Au lieu d'être le successeur de Marie-Thérèse, de faire la grande politique traditionnelle, il fallait se contenter d'un rôle effacé dans une monarchie où les ministres sont responsables, devenir une sorte de bureaucrate sans initiative, sans relief. Il accepta simplement, tristement, comme un devoir, comme une discipline... L'Empereur signe depuis cinq heures du matin les pièces qu'on lui soumet ; il en discute avec ses ministres, mais sans passion. Il lit quelques journaux, parcourt une Revue de la Presse qu'on rédige tous les jours à son usage au bureau de la presse cisleithan et qui le met au courant des exigences de l'opinion publique, dont il a toujours paternellement tenu compte ; aussi est-il très populaire, à Vienne comme dans les différentes provinces autrichiennes. L'Empereur se couche tôt, et sa sobriété est proverbiale. Il se contente d'un déjeuner pris en hâte sur le pupitre de son bureau. 
   Jamais il ne sort des attributions qu'il a acceptées. C'est à la chasse seulement qu'il redevient lui même, libre d'aller à l'aventure selon sa fougue et sa force, employant ses ruses contre l'innocent  gibier, le pourchassant jusqu'à ce qu'il l'ait conquis. 
     Parfois, dans une occasion, comme celle du couronnement à Pest, sa nature première se retrouve ; les Hongrois, si grands seigneurs, si royaux, le peuple si orgueilleux de ses fêtes, virent quelle figure pouvait faire l'empereur François-Joseph. 
    Bien des contradictions s'ajoutent à des contradictions en Autriche, et l'Empereur en est la victime. Dans les pays voisins de l'Orient, où l'on a besoin de faste, avec les Polonais, les Hongrois, les petits peuples slaves, la ville de Vienne même où l'on adore les fêtes, l'élégance, le luxe, on a vis-à- vis de l'Empereur des exigences qui ne sont point satisfaites. On le voudrait plus personnel , plus agissant, représentant davantage, plus empereur ; et, en même temps, ces petits peuples, attachés à la tradition, à leurs coutumes, ayant l'horreur de la centralisation, ne voulant pas être gouvernés uniformément, s'irritent à la moindre pression de l'État, Or, l'État austro #-hongrois ne peut être représenté que par l'Empereur, les intérêts divers des provinces n'ayant un lien général qu'à travers la dynastie des Habsbourg ; et depuis 1848, surtout depuis 1867, tout pouvoir direct est refusé à celui auquel on demande d'exercer le pouvoir directement. Le système parlementaire est à jamais accepté en Autriche-Hongrie ; il n'y a plus de place pour un César. Il faut être logique et savoir gré à François-Joseph de n'avoir pas résisté au courant moderne ; mais il faut en même temps admettre qu'il se soit détaché des foules, qu'il vive loin d'elles, qu'il se complaise dans l'isolement de la famille, et qu'il reste ce vague symbole qu'on exige qu'il soit. 
    L'Empereur actuel ne peut avoir la popularité de Léopold II, de Joseph II, de Marie-Thérèse ; il en néglige la recherche et dédaignerait de la cultiver comme François Ier , dont les mots et les actes de compassion se redisaient par tout l'Empire. 
    François-Joseph est bon ; tous ceux qui l'approchent le reconnaissent II est charitable, mais il exerce sa charité aussi discrètement qu'il gouverne. Il laisse ignorer à sa main gauche ce que fait sa main droite. Comment espérer que la foule apprécie les bienfaits d'origine inconnue, alors qu'elle est déjà si peu portée à la reconnaissance pour les bienfaiteurs déclarés ?
    On répète en Autriche qu'il faut s'abstenir de demander quoi que ce soit à l'Empereur par voie de pétitions. Ce n'est pas lui qui les lit le premier. Mais s'il apprend par hasard le chagrin réel qui vous frappe, le mal qui vous accable, il se fait un plaisir de venir à votre secours. 
  Les circonstances que nous avons décrites ont détaché François-Joseph de l'intérêt personnel qu'il eût pris à la politique en Autriche, s'il eût gouverné absolument. Les questions militaires ont seules le don de le passionner. Il s'en occupe sans cesse avec la plus grande sollicitude. Monarque scrupuleusement constitutionnel en toutes choses, il a ce- pendant refusé de livrer l'armée aux hasards de la vie parlementaire. On sait que si le parti allemand a perdu le pouvoir il y a cinq ans, c'est surtout parce qu'il avait fait une vive opposition à la loi militaire alors en discussion devant le Parlement, et que l'Empereur voulait voir voter à tout prix. En dehors de ce qui concerne l'armée, François-Joseph n'a d'autre opinion que celle qui domine dans son empire. C'est ce qui explique les tergiversations qui caractérisent son règne. 
   On l'a connu démocrate et réactionnaire, clérical et libéral, unitaire et fédéraliste. Il a combattu le magyarisme en Hongrie, pour en admettre plus tard  la déification nationale ; il a germanisé les Slaves, il slavise maintenant les Germains ; il a déclaré inaliénables ses provinces italiennes, et embrassé dans Venise celui qui s'en est emparé. Tous actes d'une abnégation sublime, mais aussi preuves d'un détachement d'esprit bien rare. Il est enfin tel qu'il s'est dépeint lui-même, si le mot au comte Andrassy qu'on lui prête est vrai : « Je suis très heureux que ceux qui ont été condamnés à mort pour trahison contre moi n'aient pas tous été exécutés, parce que plus tard j'ai pu en faire mes premiers ministres. » 

(1) Endroit de plaisance ouvert à tous les hommes par celui qui les apprécie.





samedi 26 juin 2021

Comte Paul Vasili — La société de Vienne. Lettres inédites — Introduction

Un dénommé comte Paul Vasili, qui se dit vieux diplomate, a rédigé plusieurs ouvrages sur les capitales européennes. Mais on ne trouve pas trace du comte en question ...Il s'agit semble-t-il d'un des pseudonymes de l'écrivaine Juliette Adam qui en serait l'autrice, à moins qu'il ne s'agisse d'ouvrages collectifs auxquels elle aurait largement contribué. La société de Vienne fut publié à Paris en 1885 par La Nouvelle Revue. En voici l'introduction.

Mon jeune ami,

    Non, certes, je ne vous en veux plus d'avoir insisté pour me faire publier les lettres sur la Société de Berlin.
    Je me rappelle, et j'en souris, ma grande indignation, lors de votre première ouverture à ce sujet, puis vos habiletés, par une suite d'idées dont vous fûtes le promoteur, pour me débarrasser de mes scrupules, un à un. Vous n'avez plus à déployer vos talents de persuasion. Me voilà bien convaincu de l'intérêt que trouve le public à mes indiscrétions. Je me prends au sérieux comme écrivain, et c'est vous bientôt qui serez forcé de m'arrêter, car, plein d'ardeur, je me dispose, après ce volume sur la société de Vienne, à en faire d'autres.
    J'ai déjà fouillé mes correspondances, mes rapports, mes souvenirs, et classé des notes sur la société de Londres, de Madrid , etc. Comme je n'ai cessé nulle part aucune de mes relations, il m'est facile de me tenir au courant de la physionomie nouvelle que revêtent les hommes et les choses.
    Je sais toute l'Europe et je veux la conter ainsi par le menu . Sans doute mes livres n'auront qu'un intérêt d'actualité . Ce ne sont point des œuvres qui dominent un temps ; mais j'esquisse des formes , je colore des perspectives , je détaille des faits qui permettront un jour aux peintres de l'histoire de trouver groupés des documents pour leurs tableaux .
    J'avoue que le secret gardé , le succès recueilli, les colères soulevées à Berlin par ma plume , la joie donnée aux ennemis de la société allemande, les questions auxquelles j'ai répondu, les soupçons que j'ai détournés, enfin le tout ensemble, ont diverti ma solitude au point de transformer mon innocente passion pour la chasse en la dangereuse passion d'écrire .
    On a beaucoup dit que j'avais été méchant pour la société de Berlin . Je ne le serai pas pour la société de Vienne .
    En ma qualité de diplomate vieilli , j'ai le droit d'être un peu démodé. Quoique le dernier genre soit d'admirer, de louer Berlin, j'ai toujours eu plus de goût pour l'Autriche que pour l'Allemagne. Le génie de M. de Bismarck , la puissance dominante , envahissante, absorbante de la Prusse, l'écrasement de la politique européenne au profit d'un seul, l'état de soumission craintive des petits États, la passivité de l'Autriche , la résignation triste de la France , les « soupe au lait » de l'Angleterre, la condescendance respectueuse de notre pauvre Russie , ne sont point faits pour apaiser mes griefs, changer mes préférences ou intervertir l'ordre de mes sentiments .
   N'ayant plus l'intention d'être «persona grata», je puis, même en écrivant, cesser d'être diplomate .
   S'il est difficile d'aimer Berlin , il est aisé d'aimer Vienne. La ville est grande, elle a de larges percées, elle s'offre aux clartés du ciel, elle attire les sourires de la lumière. On peut dire de Vienne que jamais elle n'est une ville sombre. Le Danube bleu – il est bleu à Vienne – la traverse et y soulève parfois des bouffées d'air de l'Orient. Elle n'a de lourd, d'étranger à son ciel que son architecture moderne. Les quartiers neufs, les monuments bâtis ces dernières années sont bien allemands. Elle possède , en revanche , à Saint-Étienne, d'admirables guipures de pierre, qu'on n'a point blanchies, auxquelles le temps a donné des reliefs merveilleux.
    Les paysages qui entourent Vienne sont incomparables. Il faut voir la capitale de l'Autriche à la fin d'un beau jour, sur le Kahlenberg. Des plans successifs de montagnes s'infléchissent, s'espacent pour permettre au regard de les embrasser tous. Les rayons du soleil se répandent sur un espace infini : il dore et rougit d'innombrables sommets dont les cimes boivent la lumière d'une façon différente. Les nuances de tons varient dans le paysage avec une rapidité qui fait d'un coucher de soleil au Kahlenberg un spectacle unique au monde .
    Vienne s'étend superbe dans la plaine un peu basse , mais assainie par les courants qu'un fleuve et des montagnes y échangent. Le Danube, au cours détourné par la main des hommes, s'il est moins puissant qu'à Pest, a, dans ses courbes, une grâce un peu composée qui a son charme .
    À Vienne, les femmes sont belles et charmantes à la fois. Comme dans les capitales où elles sont très recherchées, très aimées, toutes ne sont pas cruelles. Je ne leur ai jamais fait qu'un reproche : celui d'avoir la taille trop fine. Je ne m'explique, chez les Viennoises, cette passion du corselet de guêpe que par la préoccupation de se distinguer des Orientales. Le ton des femmes de la haute société à Vienne est parfait comme élégance de manières, comme goût des toilettes, comme recherche d'esprit dans les conversations. Elles n'ont rien de commun avec les femmes de la société de Berlin , excepté quand elles sont Allemandes.
   Les hommes du monde, à Vienne, ont le jugement un peu compliqué, surtout lorsqu'ils parlent de politique. Cela tient sans doute à la complexité des problèmes qu'importent dans le gouvernement les besoins divers, et souvent contradictoires, des différentes races dont l'Austro-Hongrie se compose.
    En Autriche, on possède les qualités et les défauts réunis de l'Orient et de l'Occident. Lorsque le courant est aux qualités, la société viennoise est la première d'Europe par ses vertus ; mais quand vient le tour des défauts, il leur arrive d'être doubles.

Soleils disparus d'Edmond Jaloux, un roman à l'ombre de l'impératrice Elisabeth, de Constantin Christomanos et d'Oscar Wilde

 
En avril-mai 1927, Edmond Jaloux (1878-1949, élu à l'Académie française en 1936) publiait son roman Soleils disparus en feuilleton dans la Revue des deux Mondes.  Le roman parut ensuite en format livre la même année chez Plon. Pour la composition, Edmond jaloux s'inspira à la fois de la passion de l'impératrice Elisabeth pour la littérature grecque qui la conduisit à faire engager un lecteur grec, le Dr Christomanos, et des dernières années parisiennes d'Oscar Wilde. Un curieux cocktail rédigé dans une langue admirable.Les critiques littéraires commentèrent abondamment le roman lors de sa parution. Ainsi de cet article du Rappel du 25 juillet 1927 que nous reproduisons dans ce post.

Chronique littéraire 

    M. Edmond Jaloux nous offre un titre nostalgique : Soleils disparus
   Ce qui me frappe d'abord dans le dernier roman de M. Edmond Jaloux, c'est un certain air que rend assez bien le mot distinction. Allure un peu lente, qui semble mépriser la vulgarité de la hâte. Visible dédain pour le clinquant et les gros effets et comme la hantise d'un charme voilé. Impression d'une fluide brume automnale où s'amortissent les cris, où se diluent les contours, où les lumières se frangent d'un halo. Mais derrière cette allure de grave élégance et de grâce un peu distante, un tour d'inspiration d'un romantisme aigu, au sens que Baudelaire a donné au mot romantisme dans certaines pages critiques qui égalent ses meilleurs poèmes. Romantisme qui gît au plus secret des âmes et au plus mystérieux de leurs nostalgies. Romantisme tissé de la rêverie et de la souffrance propres aux êtres qui se sentent exilés dans un monde d'apparences où rien d'eux-mêmes ne peut s'assouvir parfaitement ! Romantisme sans grandiloquence, sans gestes de théâtre pour lequel Baudelaire employait les mots « d'intimité », de « spiritualité » et forgeait l'expression « mélancolie singulière et opiniâtre ». Aussi bien, à la lecture du dernier roman de M. Edmond Jaloux, une phrase même de Baudelaire chantait sans trêve en mon esprit peur exprimer mon impression : 

« Au détour d'un bosquet, abritée sous de lourds ombrages, l'éternelle Mélancolie mire son visage auguste dans les eaux d'un bassin immobiles comme elle. Et le rêveur qui passe, attristé et charmé, contemplant cette grande figure aux membres robustes, mais alanguis par une peine secrète, dit : Voilà ma sœur ». 
 
    Il ne serait pas faux de dire que M. Edmond Jaloux a eu pour Muses ces trois grâces : la Nostalgie, la Rêverie et la Mélancolie ! Après les dures épreuves que le monde moderne vient de nous imposer et qu'il nous contraint encore à subir, il serait bien étrange qu'un certain romantisme fait d'insatisfaction du Réel et d'une vague et ardente postulation vers un Univers plus conforme au Rêve ne s'insinuât pas aux profondeurs des âmes blessées.
  J'imagine d'abord dans l'esprit de M. Edmond Jaloux cette atmosphère de romantisme intime et nostalgique. J'imagine maintenant que le hasard lui apporta un jour le noyau de faits en concordance avec cette atmosphère. Ou je me trompe fort, ou le point de départ du roman de M. Edmond Jaloux est la vie de l'impératrice Elisabeth d'Autriche contée par le docteur Constantin Christomanos qui lui donna des leçons de grec et dont Barrès prit occasion pour écrire dans Amori et dolori sacrum quelques-unes de ses pages les plus pénétrantes. Méditant sur cette femme qui fut une des « apparitions les plus idéales et les plus tragiques de l'humanité », Barrès lui décernait le titre « d'impératrice de la solitude » et la considérait « comme une excitatrice de notre imagination, comme une nourriture poétique et comme une hostie de beauté ». La reine Erica d'Illyrie mise en scène par M. Edmond Jaloux a emprunté à Elisabeth d'Autriche son lot de malheurs, sa passion de la solitude, sa manière amère de regarder le monde, son dédain pour sa destinée visible et sa hantise d'un Univers secret révélé aux profondeurs de l'âme.
  Ceci posé, je crois bien que M. Edmond Jaloux a essayé de faire planer sur tous les épisodes particuliers de son roman un grand thème d'humanité et même un problème général. M. Edmond Jaloux a voulu certainement exprimer le tragique destin de certaines natures poétiques qui portant au fond d'elles-mêmes la vision hallucinante d'un Univers supérieur sont à peu près incapables de vivre dans le monde habituel où tout leur est apparence, fantôme et symbole d'autre chose. Âmes misérables et précieuses, délicates et gauches, inutiles à la cité et cependant prédestinées à révéler ces mirages qui donnent aux autres hommes le sentiment que l'activité pratique ne suffit pas à combler leurs cœurs ! Mais au fur et à mesure que le monde avance, il tend à utiliser plus strictement l'activité des individus. Faut-il donc éliminer telles natures en vérité inaptes à la vie sociale, réfractaires à sa loi de solidarité, inutilisables pour des fins pratiques, mais qui réalisent en elles des postulations éternelles de l'humanité orientées vers autre ce que le mieux-être et l'organisation d'ici-bas ? 

« Le moyen âge a créé des cloîtres, dit la reine Erica, le monde nouveau les a détruits. Où se réfugieront ceux qui cherchent Dieu, ou la poésie, ou la charité, ou simplement la paix du cœur et qui ne trouveront rien de tout cela dans le tumulte de la foule ? »
 
    Dans le roman de M. Edmond Jaloux, le docteur Christomanos est devenu Raymond Valtier, jeune helléniste de talent appelé à donner des leçons de grec à l'étrange reine Erica d'Illyrie. La mère de ce Raymond Valtier était déjà un tempérament orienté vers un autre Univers. Elle avait vécu désespérée de ne pouvoir imposer au monde la forme de ses rêves et elle avait légué cette originale disposition d'âme à son fils. Et voici ce Raymond Valtier en cette aube de jeunesse où les plus fermes tempéraments ont un pied dans le royaume de Folie mis en face de la trop belle et trop singulière Erica d'Illyrie. Si ce jeune homme était un caractère d'une autre trempe, je me réjouirais pour lui de cet événement. Mais déjà mortellement sollicité par rappel impérieux d'un monde entrevu derrière le Réel, Raymond Valtier rencontre en Erica d'Illyrie la femme qui souffre magnifiquement du même mal divin. Dès le début, on sent dans le livre de M. Edmond Jaloux une sorte de romanesque et d'étrangeté qui ne sont pas dans les événements, mais dans le tour des âmes. Je ne blâme pas M. Edmond Jaloux de parer ses principaux personnages d'un « halo d'étrangeté ». Celui qui a passionnément regardé les individus s'aperçoit assez rapidement qu'il est un angle d'observation sous lequel tout homme révèle de l'étrange. J'aime que le romancier adopte cet angle d'observation. Je dirais volontiers de la reine Erica ce que disait Baudelaire ds femmes peintes par Delacroix : « Presque toutes sont malades et resplendissent d'une certaine beauté intérieure. »
    Nul plus que cette reine somptueusement parée et née pour les gestes de domination ne prend un plaisir aussi désespéré à s'ensevelir dans « cette marge de solitude » qu'elle a su se réserver. En tête à tête avec l'Univers invisible que lui révèle le songe, elle goûte ses « heures de liberté lyrique ».
    Dans une triste magnificence, elle cultive au plus profond d'elle-même les nuances les plus raffinées des nostalgies, des mélancolies et des douleurs. Elle aime le XIXe siècle parce que ce siècle est allé plus loin que tous les autres dans l'art d'effeuiller les corolles de l'éternelle Tristesse.
    De retour à Paris avec au cœur, le souvenir de la reine Erica, tous les gestes de Raymond Valtier ne pouvaient plus être que des méprises. Il s'éprit d'une jeune fille indécise et sensible, mais cette communion des âmes dans un monde caché sans quoi l'amour pour lui n'était qu'un vain mot ne put s'établir.
    Puis ce fut l'expérience du mariage. Sa femme, belle et vulgaire, ne put lui apporter ce qui pouvait apaiser son intime tourment.
    « Qu'aimez-vous dans la vie ? » lui demande-t-elle un jour. Il chercha, il ne trouva rien, Il aimait une autre perspective que la vie créait et qui menait ailleurs, sur un plan on sont merveilleusement accomplies les ébauches que l'on rencontre ici-bas. Lorsqu'on est ainsi fait, il est vain de porter son amour vers des êtres que satisfait pleinement le réel. La rencontre du poète Harold Reeves où se retrouvent certains traits d'Oscar Wilde et qui disait : « Je ne suis heureux qu'en marge des choses, parce que cette marge est créée pour mon esprit », lui apporta quelque temps une reprise de ce dialogue sur un plan surnaturel qu'il avait entamé jadis avec la reine Erica.
    Harold Reeves étant mort à son tour, Raymond ne pouvant plus entrer en intime communication avec nul être d'ici-bas opta définitivement pour l'Univers qui resplendissait au fond de son esprit. Il vécut enfin selon la logique profonde de son âme de poète parmi les féeriques paysages d'un monde ouvert seulement à quelques privilégiés. Lorsqu'il arriva à cette vie supérieure où toutes amarres avec le réel furent rompues, les autres hommes dirent qu'il avait sombré dans la folie.
    Pour être complet, il faudrait Indiquer le charme de certaines évocations de nature, des sensations d'automne et de soir notamment. Il faudrait préciser encore l'heureuse manière dont sont peints les deux personnages féminins Valentine Guerrée et Danielle Trioson. Il faudrait signaler aussi la délicatesse de telles analyses de sentiment et la finesse de bien des remarques.
    Peut-être sent-on par instants quelque monotonie dans le ton du roman. On voudrait çà et là quelques pages d'un tour un peu plus vif. L'expression reste elle aussi un peu trop dans le halo et le flou. Mais au fond, étant donné le genre de caractères qui nous sont présentés, ce mode d'expression convient peut-être mieux que le trop de netteté.

Gabriel Brunet 

mercredi 23 juin 2021

Ludwig Suthaus, le Tristan qui a le plus impressionné Jonas Kaufmann

Madame Hélène Adam, autrice du blog passionoperaa pris la peine et le soin de traduire de l'anglais des extraits d'une interview donnée par Jonas Kaufmann à AP,  dont vous pourrez vous délecter sur ODB-Opera. Jonas Kaufmann y évoque les ténors du passé qu'il a écoutés pour préparer sa prise de rôle de Tristan :

J'ai beaucoup d'inspiration en écoutant de grands chanteurs, et Jon Vickers est l'un d'entre eux. Les autres Tristans que j'ai écoutés sont Lauritz Melchior, Max Lorenz, Ludwig Suthaus, Ramon Vinay, Wolfgang Windgassen et Jess Thomas. Et je dois dire que celui qui m'a le plus impressionné est Suthaus dans cet enregistrement légendaire (1952) de Furtwängler/Flagstad. Cette souveraineté de son chant, ce calme, cette musicalité, ce legato merveilleux !

Le duo Harteros / Kaufmann chantera Tristan und Isolded au Bayerische Staatsoper dans quelques jours: première le 29 juin. Places supplémentaires annoncées à la  vente : voir https://www.staatsoper.de/




Wagner, Tristan und Isolde, Ludwig Suthaus (Tristan), Kirsten Flagstad, Blanche Thebom, Josef Greindl, Dietrich Fischer-Dieskau, Rudolf Schock – Wilhelm Furtwängler, conductor: Philharmonia Orchestra, London, 10-21 & 23 June 1952 (EMI Classics 58587326 4CD mono)

"O sink hernieder Nacht der Liebe" et "Einsam wachend in der Nacht" (Acte II)

La Sylphide dans la version de Pierre Lacotte au Ballet d'État de Bavière — Quatrième partie

Maria Taglioni (1804-84) in  La Sylphide, Souvenir d'Adieu  (6 lithographies d'Alfred-Édouard Chalon, 1845) Nous poursuivons notre e...