mercredi 5 janvier 2022

Prosper Mérimée à propos du premier Tannhäuser parisien de 1861

Mérimée par Marie Bonaparte (1869)

[...] Un dernier ennui, mais colossal, a été Tannhauser. Les uns disent que la représentation à Paris a été une des conventions secrètes du traité de Villafranca ; d'autres, qu'on nous a envoyé Wagner pour nous forcer d'admirer Berlioz. Le fait est que c'est prodigieux. Il me semble que je pourrais écrire demain quelque chose de semblable, en m'inspirant de mon chat marchant sur le clavier d'un piano. La représentation était très curieuse. La princesse de Metternich se donnait un mouvement terrible pour faire semblant de comprendre, et pour faire commencer des applaudissements qui n'arrivaient pas. Tout le monde bâillait mais, d'abord, tout le monde voulait avoir l'air de comprendre cette énigme sans mot. On disait, sous la loge de madame de Metternich, que les Autrichiens prenaient la revanche de Solférino. On a dit encore qu'on s'ennuie aux récitatifs, et qu'on se tanne aux airs. Tâchez de comprendre. Je m'imagine que votre musique arabe est une bonne préparation pour cet infernal vacarme. Le fiasco est énorme ! Auber dit que c'est du Berlioz sans mélodie.[...]

 in Lettres à une inconnue, 1873

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