vendredi 15 juillet 2022

Festival d'opéra de Munich — Récital Haendel de Sonya Yoncheva au Prinzregententheater de Munich


    Il est des soirées enchanteresses baignées d'un pur bonheur musical.  Ainsi du concert unique de Sonya Yoncheva et des Arts florissants qui nous ont offert un somptueux récital haendélien. 
    Sonya Yoncheva. l’une des sopranos les plus demandées au monde, triomphe sur les plus grandes scènes avec entre autres ses interprétations d'héroines de Verdi ou de Puccini. L'Opéra de Munich a déjà accueilli sa Violetta et sa Mimi. Elle n'a pas pour autant oublié que, passionnée par un répertoire plus ancien, elle avait débuté sa carrière en excellant dans le chant baroque, comme en témoigne son disque Rebirth, paru en 2021 chez Sony. Sur scène, sa Poppea ou son Alcina sont restées célèbres. Il est assez rare qu'une grande soprano  haendélienne soit aussi verdienne et puccinienne  et on peut imaginer que chez cezze grande dame de la chanson le bel canto et le chant baroque se fécondent l'un l'autre pour engendrer la chaleur envoûtante de cette voix unique.
    On a pu l'applaudir au Prinzregententheater de Munich où elle a présenté un récital baroque avec les Arts florissants de William Christie. Le maestro l'avait remarquée dès 2006 et l'avait invitée alor à une audition au cours de laquelle il l'avait vraiment trouvée "touchée par la grâce". En 2018, ils triomphaient ensemble avec l'Incoronazione di Poppea au Festival de Salzbourg. À Munich le concert  était consacré au seul Haendel, l'un de leurs compositeurs fétiches, Haendel, un programme sur-mesure qu’ils ont composé ensemble, avec une sélection des plus grands airs lyriques, de Serse à Alcina, en passant par Agrippina, Giulio Cesare, Theodora et Rinaldo. Un répertoire dans lequel la soprano bulgare s’est imposée comme une interprète incandescente, et William Christie, en maître incontestable qui dirige l'ensemble avec un doigté d'une précision remarquable. 
    L'émotion et la théâtralité de cette musique et de ce chant extrêmement communicatifs étaient au rendez-vous. Sonya Yoncheva est apparue portant une robe fourreau lamée pailletée de sequins argentés avec un décoletté en biais et une manche unique donnant à voir l'incarnation dorée d'un bras nu, déesse musicale mouvante et émouvante jouant des longues boucles de sa chevelure auburn, offrant au regard les reflets fascinats d'un miel blond mordoré. Son chant à l'élocution précise transporte l'émotion, toutes ces émotions modulées et nuancées avec tendresse et délicatesse, qui touchent l'âme et soulèvent l'enthousiasme d'un public attentif et conquis. Sa voix offre un bouquet varié de couleurs éclatantes, ses yeux, les expressions de son visage et son corps accompagnent le chant d'une théâtralité naturelle. Elle communique  d'une manière tactile, chaleureuse et sensible  avec les musiciens, et particulièrement avec le maestro Christie et avec Nevel Lesage, l'extraordinaire  hautboïste du groupe, dont les solos sont très remarqués. Les musiciens formaient un glorieux écrin autour de la soprano bulgare dont le chant s'élevait comme une assomption glorieuse.
    Les applaudissements nourris ont favorisé de nombreux rappels (au bas mot, une demi-heure !) au cours desquels la chanteuse et l'hautboïste se sont déchaînés en offrant notamment la gentille comédie des hésitations d'un flirt amoureux. Sonya Yoncheva s'est alors  permis des jeux d'ornementation et de vocalises aussi brillants que savoureux, avec une virtuosité qui s'amusait de ses propres audaces, osant ici des pirouettes sonores, exprimant là une sensualité féminine langoureuse et gentiment rusée.
    Ah mes amis ! Quel jour de fête musicale ! Musica laetitiae comes medicina dolorum.  La musique est la compagne de la joie et un baume contre la douleur, comme le dit justement l'inscription qui orne le volet intérieur clavecin du maestro Christie, qui reproduit l'inscription du virginal de La leçon de musique, le célèbre tableau de Vermeer.

William Christie et Sonya Yoncheva

Les photos sont de © Wilfried Hösl

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