jeudi 31 mars 2022

L'impératrice Elisabeth d'Autriche. Un article d'Arvède Barine (1899)

L'historienne et critique littéraire française Louise-Cécile Bouffé, dite Arvède Barine ou encore Mme Charles Ernest Vincens (1840-1908) donna dans le Journal des Débats du 8 novembre 1899 un compte-rendu de la biographie de Sissi, The Martyrdom of an Empress. que publia la même année chez Harper (New York et Londres)  Marguerite Cunliffe-Owen. Le texte de Barine révèle une belle plume, mais on y relève des erreurs : François-Joseph ne fait pas sa demande en mariage à Possenhofen, mais à Ischl, et ne l'adresse pas au père de Sissi, mais à sa mère. Il faudrait vérifier aussi que Sissi se donnait le surnom de Cendrillon et ensuite que sa mère la vouvoyait... 

Cendrillon ?

L'IMPÉRATRICE D'AUTRICHE D'APRÈS UNE BIOGRAPHIE RÉCENTE (1)

    Elle était romanesque. Elle s'imaginait que les princesses ont le droit d'être des femmes comme les autres. Elle voulut s'appartenir, vivre pour elle-même, étant sur un trône et quel trône ! celui des Habsbourg. On l'avait bien mal élevée.
   Son enfance avait été négligée. Son père, Maximilien-Joseph des Deux-Ponts-Birkenfeld, duc en Bavière, était un parent pauvre de la famille impériale d'Autriche. Chargé d'enfants, absorbé par le souci d'établir les aînés, il travaillait laborieusement avec sa femme la duchesse Ludovica, à trouver deux maris pour leurs grandes filles. On comptait s'occuper de la petite Elisabeth plus tard, quand les grandes seraient casées.
   Elisabeth se trouvait très bien de son rôle de Cendrillon. Elle profitait de ce que personne ne la surveillait pour courir le pays et se lier avec tous les paysans des environs. Ce fut l'origine de ses malheurs. L'enfant grandit en dehors de l'idée monarchique, dans l'ignorance des sacrifices qu'elle exige de ses victimes, les têtes couronnées. Les chaumières où elle s'abritait familièrement pendant l'averse, où elle venait demander un verre de lait, lui enseignaient une autre leçon, bien dangereuse pour une future impératrice. Elle y apprenait à connaître les joies simples des humbles, leur absence de contrainte, et s'accoutumait à l'idée folle qu'elle pourrait y prétendre. Ce n'était pas sa faute ; personne ne lui avait expliqué ce que c'est qu'une princesse. Ses parents croyaient avoir du temps devant eux Elisabeth portait encore des robes courtes et ne dînait pas à la grande table on pouvait passer des semaines entières chez eux, à leur château de Possenhoffen, sans apercevoir leur Cendrillon.
    Celle-ci avait seize ans lorsqu'il survint un grand événement dans sa famille. Le digne couple de Possenhoffen avait été récompensé de ses peines ; la fille aînée venait d'être demandée en mariage par l'empereur d'Autriche. On attendait le jeune monarque au château pour célébrer les fiançailles. C'était à la fin de l'hiver de 1854, aux premières feuilles.
    François-Joseph arriva. Il avait vingt-quatre ans. Presque au débarqué, l'idée lui prit d'aller se promener tout seul dans les bois. Cette fantaisie a peut-être changé l'avenir de l'Autriche, et d'une partie de l'Europe avec lui. L'empereur vit venir à lui sous les grands arbres une petite fée vêtue de blanc d'une beauté ̃merveilleuse. Ses yeux bleus étaient pleins de lumière, sa chevelure flottante lui tombait jusqu'aux genoux. Deux grands chiens blancs gambadaient à ses côtés. Tandis que le jeune prince contemplait cette apparition, la fée s'approcha et lui jeta sans façons les deux bras autour du cou. C'était sa cousine Elisabeth, qu'on ne lui avait jamais montrée et qui avait reconnu son futur beau-frère d'après ses portraits. 
    Le soir même, l'empereur d'Autriche déclarait à Maximilien-Joseph des Deux-Ponts-Birkenfeld, duc en Bavière, qu'il avait changé ses projets et qu'il n'épousait plus sa fille aînée il épousait la petite, Elisabeth. Cela n'alla pas tout seul. Le vieux duc, dont les plans se trouvaient dérangés, se mit en colère; sur quoi l'empereur se fâcha aussi et menaça de repartir sur l'heure sans épouser personne. On en passa naturellement par où il voulait, et Cendrillon devint une grande reine comme dans le conte de fée. Telle est la légende, et je ne sache pas qu'elle ait jamais été démentie. Il serait dommage qu'elle le fût, car elle est est bien jolie. Le mariage eut lieu le 24 avril 1854. Le plus facile était fait, pour une créature aussi séduisante. Restait le plus difficile apprendre son métier de souveraine et en accepter les charges. Ce fut où elle échoua. Elle avait apporté au Burg les idées d'indépendance qu'elle avait puisées chez les amies rustiques de son enfance. Ce n'était pas leur place, il faut en convenir. Tant qu'il existera des monarchies, il existera une étiquette, et les monarques devront la subir. Ils commencent, pour la plupart, à trouver cela très dur. C'est tant pis pour eux car ils n'ont pas le choix; on peut même dire qu'ils l'ont moins que jamais, puisqu'il n'y a plus que l'étiquette qui les distingue aux yeux de leurs peuples du premier particulier venu. Du temps où ils ressemblaient aux rois des images d'Épinal, qui portent sur leur personne les attributs de leur puissance, ils pouvaient en prendre à leur aise avec les rites monarchiques. En leur voyant la couronne en tête et le sceptre en main, aucun de leurs sujets n'oubliait qui ils étaient. À présent qu'ils ressemblent à tout le monde, l'étiquette et la représentation ont doublé d'importance. C'est ce que ne comprit point une impératrice de seize ans, qui n'avait jamais vu que ses chiens et ses chevaux. Le cérémonial de la cour de Vienne est resté minutieux et compliqué elle le trouva assommant, et eut l'imprudence de le laisser voir. L'aristocratie viennoise, scandalisée, ne fit pas mystère de ses impressions, et ce fut le premier malentendu entre Cendrillon et la vie. Il devint visible à tous les yeux avant la fin de la première année.
    L'une de ses meilleures amies a écrit qu'il était impossible que l'impératrice Elisabeth fût appréciée par une cour, pour les raisons que voici : « Elle était. trop différente des autres femmes pour ne pas s'attirer de leur part les critiques les plus amères. Il y avait des moments où la tentation de se débarrasser de toutes les entraves et d'envoyer promener les cérémonies devenait trop forte. Elle ne pouvait pas y résister. C'était alors qu'elle partait pour ses longs voyages. Ils la délivraient de l'horrible cauchemar d'être perpétuellement en représentation et à se donner en spectacle. » Elle était pourtant intelligente ; mais ce rôle de marionnette l'écœurait ; c'était au-dessus de ses forces. Il lui était insupportable, d'autre part, d'être obligée de feindre, d'avoir à composer son visage, ce qui est l'ABC des cours, depuis le maître jusqu'au dernier de ses valets. « Elle n'a jamais rien dit ou rien fait qui pût blesser personne, rapporte la même amie. Mais elle ne comprenait pas l'art d'oublier, de rire et de danser le cœur plein de chagrin. Elle ne prenait pas son parti des sots et de leurs sottises, et elle refusait de passer sa vie à parader pour le plaisir d'un public idolâtre de faste et de pompe. Voilà ses crimes. » Pauvre princesse pauvre femme ! Les « crimes» n'étaient que des erreurs, mais de celles qu'on n'a pas le droit de commettre. Elle avait les bénéfices de la situation ; il lui fallait en porter les charges, ne fût-ce qu'à cause de son époux, à qui la couronne n'était pas non plus légère pour beaucoup de raisons.
    Il y eut par malheur un second malentendu de l'ordre sentimental entre Cendrillon (c'était elle-même qui s'était baptisée ainsi) et l'existence que lui avait apportée le hasard d'une rencontre. C'est un sujet auquel je ne ferais même pas allusion, si les détails n'en traînaient partout à l'étranger, entre autres dans le gros volume auquel j'ai emprunté plusieurs citations, et qui a fait scandale dans le vieux et dans le nouveau monde. De toutes les indiscrétions commises, et il y en a de bien indécentes, il ressort que l'impératrice Elisabeth, ainsi que je le disais en commençant, était une âme romanesque, qui rêvait d'idylle sur le trône, de bonheur tranquille et de fidélité bourgeoise. Elle ignorait les trois-quarts des privilèges des rois, et il en est qui la jetèrent dans le désespoir.
    Sa mère lui adressait de sages représentation. L'impératrice a conté elle-même que la duchesse Ludovica, la voyant se ronger à propos de ceci et de cela, lui avait dit un jour : « Mon enfant, il y a deux espèces de femmes dans ce monde celles qui en viennent toujours à leurs fins, et celles qui n'y arrivent jamais. Vous m'avez l'air d'appartenir à la seconde catégorie. Vous êtes très intelligente, vous savez réfléchir et vous ne manquez pas de caractère mais vous manquez de souplesse ; vous ne savez pas vous mettre au niveau des gens avec lesquels il vous faut vivre, ni vous plier aux exigences de la vie moderne. Vous êtes d'un autre âge, du temps où il existait des saints et des martyrs. Ne vous faites pas remarquer en ayant trop l'air d'une sainte, et ne vous brisez pas le cœur en vous imaginant que vous êtes une martyre. »
    Tout cela était très juste, mais tout cela venait trop tard. C'était à la petite princesse de Possenhoffen qu'il aurait fallu le dire et le redire jusqu'à ce qu'elle eût bien mis dans sa petite tête qu'on n'est pas impératrice pour s'amuser, ni pour filer le parfait amour, et qu'il y a, après tout, des compensations à ce qui manque à la femme dans la puissance pour le bien qui revient à la souveraine. Elle n'écouta pas l'avertissement, et donna un beau jour à l'Europe le spectacle d'une impératrice évadée de son trône et de son empire, et fuyant sur son yacht à travers la Méditerranée de peur d'être obligée d'entendre une parole de raison de l'époux lancé à sa poursuite.
    La duchesse Ludovica écrivit à la fugitive : «Vous avez agi comme si c'était vous qui fussiez coupable, et non votre mari. Plus nous sommes haut sur l'échelle sociale, moins nous avons le droit de venger nos offenses privées ou de nous libérer d'obligations pénibles. Rappelez-vous le bon vieux dicton Noblesse oblige. Vous êtes partie intégrante de l'honneur d'une grande nation; vous manquez à vos devoirs et aux traditions de vos aïeux en agissant ainsi pour une offense personnelle et sous l'entraînement de la passion. »
    Trop tard, toujours trop tard ; le mal était fait, l'exemple était donné, et il y avait de quoi guérir à jamais les gens assez ignorants de la réalité pour porter envie, dans le dix-neuvième siècle, aux grands de la terre. Il est incroyable qu'il existe encore de ces gens-là. L'impératrice Elisabeth n'a pas été plus heureuse comme souveraine que comme femme. L'histoire de l'Autriche, depuis cinquante ans, a été fort triste; les catastrophes se sont accumulées sur la tête de son monarque. Ah ! le triste métier, pour lui comme pour elle. Combien ils étaient à plaindre tous les deux
    La mort de leur fils combla la mesure. L'avenir n'était plus qu'un trou noir, pour eux et pour leur pays. On conçoit que l'impératrice Elisabeth ait eu plus que jamais horreur des fêtes et de la représentation. Elle vécut comme une âme en peine, recherchant la solitude et marchant des journées entières dans l'espoir de calmer ses nerfs. Sa silhouette en deuil fut connue des paysans de bien des provinces, dans bien des pays. 
    Et c'est elle qu'un anarchiste a choisie pour la punir de porter une couronne. Elle qui n'avait jamais pu se réconcilier avec son sort, elle qui s'était révoltée dès le début contre ce qui lui semblait la plus lourde de toutes les croix de la terre. Il fallait que Luccheni fût vraiment bien mal informé pour s'en prendre à l'impératrice d'Autriche. Son poignard l'a délivrée. C'est le sentiment de tous ceux qui la connaissaient bien. La nature ne l'avait pas faite pour le métier de princesse; l'éducation n'avait pas suppléé la nature Cendrillon a été écrasés sous le faix.

Arvède Barine

(1) Marguerite Cunliffe-Owen, The Martyrdom of an Empress, 1899.

Le Lac des Cygnes de Ray Barra au coeur du Festival du ballet au Théâtre national de Munich


    La semaine du Festival du ballet bat son plein à Munich où le Théâtre national affiche complet, après deux années de restrictions imposées par la pandémie. Si le port du masque et la présentation de justificatifs de vaccination ou de guérison restent de rigueur, la jauge a été récemment supprimée et c'est  un public enthousiaste qui se pressait hier soir aux portillons, avec un bémol cependant : l'annonce juste avant la représentation de changements dans la distribution dus aux maladies ou aux blessures, en raison desquelles les pirouettes des fameux 32 fouettés ne purent être exécutées. Mais la déception de l'annonce fit vite place à des applaudissements nourris en cours de représentation.
    Le Lac des Cygnes est considéré comme le ballet classique et romantique par excellence. Comme il n'a, en ce qui concerne sa livraison, ni texte chorégraphique fixe ni une structure dramaturgique claire, c'est vers la production de Saint-Pétersbourg de Marius Petipa et Lev Ivanov de 1895 que s'orientent la plupart des chorégraphes et c'est cette version qui continue d'influencer les nouvelles productions jusqu'à aujourd'hui. La représentation d'un groupe de danseurs en tutus, plumes de cygne et pointes est indissociable de pratiquement toutes les versions du Lac des cygnes.
    Avant d'avoir été chorégraphe, Ray Barra fut un célèbre danseur qui interpréta le Prince Siegfried lorsque la version de John Cranko arriva à Munich en 1970. Lorsqu'en 1994/1995 il conçut sa propre version de l'oeuvre, il conserva la magnifique livraison chorégraphique de Lev Ivanov. C'est surtout sa composition du deuxième acte qui marque l'histoire du ballet, car elle anticipe ce qu'il est convenu d'appeler  le ballet abstrait au XXe siècle. La situation psychologique de départ, qu'il a présentée dans la tradition de John Cranko et de Rudolf Noureev, est déterminante : le prince Siegfried est un jeune homme instable, qui n'a pas l'intention de se plier aux exigences politiques et sociales que lui impose sa position. Il s'échappe dans des mondes de rêve où les cygnes, sa bien-aimée Odette, son double maléfique Odile et le magicien von Rotbart deviennent pour lui des personnages réels, qui finissent par causer sa mort. 

L'intrigue

    L'action commence dans une cour royale, de style prussien, dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le prince Siegfried est sur le point de monter sur le trône et doit se marier. Sa mère, la reine, qui a toujours déterminé le cours de sa vie et qui prétend savoir ce qui convient à son fils et à la famille royale, veut lui imposer l'épouse de son choix. Mais Siegfried, jeune homme rêveur et émotif, préférerait de loin se consacrer à la littérature plutôt qu'à la politique. Il traverse depuis quelque temps une crise, se sent écartelé entre des sentiments contradictoires, tiraillé entre l'accomplissement de son devoir et ses préférences. Il ne peut pas et ne veut pas supporter plus longtemps la pression croissante que les exigences de sa mère et de sa fonction exercent sur lui. Le joug maternel lui est insupportable et il se retire de plus en plus de la réalité pour se plonger dans des fantaisies peuplées de personnages de littérature et de contes de fées.
    Lors du prologue, le prince rêve qu'il évolue dans le monde légendaire du lac des cygnes. Il assiste horrifié à la scène au cours de laquelle le magicien von Rotbart jette un sort à une jeune fille, Odette, pour la transformer en cygne.
    Le 1er acte se déroule le jour des fiançailles officielles, qui doivent être célébrées avec faste à la cour. Une garden-party est organisée le matin dans le parc du château. Les amis de Siegfried sont arrivés, une atmosphère joyeuse et insouciante règne : ils dansent, rient et conversent. Siegfried, seul, est assis, plongé dans ses pensées. Ses amis, particulièrement Benno, tentent de lui remonter le moral et de le distraire. Alors que la garden-party bat son plein, la Reine entre avec son entourage et des invités de haut rang venus de partout en Europe assister au bal des fiançailles. Elle présente Charlotte, la promise de Siegfried, à son fils. Lorsque Siegfried signale à sa mère qu'il n'est pas satisfait de son choix, elle marque une fois de plus sa volonté implacable de sceller ses fiançailles. Mais dès la première danse, Siegfried fait comprendre à Charlotte qu'elle ne peut gagner son cœur. Le Prince, profondément affecté par l'apparition de sa mère, désorienté, sombre dans la dépression. C'est dans un état de confusion totale qu'il croit être conduit au bord d'un lac par le magicien von Rotbart, C'est là qu'Odette, la reine des cygnes, lui apparaît avec son entourage. Odette lui fait comprendre que seul l'amour peut la libérer de son emprisonnement en tant que cygne. Siegfried tombe amoureux d'elle et lui jure une fidélité éternelle.
    Le 2e acte commence par le grand bal organisé pour célébrer les fiançailles du prince Siegfried, où se retrouvent toute la cour, la reine mère, et sa nombreuse parentèle. Les invités présentent des danses de leur pays d'origine. Enfin, alors que tous sauf Siegfried sont à table, une belle femme vêtue de noir lui apparaît, Odile, qui entre dans la salle avec ses compagnes et un homme impérieux à ses côtés. Dans le délire de Siegfried, elle devient un cygne noir qui a l'apparence d'Odette. Subjugué, il suit celle qu'il croit  être Odile dans une danse séduisante et lui jure fidélité. C'est alors, mais trop tard, qu'il reconnaît soudain qu'il a trahi  Odette et qu'il l'a perdue à jamais.
  Au lac, Odette, en pleurs, attend son bien-aimé infidèle. Une fois de plus, Siegfried déclare désespérément son amour et supplie Odette de lui pardonner. Elle lui pardonne, mais tout est déjà perdu. La magie de von Rotbart aspire Odette hors de l'emprise de Siegfried. Siegfried est comme happé par l'illusion, il la suit et se noie dans le lac. La Reine Mère retrouve son fils mort. Elle ne sait pas ce qui l'a poussé dans l'eau, ni dans quelles circonstances il a trouvé la mort.

António Casalinho (Benno), étoile montante du Bayerisches Staatsballett
Une photo de Marie-Laure Briane

    Presque trente ans après sa création, la chorégraphie de Ray Barra et les beaux décors de John Macfarlane continuent de séduire et cette reprise est la bienvenue, même si dans l'ensemble elle paraît souvent manquer d'élan. L'orchestre déploie les ors de la musique de Tchaikosvski, sous la direction éclairée de Tom Seligman, un chef dont l'expertise de la musique de ballet est bien connue, notamment à Munich où il fit ses brillants débuts lors de la saison 2018-2019 avec Alice’s Adventures in Wonderland de Christopher Wheeldon. Le rôle du prince Siegfried interprétée par Jinhao Zhang est difficile, car il reste longtemps un rôle de composition peu dansé dont l'expression corporelle du tourment psychique dans lequel le prince est plongé constitue la part principale. Ce n'est que dans la seconde partie que Jinhao Zang peut se dégager de la raideur tourmentée que la chorégraphie lui impose pour se donner à son talent et en faire la démonstration dans de brillants manèges. Le rôle de Benno, le compagnon du prince, est bien plus débridé : le portugais António Casalinho, un jeune prodige de la danse , en donne une interprétation étourdissante, avec des sauts d'une technicité et d'une pureté de ligne prodigieuses, sans doute la prestation la plus enthousiasmante de la soirée dans ce rôle de bravoure saisissant. Emilio Pavan donne une interprétation stylée de Rotbart, un autre rôle quelque peu contenu dont la conception chorégraphique ne paraît pas permettre au danseur de donner la pleine mesure de son art. Charlotte est un rôle inventé par Ray Barra, celui d'une jeune fille humiliée, aux espérances déçues, dont Maria Baranova parvient à souligner la délicatesse outragée. Ksenia Ryzhkova, dont c'est la cinquième saison dans la Maison, réussit l'exploit de reprendre au pied levé le double rôle d'Odette et d'Odile, sans toutefois parvenir à relever pleinement le défi très schizophrène de cette double interprétation qui oscille entre l'extrême douceur des arabesques et du défi à la pesanteur d'une Odette légérissime et diaphane et la vigueur fouettée plus abrupte d'une Odile qui n'est jamais que la créature de Rotbart, un démon aux apparences angéliques dont les 32 fouettés auraient dû démontrer la puissance dominatrice. Pour tenter de relever ce challenge, Ksenia Ryzkhova a bénéficié du soutien inconditionnel du public. Chapeau bas à cette grande danseuse ! Le corps de ballet fait un travail admirable. Les grands classiques du Lac des Cygnes emportent tous les suffrages, ainsi de l'adorable "pas de quatre" des quatre petits cygnes enlacés, où l'accord entre la vivacité élastique de l'allegretto de Tchaikovski et l'impeccable énumération de pas des danseuses est proprement miraculeux. Les 23 cygnes aux jupes nuageuses et duvetées et aux corsages, la musique exquise, les soli et les ensembles, les grandes variations ou les adages élégiaques alternent ou se combinent pour ravir l'œil et l'oreille et donner de grands moments de poésie au spectacle. 

Prochaines représentations : les 28 mai, 1er et 4 juin au Théâtre national de Munich

Crédit photos © Bayerisches Staatsballett

mercredi 30 mars 2022

Achilleion — Futur nautique d'Adolfo Wildt, histoire d'une sculpture

© Achilleion Palace Corfou
Monsieur Anastasios Diavatis, directeur du Musée de l'Achilleion à Corfou, a eu l'amabilité de nous communiquer le nom du sculpteur du petit marin qui nous accueille dans le jardin du palais de l'impératrice. La sculpture qui porte la mention Futur nautique sur son socle est due à une sculpteur italien, Adolfo Wildt. Voici la traduction française du commentaire que me communique M. Diavatis :

" Adolfo Wildt (1868-1931) Artiste italien. Adolfo Wildt était un sculpteur italien. Il est surtout connu pour ses sculptures en marbre, qui allient simplicité et élégance, et a ouvert la voie à de nombreux sculpteurs modernistes.
Futur Marin est une sculpture en marbre blanc, avec la figure d'un petit enfant assis sur un bateau brisé qui étudie le globe terrestre. Le visage enfantin du garçon exprime deux visages en même temps, le sourire à l'idée de ce qu'il connaîtra lorsqu'il deviendra marin et qu'il rencontrera un monde nouveau et la tristesse que ses rêves ne se réalisent peut-être pas. "


Photo d'époque
En faisant une recherche sur internet, j'ai eu la chance de trouver l'article de Madame Paola Mola, une éminente spécialiste de la sculpture contemporaine et de l'oeuvre d'Adolfo Wildt, qui nous fournit de précieuses indications sur la sculpture du "petit marin" (marinaretto). Son article, intitulé Wildt e Brera, breve storia di un’utopia (Wildt et Brera, brève histoire d'une utopie, dont nous donnons ici la traduction libre du passage consacré à la sculture de l'Achilleion) parut en 1994 dans le n° 104 de la revue Arte lombarda. Madame Mola nous y apprend que le jeune Adolfo Wildt, qui se disait autodidacte, fut cependant inscrit à l'Académie des Beaux-Arts Brera à Milan au premier cours de sculpture de l'année académique 1885-86. Il n'avait alors que 17 ans. Il considéra par la suite cette expérience comme insignifiante, surtout en ce qui concerne l'enseignement des professeurs Butti et Barzaghi. Il ne s'y inscrivit d'ailleurs plus les années suivantes, même s'il revint sans cesse dans les salles de Brera pour y étudier les moulages en plâtre. Plus tard, Wildt " rejettera la production de ces toutes jeunes années avec des attributs impitoyables de "mauvais goût" et de "bibelots", lié qu'il était à ce climat de romantisme tardif contre lequel il devait commencer sa recherche autonome:" La seule sculpture qui nous soit restée de cette période est "le marbre Marinaretto, dont la grâce enfantine bien élevée a conquis la sensibilité d'Elisabeth, impératrice d'Autriche, et que l'on trouve encore aujourd'hui à Corfou, dans le jardin de l'Achilleion. L'œuvre date de cette seule année à l'académie et est influencée par le naturalisme quelque peu affecté mais expert de Barzaghi, qui était alors responsable de la salle des statues."
"De peu d'importance pour l'histoire de l'art, le Marinaretto est plutôt une sorte d'emblème du goût du XIXe siècle : l'épopée aristocratique du costume historique du romantisme intégral se transforme, à la fin du siècle, en un goût bourgeois plus humble pour les déguisements "pauvres", selon le vent du réalisme social et la fortune du réalisme.
    La bourgeoisie habillait ses enfants en petits marins, avec leurs chapeaux de malia et leurs pompons, et les posait, en train de lire, les jambes bien rentrées, à la proue d'un petit bateau absent : le portrait pouvait être en marbre, mais il était beaucoup plus facile à réaliser en photographie  avec la mer peinte sur le fond, le vrai filet et la pipe au coin de la bouche (ouvrant ainsi la voie à cette mode "marin" qui devint plus tard le symbole de statut le plus tenace pour les enfants du nouveau siècle. En plus de celle gravée sur la base, le Marinaretto de Wildt portait l'autre signature (aujourd'hui perdue) d'un anneau suspendu à la proue, sculpté dans le marbre."

Il marinaretto di Adolfo Wildt - Uno studio della Signora Paola Mola

" Quando, nel 1930, Wildt si trovò a rispondere a quella sorta di questionario-intervista che Giovanni Scheiwiller aveva predisposto per li artisti suoi contemporanei, alla domanda «Quali studi ha fatto?» rispondeva «Autodidatta», risolvendo in un sol verbo anche le successive domande «Frequentò l'accademia? Quali professori ebbe?»In verità a Brera Wildt era stato iscritto, diciassettenne, nell'anno accademico 1885-86 al primo corso di scultura, ma considerava l'esperienza insignificante, specie riguardo all'insegnamento dei professori Butti e Barzaghi. Non si iscrisse agli anni successivi, anche se nelle sale di Brera continuava a tornare per studiare i gessi del Dioniso del Partenone, del Laocoonte, dell'Ercole Famese, di Michelangelo, ma anche di rilievi romanici, candelabre e tombe gotiche, allora non ancora dispersi o stivati in cantina. Nei rari accenni autobiografici ' l’autore liquida la produzione di quei giovanilissimi anni con impietosi attributi di «cattivo gusto» e «chincaglieria», legata com'era proprio a quella temperie tardo-romantica di contro la quale avrebbe avviato, dal ‘95, la sua autonoma ricerca. Pure, fortunosamente, di questa preistoria resta il marmo del Marinaretto (fig. 1), che conquistò con la sua grazia di bambino ben educato la sensibilità di Elisabetta Imperatrice d'Austria e che ancor oggi si trova a Corfù, nel giardino dell'Achilleion. Il lavoro data proprio a quell'unico anno d'accademia e risente del naturalismo un po' affettato ma di perito mestiere, cui conduceva l'insegnamento del Barzaghi, allora incaricato per la Sala delle statue.

Di poca importanza per la storia dell'arte, il Marinaretto è invece una sorta d'emblema per quella del gusto ottocentesco: l'epopea aristocratica in costume storico del romanticismo pieno trascorre, a fine secolo, nel più dimesso gusto borghese per travestimenti ‘poveri’, secondo il vento del realismo sociale e la fortuna del verismo.

La borghesia veste i suoi figli da piccoli marinai, con il cappello di malia e il pompon, e li mette in posa, a leggere con le gambe ben accomodate, sulla prua di una barchetta assente: il ritratto può essere in marmo, ma molto più facilmente è fatto in fotografia (fig. 2). con il mare dipinto sul fondale, la rete vera e la pipa nell'angolo della bocca (così aprendo la strada a quella moda ‘alla marinara’ poi divenuta il più tenace simbolo di status per i bimbi del nuovo secolo. Oltre quella incisa alla base, il Marinaretto di Wildt recava l’altra firma (ora perduta) di un anello pendente dalla prora, intagliato nel marmo." 

Paola Mola

Paola Mola (Milano, 1951) 

Si laurea in Lettere e Filosofia all’Università Statale di Milano (1973) con Marco Rosci e Marisa Dalai Emiliani. Si perfeziona in Storia dell’Arte con Gian Alberto Dell’Acqua all’Università Cattolica, essendo momentaneamente chiusa la Scuola dell’Università Statale. Coltiva in particolare il rapporto tra Storia dell’Arte e Filosofia estetica. E’ segnata dagli studi sulla poesia e filosofia greca, Warburg, Benjamin, Jung, Eliade, Angelo Brelich, e ha un rapporto d’amicizia con Dino Formaggio. Studia sopra tutto la Scultura e in particolare l’opera di Medardo Rosso, dalla mostra monografica del 1979 alla Permanente di Milano, alla mostra Rosso. The Transient Form (Guggenheim, Venezia 2007) fino al Catalogo ragionato della scultura (Skira, Milano 2009). Coltiva nel contempo gli studi su Wildt, dalla monografia con Ricci del 1989, al catalogo della mostra Wildt. L’anima e le forme nel 2013. Dal ’96 inaugura gli studi su Brancusi, e l’attenzione al rapporto tra scultura e fotografia (Brancusi.The White Work, Guggenheim, Venezia 2005, Rosso.Trasferimenti, Skira 2006, Brancusi fotografo, Abscondita 2013). 
Si interessata di iconografia (Interrogativo sul cuore, 1999; Due laminette orfiche, 2009, Un libro come cielo, 2012 inedito). Ha partecipato a convegni, pubblicazioni varie e dal 2009 alla rivista on-line “Warburghiana”. Lavora più recentemente sul tema della copia dall’antico.

Fonte della presentazione biografica della Signora MolaMuseoradio3.italia. 


mardi 29 mars 2022

Guerre 14-18 — Quand le drapeau français flottait sur l'Achilleion (1916) — 10 photos

Le palais néo-classique de l’Achilleion, sur l'île grecque de Corfou, fut construit en 1889-1891 puis occupé par l'impératrice Élisabeth d'Autriche-Hongrie. Le palais fut racheté par le kaiser Guillaume II d'Allemagne en 1907 ; il y fit de fréquents séjours jusqu'en 1914. Il fut ensuite occupé par les troupes françaises, qui en firent un hôpital militaire pendant la Première Guerre mondiale, pour accueillir et soigner les blessés serbes. Des photographies de 1916 ont été conservées par la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, propriétaire des droits. Elles représentent l'hôpital de l'Achilleion placé sous la protection du 6ème bataillon de chasseurs alpins (10 janvier - 10 avril 1916) puis du 10ème bataillon territorial de zouaves (avril - mai 1916).  










Carte postale ancienne (vers 1916)

lundi 28 mars 2022

At the villa Achilleion Corfu. A war poem by H. T. Sudduth / Poème À la villa Achilleion à Corfou

Serbian soldiers graves near the Achilleion (1916) / 
Les tombes des soldats serbes près de l'Achilleion en 1916
 

AT THE VILLA ACHILLEION CORFU.


By H.T. SUDDUTH.

A HAUNTING presence seems to fill the air,A shade of grandeur gone and e'er to beOne with the legends of the Ionian Sea—One memory more linked with Corcyra fair,Disjoined, alas! from presence otherwhere—A lost illusion of the years once freeAnd glorious in the kindling memoryOf grand Homeric Past still lingering there!
The olive orchards crown the hills; the vineAnd rose still flourish on the sunny slopesAs in Alcinous' Gardens; Morning opesHer eyes irradiant with the dawn divine!But now no longer at AchilleionThe Kaiser wakes to see fair Eos dawn.
In Belgian or in Russian lands afar,Beneath the smoke-cloud cope of shrouded HeavenWhere hissing shot and shell and War's red levinSpread far and wide the canopy of War!Where Nature shudders and seems to abhorThe awful scene; where myriad souls, unshriven,From life and all its joys at once are riven,Behold the Kaiser now 'neath Mars' red star!
A stern and sombre, gray-haired figure he,And standing midst the wreck of youthful dreamsSees he at times through battle smoke the gleamsOf rippling waves on blue Ionian Sea?Thinks he not sadly on the days now gone,And dreams he dreamed at fair Achilleion?
Published in New York Times, Current History, Vol 1, Issue 1 From the Beginning to March, 1915
À la villa Achilleion à Corfou, un poème de H.T. Sudduth
 
Une présence hantée semble remplir l'air,
Une ombre de grandeur disparue et qui ne sera plus jamais là.
Un souvenir lié aux légendes de la mer Ionienne
Un souvenir plus lié à la belle Corcyre,
Disjoint, hélas ! de la présence d'un autre endroit.
Une illusion perdue des années autrefois libres
Et glorieuse dans la mémoire enflammée
Du grand passé homérique qui subsiste encore ici !
Les vergers d'oliviers couronnent les collines ; la vigne
Et la rose fleurissent encore sur les pentes ensoleillées
Comme dans les jardins d'Alcinoüs ; le matin se lève
Ses yeux irradient de l'aube divine !
Mais ce n'est plus à l'Achilleion
Le Kaiser se réveille pour voir l'aube du bel Eos
En Belgique ou dans les terres russes lointaines,
Sous la chape de fumée des cieux enveloppés.
Où le sifflement des balles et des obus et le sang rouge de la guerre
Étend au loin le dais de la guerre !
Où la nature frissonne et semble abhorrer
La scène affreuse ; où des myriades d'âmes, sans répit,
De la vie et de toutes ses joies, sont arrachées à la fois,
Voyez le Kaiser maintenant sous l'étoile rouge de Mars !
C'est une figure sévère et sombre, aux cheveux gris,
Et debout au milieu de l'épave des rêves de jeunesse.
Il voit parfois, à travers la fumée de la bataille, les lueurs
Des vagues ondulantes sur la bleue mer Ionienne ?
Ne pense-t-il pas avec tristesse aux jours maintenant disparus,
Et les rêves qu'il a fait au bel Achilleion ? 

dimanche 27 mars 2022

Achilleion — Das Schloß der Kaiserin von Oesterreich in Gasturi — Ein Artikel der Gartenlaube (1893) et sa traduction en français

Das Schloß der Kaiserin von Oesterreich auf Korfu.
Nach einer Photographie gezeichnet von R. Büttner

Eine große Anziehungskraft übt neuerdings das bei dem Dorfe Gasturi erbaute Schloß der Kaiserin von Oesterreich aus. Man fährt auf bequemer Straße in einer starken Stunde bis dorthin; unterwegs hatte ich Gelegenheit, den Reichthum an prachtvollen alten Oelbäumen zu bewundern, welcher die Insel auszeichnet. Nirgends sonst habe ich dieselben in solcher Größe und in so außerordentlich malerischer, oft ganz phantastischer Bildung gesehen. Gasturi selbst bietet wenig Bemerkenswerthes. Am oberen Ende des Dorfes machte mein Rosselenker Halt vor einer Bretterbude, welche die Aufschrift „Bella Vienna“ trug; den Hauptschmuck derselben bildete ein die ganze Höhe der Wand ausfüllendes Plakat mit einer Riesenflasche, deren Inhalt als „Benedictine de l’abbaye Fécamp“ bezeichnet war. „Piazza Cavour“ war seitwärts auf einer Tafel zu lesen und gegenüber auf einem Bretterzaun „Boulevard imperiale“, Scherze der italienischen Arbeiter, welche beim Bau beschäftigt sind. Wenige Schritte brachten mich zum Eingangsthor der kaiserlichen Villa. Man hatte mir gesagt, daß der Zutritt zu derselben niemand gestattet werde, und auch der deutsche Konsul in Korfu, Herr Fels, dessen liebenswürdige Zuvorkommenheit allen deutschen Besuchern Korfus bekannt ist, erklärte sich außer stande, mir die Erlaubniß zu verschaffen. Doch wurde mir nach längerem Parlamentieren ein Einblick in das Vestibül und Treppenhaus und ein kurzer Aufenthalt im Garten zugestanden. Mehr war nicht zu erreichen, da jeden Augenblick der Besuch des kaiserlichen Intendanten, eines dalmatinischen Marineoffiziers, erwartet wurde, dessen rücksichtslose Strenge sehr gefürchtet schien. Das Aeußere des aus weißem Marmor im Stile der italienischen Renaissance aufgeführten stattlichen Hauses macht einen entschieden vornehmen Eindruck; was ich von Malereien im Inneren sah, war von geringerem Werthe.

Säulenhalle am Schloß der Kaiserin von Oesterreich.
Nach einer Photographie.

Die Lage ist entzückend: nach rechts, wo der Berg steil abfällt, das weite Meer und die nach Süden verlaufende Küste der Insel, nach Norden die mit Olivenwald bedeckte Abdachung bis zum See Kalikiopulo, dann die Stadt Korfu und jenseit derselben wieder ein vom Pantokrator und den albanesischen Bergen begrenzter Meeresstreifen, nach links ein Blick ins innere Land und im Rücken der Santi Deca. Der leitende Architekt war der Neapolitaner Garito; auch die Ausführung der einzelnen Arbeiten, der Malereien und der übrigen Ausstattung im Inneren wurde größtenteils italienischen, im besonderen neapolitanischen Künstlern und Arbeitern übertragen. Später war auch ein Wiener Ingenieur mit einer Anzahl dortiger Arbeiter berufen worden. Ich machte seine Bekanntschaft in der „Bella Vienna“ bei einer Flasche vortrefflichen Biers, dessen hier zu Lande überraschende Güte er mir dadurch erklärte, daß der praktische Wirth, der natürlich ebensowenig wie andere seiner Landsleute über einen Keller verfügte, denselben durch Eingraben der Flaschen in die kühle Erde zu ersetzen wußte.

Ehe das Schloß der Kaiserin Elisabeth gebaut wurde, war die Hauptsehenswürdigkeit Gasturis ein alter Brunnen, der hinter dem Dorfe in einer Schlucht steht, umgeben von Oelbäumen und Zypressen. Ein kleiner Junge, Alexandros mit Namen, bot sich als Führer an, sein Schwesterchen, die Wasilika – zu deutsch „Königin“ – durfte auch mit; war ihr Kostüm auch nicht königlich, so hätte doch ihr Gesichtchen einer Prinzessin wohl angestanden, so fein und regelmäßig waren die Züge und so klug und munter blickten die schwarzen Augen daraus hervor. Der Brunnen hat die Form eines großen Würfels mit einer Kuppel darüber, welche ein Kreuz trägt, und ist nach zwei Seiten geöffnet. Frauen und Mädchen mit großen Krügen gingen ab und zu oder standen und saßen plaudernd umher; die vornehme Anmuth ihrer Bewegungen, die Schönheit der meisten Gesichter paßte herrlich zu dem landschaftlichen Reize des Ortes.

Quelle : Die Gartenlaube 1893

Extrait d'un article sur Corfou dans le Gartenlaube de 1893

FR] [...] Le château de l'impératrice d'Autriche, construit près du village de Gasturi, exerce depuis peu une grande attraction. On y arrive en une bonne heure par une route facile ; en route, j'ai eu l'occasion d'admirer la richesse en vieux oliviers magnifiques qui caractérisent l'île. Nulle part ailleurs je n'en ai vu de si grands et d'une formation si extraordinairement pittoresque, souvent tout à fait fantastique. Gasturi elle-même offre peu de choses remarquables. En haut du village, mon attelage s'arrêta devant une baraque en planches portant l'inscription "Bella Vienna" ; la décoration principale en était une affiche remplissant toute la hauteur du mur, avec une bouteille géante dont le contenu était désigné comme "Bénédictine de l'abbaye de Fécamp". "Piazza Cavour" était inscrit sur un panneau latéral et, en face, sur une clôture de planches, "Boulevard impériale", plaisanterie des ouvriers italiens employés à la construction. Quelques pas me conduisirent à la porte d'entrée de la villa impériale. On m'avait dit que personne ne serait autorisé à y pénétrer, et même le consul d'Allemagne à Corfou, M. Fels, dont l'aimable obligeance est connue de tous les visiteurs allemands de Corfou, se déclara incapable de me procurer cette autorisation. Cependant, après de longues discussions, on m'accorda un aperçu du vestibule et de l'escalier, ainsi qu'un bref séjour dans le jardin. Il n'était pas possible d'obtenir davantage, car on attendait à tout moment la visite de l'intendant impérial, un officier de marine dalmate dont la sévérité impitoyable semblait très redoutée. L'extérieur de l'imposante maison de marbre blanc, construite dans le style de la Renaissance italienne, donne une impression de distinction ; les peintures que j'ai vues à l'intérieur étaient de moindre valeur.
    La situation est ravissante : à droite, où la montagne tombe à pic, la vaste mer et la côte de l'île qui s'étend vers le sud ; au nord, le versant recouvert d'une forêt d'oliviers jusqu'au lac Kalikiopulo, puis la ville de Corfou et, au-delà, à nouveau une bande de mer délimitée par le Pantocrator et les montagnes albanaises ; à gauche, une vue sur le pays intérieur et, derrière, le Santi Deca. L'architecte en chef était le Napolitain Garito ; l'exécution des différents travaux, des peintures et du reste de l'aménagement intérieur fut également confiée en grande partie à des artistes et des ouvriers italiens, en particulier napolitains. Plus tard, un ingénieur viennois fut également appelé avec un certain nombre d'ouvriers locaux. Je fis sa connaissance au "Bella Vienna" autour d'une bouteille d'une excellente bière, dont il m'expliqua la qualité surprenante dans ce coin du monde par le fait que cet aubergiste à l'esprit pratique, qui ne disposait naturellement pas plus que d'autres de ses compatriotes d'une cave, avait su la remplacer en enfouissant les bouteilles dans la terre fraîche.
    Avant la construction du château de l'impératrice Elisabeth, la principale curiosité de Gasturi était une vieille fontaine située derrière le village, dans un ravin entouré d'oliviers et de cyprès. Un petit garçon, Alexandros de son nom, se proposa comme guide, et sa petite sœur, Wasilika - en français "reine" - fut également autorisée à l'accompagner ; même si son costume n'était pas royal, son petit visage aurait bien convenu à une princesse, tant ses traits étaient fins et réguliers, et tant ses yeux noirs en sortaient intelligents et enjoués. La fontaine a la forme d'un grand cube surmonté d'une coupole portant une croix et s'ouvrant sur deux côtés. Des femmes et des jeunes filles portant de grandes cruches allaient et venaient, ou étaient debout et assises, en causant ; la grâce distinguée de leurs mouvements, la beauté de la plupart de leurs visages s'accordaient merveilleusement avec le charme du paysage. [...]

Rodolphe. Les textes de Mayerling

Les diverses versions du drame de Mayerling sont présentées dans le recueil  Rodolphe. Les textes de Mayerling (BoD, 2020).

Texte de présentation (quatrième de couverture):

   Suicide, meurtre ou complot ? Depuis plus de 130 années, le drame de Mayerling fascine et enflamme les imaginations, et a fait couler beaucoup d'encre. C'est un peu de cette encre que nous avons orpaillée ici dans les fleuves de la mémoire : des textes pour la plupart oubliés qui présentent différentes interprétations d'une tragédie sur laquelle, malgré les annonces répétées d'une vérité historique définitive, continue de planer le doute.
   Comment s'est constituée la légende de Mayerling? Les points de vue et les arguments s'affrontent dans ces récits qui relèvent de différents genres littéraires : souvenirs de princesses appartenant au premier cercle impérial, dialogue politique, roman historique, roman d'espionnage, articles de presse, tous ces textes ont contribué à la constitution d'une des grandes énigmes de l'histoire.

Le recueil réunit des récits publiés entre 1889 et 1932 sur le drame de Mayerling, dont voici les dates et les auteurs :

1889 Les articles du Figaro
1899 Princesse Odescalchi
1900 Arthur Savaète
1902 Adolphe Aderer
1905 Henri de Weindel
1910 Jean de Bonnefon
1916 Augustin Marguillier
1917 Henry Ferrare
1921 Princesse Louise de Belgique
1922 Dr Augustin Cabanès
1930 Gabriel Bernard
1932 Princesse Nora Fugger

Le dernier récit, celui de la princesse Fugger, amie de la soeur de Mary Vetsera, est pour la première fois publié en traduction française. Il n'était jusqu'ici accessible qu'en allemand et en traduction anglaise.

Luc-Henri Roger, Rodolphe. Les textes de Mayerling, BoD, 2020. En version papier ou ebook.

Commande en ligne chez l'éditeur, sur des sites comme la Fnac, le Furet du nord, Decitre, AmazonHugendubel, etc. ou via votre libraire (ISBN 978-2-322-24137-8).
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Crédit photos © Luc-Henri Roger

 

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